Le confinement résultant de la lutte contre l’épidémie du COVID-19, a eu pour conséquence première la fermeture des établissements recevant du public (ERP) et de ce fait tous les commerces, à l’exception de ceux faisant l’objet d’une dérogation (notamment ERP catégorie M et N).

D’un point de vue économique, pour les commerces en question, cette période de confinement représente un manque à gagner total et un effort de trésorerie face aux charges fixes que la plupart des petits commerces ne peuvent affronter.

Dès le début de la crise le Gouvernement a eu un discours rassurant à l’encontre des commerçants et des PME, TPE, leurs indiquant la suspension des factures d’eau, de gaz ou d’électricité ainsi que des loyers professionnels.

Aux paroles se sont alliés les actes puisque le Parlement a voté une loi d’urgence afin de lutter contre l’épidémie (Loi 2020-290 du 23-3-2020). Cette loi habilite le Gouvernement par voie d’ordonnance à prendre des mesures exceptionnelles concernant les loyers des locaux professionnels (art. 11).

S’en est suivie l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de COVID-19.

Et notamment son article 4, qui précise qu’il est interdit de faire application de "pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages et intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute autre clause prévoyant une déchéance ou d’activation des garanties ou caution, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents aux locaux professionnels et commerciaux dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire".

Autrement dit c’est un simple report des loyers et charges.

Or attention, ces mesures ne concernent pas toutes les entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de COVID-19, mais les seules entreprises bénéficiant du fonds de solidarité.

Qu’en est-il des autres entreprises, celles n’ayant pas le bénéfice de ses mesures ?

Ces entreprises ont tout de même recours aux mesures de droit commun, celle déjà existante dans l’arsenal judiciaire français.

En l’espèce, la force majeure et l’exception d’inexécution.

En droit, la force majeure est caractérisée par trois conditions cumulatives, l’événement survenu doit était imprévisible (on ne pouvait l’avoir prévu lors de la signature du contrat), irrésistible (les effets ne pouvaient être évités par des mesures appropriés) et extérieur (on n’en n’est pas la cause).

Ces conditions paraissent être remplie du fait de l’état d’urgence sanitaire et permettent de suspendre le paiement des loyers et charges sans pénalités, pendant la période de crise sanitaire.

En droit l’exception d’inexécution, est prévu à l’article 1220 du Code civil, suivant lequel une « partie peut suspendre l’exécution de son obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle », cette suspension devant « être notifiée dans les meilleurs délais ». Le locataire devra ainsi notifier au bailleur qu’il ne paiera pas les loyers pendant la période d’interdiction d’activité et ce du fait que le bailleur ne peut mettre à disposition les locaux du fait de la fermeture imposée.

En revanche, seules les entreprises dont l’activité est attachée à l’exploitation de leur local commercial pourront invoquer l’exception d’inexécution.

En tout état de cause, il est fortement recommandé de notifier cette suspension au bailleur et de se conformer, plus généralement, au processus décrit dans le bail, le cas échéant, en cas de force majeure.

Reste la question de savoir s’il est possible de rompre le bail commercial du fait de la cessation d’activité causée par la fermeture imposée par les autorités.

En principe non, un engagement contractuel ne peut être rompu que d’un commun accord.

Il reste à mon sens, la possibilité de recourir à l’article 1195 du code civil, qui stipule : « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.

En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe. »

Cependant, on ne peut invoquer l’article 1195 du code civil qu’à la condition que le bail signé ne dispose d’une clause excluant l’application dudit article.

A défaut, dès la fin de l’état d’urgence sanitaire, et l’accès normal à la justice rétablie, une demande basée sur l’article précité peut être envisagé afin de mettre fin au contrat de bail, bien que cela dépende en grande partie du pouvoir souveraine d’appréciation du Juge.

Autrement dit, les chances de réussite d’une telle action sont grandement soumises à l’aléa judiciaire.