« L'état de nos prisons, nous le savons tous, est une honte pour notre République » : voici le constat dressé  le 23 juin 2010 par Nicolas SARKOZY lui qui a tant œuvré pour les remplir. 

Localement, la maison d'arrêt de Varces ne fait pas exception : c’est un bâtiment qui vieillit mal dans lequel on entasse des hommes (dont beaucoup sont présumés innocents).

En vain l’Observatoire International des Prisons a demandé au préfet en février 2011 la fermeture immédiate du bâtiment en attendant sa remise aux normes.

Après un combat de presque 5 ans, un ex-détenu obtient la condamnation de l’Etat pour les conditions de sa détention que le Tribunal administratif de Grenoble juge « contraires à la dignité de la personne humaine ».


EXPERTISE IMPARTIALE ET ACCABLANTE

L’expert architecte désigné par le Tribunal avait décrit les conditions de détention à la Maison d’Arrêt de Varces.

L’administration pénitentiaire avait mis la plus mauvaise volonté à lui laisser faire son travail. 

Les procédures d’évacuation, les consignes de sécurité (plan ETHARE), le registre de sécurité de l’établissement, le plan particulier d’intervention et le plan d’intervention interne de l’établissement n’ont jamais pu être communiqués à l’expert.

En prison, ce qui est dedans doit rester dedans.

L'expertise a tout de même pu montrer ce qui ne devait pas être vu, à part par tous les sans voix qui vivent la prison au quotidien.


COMME DANS UN PLACARD

Promiscuité et tension, c’est la conséquence de la surpopulation.

Dans son rapport du 29 juin 2000 sur la situation dans les prisons françaises, le Sénat a déterminé que la capacité d’accueil d’un établissement pénitentiaire se calcule par référence à la surface au plancher, selon nu barème élaboré à cette occasion et au terme duquel une cellule d’une superficie de 11 m² ne peut contenir qu’un seul détenu.

Au total, une fois l'espace réservé aux toilettes et aux divers meubles présents dans la cellule, l'espace disponible au sol n'est plus que de quelques mètres carrés au maximum.

Cette situation est aggravée quand plusieurs détenus sont incarcérés dans une telle cellule. Elle est d'autant plus préjudiciable que les activités sont rares et que la plupart du temps, les détenus restent dans cette cellule fermée à clef de l'extérieur où il est à peine possible de marcher.

En l’espèce, la surface mesurée par l’expert sur une cellule type de la maison d’arrêt de Varces est de 8,32 m².

Toutes ces cellules ont des lits superposés pour accueillir deux détenus, parfois plus.

Chacun ne dispose donc que d’un espace moyen au moins inférieur à 5 m², voire inférieur à 3 m² notoirement insuffisant, ne serait-ce qu’au regard du cubage d’air disponible par détenu.

Le rapport de l’expert pointe dans chaque cellule visitée l’état des fenêtres de la Maison d’Arrêt de Varces qui contribue grandement à l’impression d’enfermement et a pour conséquence :

-      un éclairage insuffisant dégradant la vue des occupants des cellules
-         des températures extrêmes en hiver ou en été
-         une aération non adaptée 

Le mauvais état des fenêtres a aussi de grandes conséquences sur la température dans les cellules.

Les détenus sont obligés de se protéger de la chaleur par des cartons apposés sur les vitrages ou des PLEXIGLASS ou se protéger du froid.

L’expert constate qu’il n’y a aucun dispositif permettant de limiter les apports solaires d’où le recours a des « bricolages » constatés dans de nombreuses cellules pour se protéger de la chaleur.

L'atmosphère des cellules  est souvent étouffante, surtout en été.

La présence massive de moustiques  à la prison, y compris en dehors de la période estivale, a été signalée à de nombreuses reprises.

La conception des vitres « est tout à fait simpliste et non conforme aux règles qui s’appliquent à ce type d’ouvrage » favorise des entrées d’air parasites   et l’expert architecte note qu’ « il est vraisemblable que dans certain nombre de cas, le radiateur en place ne permet pas de compenser intégralement les déperditions dues aux défauts affectant les ouvrants ». .

Le problème de ventilation est patent. Les commentaires du rapport de l’expert sur ce sujet reprennent  le constat fait sur la majorité des cellules : les grilles de ventilation sur des conduits verticaux permettant le renouvellement d’air sont presque tous obstruées. Soit partiellement ou totalement par des travaux de peinture,  soit volontairement  par l’occupant « pour empêcher la pénétration de cafards ».


