Les prisons sont pleines, elles sont une honte pour la République, et pourtant, quand une peine de prison n’est pas la réponse pénale donnée à une infraction, d’aucuns exigent que les juges s’en justifient, les taxant volontiers de laxistes. Comment s’étonner alors que les juges aient parfois du mal à exercer leur office face à de telles injonctions contradictoires .L’article 132-19 du code pénal est venu dire depuis la loi du 15 août 2014 que « en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ». En dernier recours, si toute autre sanction est inadéquate… manifestement inadéquate. Des peines adéquates, il en existe tant et plus grâce au législateur qui, lui, ne manque pas d’imagination, de ressources pour offrir à la justice une palette de sanctions dans laquelle ce serait bien un monde que le juge ne trouve pas dans la plupart des situations une réponse pénale adéquate autre que « prison, prison, prison ». L’article 131-3 du code pénal les énumère et si la première des peines correctionnelles et effectivement la prison, il faut lire la suite pour se convaincre qu’elle n’est pas la seule réponse pénale possible. La contrainte pénale, l'amende, le jour-amende, le stage de citoyenneté, le travail d'intérêt général, les peines privatives ou restrictives de droits prévues à l'article 131-6 , les peines complémentaires prévues à l'article 131-10, la sanction-réparation sont bien souvent des sanctions adéquates, adaptées, mais négligées au profit de la prison qui fait peut être du bien à celui qui la prononce mais qui, en pratique, quand elle n’aggrave pas les maux ne résout rien. Quand vraiment, la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent la peine d’emprisonnement nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate, alors le juge peut prononcer une peine d’emprisonnement ferme. Mais le législateur a prévu un autre verrou pour sécuriser la porte de la prison. La peine d'emprisonnement doit par principe faire l'objet d'une mesure d'aménagement de peine, "si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle". Le juge qui, indifférent à l’inutilité voire la nocivité de la peine qu’il s’apprête à prononcer, ignorant de la surpopulation carcérale qui gangrène l’institution devenue à l’évidence criminogène, décide d’avoir recours à la peine d’emprisonnement sans sursis et se refuse à aménager cette peine devra « spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ». Et pas par un simple copier-coller des motifs par lesquels il a décidé de la peine de prison. Comme l’avalanche de textes législatifs en la matière ne permet guère de savoir si le législateur est sérieux quand dans ce seul article 132-19, il semble contredire la grande sévérité qu’il réclame souvent, la Cour de cassation s’est attelée à faire de la pédagogie auprès des juges depuis un an. Un revirement important de jurisprudence amène désormais la Cour de cassation à contrôler de manière particulièrement exigeante la motivation retenue par les juges laquelle va devoir être moins laconique que jusqu’alors. Dans une série d’arrêts (Crim 29/11/2016 15-86.71215-86.11615.83.108 ; Crim 10/5/2017 15-86.906 ; Crim 28/6/2017 15-86.475), la Cour de cassation nous confirme qu’il va falloir appliquer à la lettre l’article 132-19 du code pénal. Aux avocats d’exiger la rigueur intellectuelle de ceux qui finissent parfois et sans bien réfléchir par "distribuer" les peines quelle que soit la personne, quels que soient les faits, quelle que soit la situation matérielle, familiale, sociale et quelle que soit la loi finalement.