L’article L.218-2 du code de la consommation prévoit que l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
La première chambre civile de la Cour de Cassation est venue préciser dans trois arrêts rendus le 20 mai 2020 certaines conditions d’application de cet article.
Ainsi, elle a indiqué que le fait de soumettre volontairement un prêt immobilier aux dispositions des articles L.312-1 et suivants du code de la consommation n’emportait pas application de la prescription biennale. (n° de pourvoi 19-10.770)
Cette solution peut paraître critiquable dans la mesure où les parties ayant souhaité volontairement soumettre au droit de la consommation leur contrat de prêt immobilier, à l’origine exclu de ses dispositions parce que destiné à financer une activité professionnelle, on aurait pu imaginer que les règles protectrices du code de la consommation pouvaient s’appliquer.
Toutefois et à juste titre, la Cour de cassation a considéré que seules les règles relatives au prêt immobilier pouvaient trouver à s’appliquer puisque volontairement choisies et non finalement l’intégralité des dispositions du code de la consommation auxquelles les parties n’avaient pas décidé de se soumettre.
Elle a par ailleurs aussi rejeté l’application de la prescription biennale à l’action diligentée contre un co-emprunteur non professionnel considérant que le fait qu’il soit étranger à l’activité pour les besoins de laquelle le prêt avait été consenti n’avait pas d’importance. (n° de pourvoi 19-13.461)
En l’espèce, en effet, deux époux avaient souscrit un emprunt auprès de leur établissement bancaire afin de financer l’’activité économique du mari. Poursuivis par la suite en paiement, l’épouse avait fait valoir sa qualité de consommateur et le fait qu’elle ne participait pas à l’activité économique de son époux afin de voir appliquer la prescription biennale.
Cette solution est plus critiquable.
En effet, les dispositions de l’article L.218-2 précité retiennent comme critère un professionnel qui fournit un bien ou un service à un consommateur et non un bien ou un service fournis en dehors de toute activité professionnelle. Dès lors que c’est la qualité de consommateur qui entraine l’application de la prescription biennale, l’on peine à comprendre pourquoi l’épouse, totalement étrangère à l’activité de son mari, en sa qualité de consommateur, ne pouvait pas bénéficier de ces dispositions. Cela est si vrai que si l’on considère que les époux étaient co-emprunteurs solidaires, l’article 1315 du code civil prévoit que le codébiteur solidaire peut opposer au créancier les exceptions qui sont communes à tous les débiteurs mais aussi qui lui sont personnelles.
La Cour de cassation a dans un arrêt du 11 décembre 2019 (voir l’article publié dans cette même rubrique le 26 mars 2020) jugé que la prescription biennale était une exception purement personnelle dont ne pouvait se prévaloir la caution. Dès lors, il est plus que surprenant qu’elle n’ait pas fait application de cette solution dans l’affaire rapportée.
L’exception personnelle tirée de la qualité de consommateur semble être à géométrie variable…
Enfin, la Cour de cassation a jugé que les dispositions de l’article L.218-1 précité édictaient une règle de portée générale ayant vocation à s’appliquer à l’action en paiement des sommes devenus exigibles en exécution des prêts consentis par des professionnels à des consommateurs quels que soient la nature ou le montant des prêts. (n° de pourvoi 18-25.938)
En l’espèce la banque faisait valoir que l’ouverture de crédit consentie au débiteur ne relevait pas des dispositions applicables en matière de crédit à la consommation parce que son montant était supérieur à 75.000 € et de ce fait relevait de prescription quinquennale et non biennale.
Il est plutôt heureux que la Cour de cassation n’ait pas exclu certains prêts de l’application de l’article L.218-1 même si l’on peut toutefois se poser la question de savoir pourquoi dans certains cas c’est l’opération financée qui prime et dans d’autres la qualité de consommateur.
La Cour de cassation aura certainement à nouveau l’occasion de se prononcer sur les conditions d’application de la prescription biennale et de préciser clairement sa position.
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Cass.Civ.1ère 20 mai 2020
N° de pourvoi : 19-10.770
N° de pourvoi : 19-13.461
N° de pourvoi : 18-25.938
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