LA SANCTION PAR L’HYGIENE

Les WC ne sont séparés du reste de la cellule que par une seule cloison latérale qui ne monte pas jusqu'au plafond et communiquent donc avec la pièce qui tient lieu, notamment, de cuisine. Quand plusieurs personnes sont détenues dans la cellule, ceux-ci sont réduits à faire leurs besoins au vu et au su de leur codétenu, que bien souvent ils ne connaissent pas.

Des infiltrations, de l’eau qui peut stagner, un mauvais état général de certaines cellules ne favorisent aucunement une bonne salubrité des lieux.

Cela est confirmé par la présence rapportée de cafards et de rats : « la grille de ventilation haute est obturée avec un carton pour empêcher les cafards de pénétrer dans la cellule » dont l’expert trouvera même les cadavres au cours de son expertise.

Un certain nombre de douches ne fonctionnent pas, («  2 douches ne fonctionnent pas au 4ème étage » lors du passage de l’expert)  d'autres ne délivrent qu'un filet d'eau

Aux dires de plusieurs détenus concordants bien que recueillis séparément, le sol est souvent si sale qu'il est impossible de se rendre pieds nus à la douche.

« Le très mauvais état » des douches est dénoncé dans le rapport de l’expert, il y fait froid en hiver, c’est sale, des courts circuits peuvent intervenir à chaque instant avec les conséquences qu’on imagine dans une salle d’eau… la sanction par l’hygiène en quelque sorte !


NOURRITURE

A Varces, il est fréquent que la nourriture arrive froide, et en quantité insuffisante.

Le rapport de l’expert réalisé en période estivale n’a pu constater que la nourriture arrivait froide dans les cellules.

Il a été constaté que l’assiette de la veille d’un détenu du quartier disciplinaire pouvait rester dans le hall non ventilé en plein après midi.


INCENDIE

Déjà, en juin 2007, le rapport de la DRASS mentionnait : « En raison du positionnement des ateliers sous les cellules de détention, des travaux sont programmés pour bloquer les aérations entre rez de chassée et 1er étage et prévenir les risques d'incendie » (pièce 7).

Malheureusement, un incendie éclatait avant que les travaux aient été entrepris. Un récent rapport de l'inspection départementale du travail relève que l'incendie s'étant déclaré dans l'atelier de la prison suite au meurtre d'un détenu dans la cour le 28 septembre 2008 « a gravement endommagé l'installation électrique qui est entièrement à refaire. Les 4 ateliers de 800 m²séparés par des grilles ne répondant pas aux normes incendie vont nécessiter également l'engagement de travaux supplémentaires ».

Selon plusieurs témoignages de détenus concordants, bien que recueillis séparément, les fumées dégagées lors de cet incendie se dirigeaient alors vers les bâtiments de détention par l'extérieur mais aussi par l'intérieur et les coursives. Les cellules des premier et deuxième étages étaient alors largement enfumées.

De même, les incendies en cellule démarrés par les matelas sont fréquents. Le 11 janvier 2006, un mineur de 16 ans subissait de graves brûlures après avoir incendié son matelas dans une cellule du quartier disciplinaire de la maison d'arrêt de Varces. Le 19 juillet 2008, un jeune majeur était retrouvé très gravement brûlé dans sa cellule où son matelas avait pris feu.

L’OIP demandait la fermeture du bâtiment principal de l'établissement en attendant sa mise aux normes de sécurité incendie. Il  rappelait le décès d’un prévenu suite à inflammation de son matelas le  25 décembre 2009.

La régularité des départs d'incendie au sein de l'établissement menace concrètement la sécurité des personnes.

L’expert n’a pas eu accès aux documents demandés pour s’assurer que le risque d’incendie est maîtrisé. Il fait état de l’absence de dispositif incendie dans les cellules et dans les parties communes.

Les dangers électriques sont importants et ils ont été constatés par l’expert et il décrit un  système non actualisé de la détection d’incendie, l’absence d’en cloisonnement de locaux du bâtiment principal ainsi que des cages d’escaliers et cages d’ascenseurs, qui font courir des risques inconsidérés à tout le personnel de la maison d’arrêt de Varces.


L’ETAT PUNI

Fin de l’histoire avec ce jugement, la faute de l’Etat est donc constatée. Les conséquences financières sont de l’ordre du symbole (1000 € pour 6 ans de détention avec les rats, la chaleur et le gel…) mais le combat était mené pour les principes.

Quelques coups de peintures n’ont malheureusement rien changé à Varces.

Ce sont des milliers de détenus (dont beaucoup sont présumés innocents) qui pourraient encore aujourd’hui se plaindre du manquement de l’Etat qui les entassent dans des conditions d’un autre âge pour les punir.

A moins qu’on ne vide les cellules de ces détenus trop nombreux et qu’on se donne les moyens de respecter la dignité humaine en France au 21ème siècle…