Suite aux nombreuses interventions du gouvernement sur l’impact du Coronavirus dans les relations commerciales, il est nécessaire de relever les situations dans lesquelles la force majeure peut être soulevée par l’un des cocontractants afin de ne pas se voir reprocher l’inexécution de l’une de ses obligations contractuelles.


Avant toute chose, la force majeure est régie, depuis l’Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, par l’article 1218 du Code civil :

« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur. Si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. »

Les dispositions de l’article reprennent finalement les critères posés par la jurisprudence, puis codifiés par la réforme du 1er octobre 2016. Ainsi, la jurisprudence considère traditionnellement que seul un événement présentant un caractère imprévisible et irrésistible permet de soulever la force majeure.

Or, les deux critères posés par la jurisprudence ne sont pas applicables de manière automatique et la force majeure ne trouve application qu’à la suite d’une qualification généralement très casuistique.

L’imprévisibilité est avant tout liée à un critère de temporalité, c’est pourquoi la jurisprudence prendra vraisemblablement en considération le moment de conclusion du contrat.

Il est néanmoins réducteur de penser que, par sa seule antériorité à la découverte du virus, le contrat permette de facto de soulever la force majeure dans le but d’éteindre toute obligation contractuelle réciproque.

En effet, il convient d’être prudent sur le terrain de la force majeure car la jurisprudence liée à l’apparition de phénomènes épidémiques est très casuistique.

Ainsi, la Cour d’Appel de Saint-Denis avait-elle jugé que le contrat de travail conclu après l’apparition du virus du chikungunya ne pouvait succomber à la force majeure, l’épidémie étant notoirement connue et fréquente au moment de la conclusion du contrat (CA, Saint-Denis (Réunion), Chambre sociale, 29 décembre 2009 – n° 08/02114).

Mais encore, concernant un opérateur de voyage obligé d’informer ses clients sur les risques encourues, selon la destination choisie, la Cour d’Appel de Nancy indique que le professionnel du voyage pouvait avant tout se référencer aux sources officielles afin de connaître de la sévérité de l’épidémie de Dengue qui sévissait. Elle ajoute également que la facilité d'accès aux informations officielles et quotidiennes sur l'épidémie, complétées par des données émanant de sources diverses, retirait à l’évènement son caractère imprévisible (CA, Nancy, 1re chambre civile, 22 Novembre 2010 – n° 09/00003).

Dans ce même arrêt, concernant le critère d’irrésistibilité, les juges du fond ont pu considérer que l’étendue de l’information diffusée, la faible affectuosité de l’épidémie ainsi que le faible nombre de cas ayant entrainé des complications ne permettaient pas de retenir la force majeure.

Il est néanmoins important de préciser que l’épidémie de Dengue n’avait alors pas été reconnue comme un « phénomène nouveau » par les juges du fond.

Concernant l’épidémie récente du COVID-19, il est certain que la « nouveauté » du phénomène ne sera pas débattue par les juridictions, puisqu’il n’existe à ce jour aucun vaccin ni traitement préconisé et que sa létalité, bien que contestée, fait tout de même l’objet d’une information étendue de la part d’organismes tel que l’ONU ou encore du gouvernement. Dès lors, son imprévisibilité pourra probablement être prouvée.

De manière beaucoup plus casuistique, suivant les recommandations présentes dans le champ d’application territorial du contrat, il est fort probable que les mesures de confinement permettront d’établir le caractère irrésistible du phénomène.

Ces affirmations seront nécessairement inversées dans l’hypothèse où un contrat serait conclu à la suite de la découverte de l’épidémie, conformément à la jurisprudence de la Cour d’Appel d’Annecy.

Le gouvernement a d’ores et déjà indiqué, concernant le cas du voyage à forfait, que les annulations portant sur des voyages dans une zone sujette à l’épidémie ou voisine à celle-ci, pourront vraisemblablement être fondées sur la force majeure.