Dès lors que l’acquisition d’un logement adapté au handicap de la victime est une nécessité pour lui permettre de vivre décemment, le principe de la réparation intégrale commande de l’indemniser tant des frais d’acquisition que des frais d’aménagements dudit logement.

La jurisprudence s’est prononcée en ce sens depuis de nombreuses années déjà.

Voir l’arrêt de la 2ème chambre civile du 9 octobre 1996 n°94-19 763 – GUEGAN c/ LE GUEN qui illustre cette position :

« L’usage d’un fauteuil roulant pour la victime exigeait un changement de domicile et l’acquisition d’un logement de plain-pied, avec rez-de-chaussée aménageable comportant notamment des accès sanitaires, ce qui impliquait à la charge du responsable de l’accident, la prise en charge du cout de l’acquisition et de l’aménagement d’un tel logement ».

Ou encore celui de la Chambre criminelle du 10 janvier 2006 n°05-842256 :

« Attendu que pour réparer le préjudice de la victime (…) de l’obligation de recourir pour tous ses déplacements, à l’utilisation d’un fauteuil roulant exigeant un changement de domicile, l’arrêt attaqué lui alloue une indemnité correspondant au montant de l’acquisition et de l’aménagement d’un logement adapté à cette nécessité ».

Ou encore l’arrêt de la 2ème chambre civile du 11 juin 2009 n°08/11127 :

« Qu’en statuant ainsi, tout en constatant que du fait des séquelles, Monsieur X s’était retrouvé dans l’impossibilité de choisir entre l’acquisition ou la location d’un logement, dès lors que son handicap rendait nécessaires des aménagements de son logement incompatibles avec le caractère provisoire d’une location, ce dont il résultait qu’une telle acquisition était une conséquence de l’accident ».

La Cour de cassation dans un arrêt du 3 novembre 2011 n°10/26997, précise l’étendue de cette indemnisation. La victime peut solliciter :

  • Les frais d’acquisition du terrain,
  • Les honoraires de l’agent immobilier,
  • Le coût de la construction.

Ce poste de préjudice est apprécié in concreto : il s'agit de tenir compte non seulement du degré de handicap de la victime, mais également de sa situation personnelle et des caractéristiques du logement qu'elle occupait avant l'accident.

En ce sens, les frais d’acquisition du logement sont pris en charge par le débiteur de l’indemnisation lorsque la victime n’est que locataire de son logement puisque par définition, le contrat de bail est un contrat précaire incompatible avec la nécessaire pérennité des aménagements indispensables au handicap de la victime.

La 2ème chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 5 février 2015 n°14/16015 a précisé que les loyers précédemment honorés par la victime n’avaient pas à être déduits du prix d’acquisition à la charge de la Compagnie d’assurances :

« Que de ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de preuve produits aux débats, la Cour d’appel a pu déduire que les frais d’acquisition et d’aménagements de la maison exposés par la victime étaient en relation directe avec l’accident et devaient être pris en charge en totalité par Monsieur Y, indépendamment de l’économie réalisée par le non-paiement ».

C’est encore en ce sens que la 2ème chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée par arrêt du 14/04/2016 N°15.16625 et 15.22147 :

« Mais attendu que la réparation intégrale du préjudice lié aux frais de logement adapté commande que l’assureur prenne en charge les dépenses nécessaires pour permettre à la victime de bénéficier d’un habitat adapté à son handicap (…).

Qu’ayant constaté que Monsieur Z qui n’était pas propriétaire de son logement avant l’accident ; avait d’abord été hébergé chez ses parents dont le logement avait dû être aménagé pour le recevoir, puis une fois son état consolidé avait acheté une maison adaptée à son handicap, la cour d’appel qui n’avait pas à procéder à la rechercher visée à la première branche, en a exactement déduit que l’assureur devait garantir la victime de l’intégralité des dépenses occasionnées par cet aménagement puis par cet achat ».

Cependant, un arrêt de la 2ème chambre civile du 02/02/2017 N°15-29.527 a semé le trouble.

Dans cette affaire, la Cour d’appel avait limité l’indemnisation des frais de logement adapté de la victime aux seuls frais d’aménagements outre la prise en charge d’un surcout lié à l’acquisition d’une superficie de 50m² supplémentaires (pour l’utilisation d’un fauteuil roulant).

La Cour de cassation n’élargit pas l’indemnisation à l’acquisition même du logement, mais surtout casse l’arrêt de la Cour d’appel aux motifs que :

« Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'acquisition d'un logement mieux adapté était en relation avec l'accident pour avoir été rendue nécessaire à raison du handicap de la victime et du mode de vie qu'il lui impose, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision »

L’indemnisation des frais d’acquisition du logement n’est donc pas un acquis.

Les victimes doivent démontrer explicitement le lien de causalité entre le handicap résultant du fait litigieux et la nécessité d’acquérir un logement adapté à ce handicap.

La Cour a-t-elle souhaité durcir les conditions d’indemnisation des frais de logement adapté ? Non !

Les victimes peuvent être rassurées par cet arrêt récent du 18 mai 2017 n°16-15.912 de la 2ème chambre civile selon lequel :

« Mais attendu qu'ayant relevé que M. X..., qui était âgé de 26 ans au jour de l'accident, résidait au domicile de ses parents, lequel est devenu inadapté aux besoins de son handicap, que l'importance de ce handicap et l'usage permanent d'un fauteuil roulant justifient, selon le rapport d'expertise, des aménagements du logement suffisamment lourds pour qu'ils soient incompatibles avec le caractère provisoire d'une location,

que le changement de lieu de vie n'est donc pas un choix purement personnel mais a été provoqué par les séquelles de l'accident, qu'il n'est d'ailleurs pas démontré que le coût financier de l'acquisition d'un immeuble déjà construit et de ses travaux d'adaptation soit inférieur à l'option prise par la victime de faire construire en tenant compte des contraintes matérielles de son handicap,

 que les frais que M. X... a dû engager pour acquérir un terrain et faire construire un logement adapté à son handicap sont directement imputables aux séquelles provoquées par l'accident, la cour d'appel en a exactement déduit que la victime devait être indemnisée des frais d'acquisition d'un logement adapté ».

Par conséquent, dès lors que le handicap de la victime rend nécessaire l’acquisition d’un logement, notamment au regard de la gravité de son handicap, lorsque celle-ci est locataire de son logement, et du fait de la lourdeur des aménagements nécessaires, les frais d’acquisition dudit logement doivent être intégralement pris en charge par le débiteur de l’indemnisation.