Le conducteur prévenu résidait au Royaume-Uni depuis 1998. Le 21 mai 2015, il a été contrôlé sur le territoire métropolitain, alors qu’il conduisait un véhicule malgré l’annulation, en 1999, de son permis de conduire français par suite de la perte de la totalité de ses points. Le préfet des Yvelines avait, en effet, constaté l’invalidation du son permis de conduire pour défaut de point par décision du 9 février 1999, tout en constatant qu’il était titulaire d’un permis de conduire anglais qu’il avait échangé contre son titre français le 15 mars 1998.

 

Il a été, ainsi, poursuivi par le Ministère public du chef de conduite d’un véhicule malgré l’invalidation du permis de conduire résultant de la perte de la totalité des points, en récidive.

Le tribunal correctionnel l’a déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés, et ce, malgré le fait qu’il ait produit un permis de conduire britannique résultant d’un échange avec son permis de conduire français.

Le prévenu devait interjeter appel de ce jugement au motif d’une violation alléguée des articles 2, paragraphe 1, et 11, paragraphes 1 et 4, deuxième alinéa, de la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, 6 et 7 de la convention européenne des droits de l’homme, L223-5 et R. 223-3 du Code de la route, 591 et 593 du Code de procédure pénale.

Son axe de défense était le suivant.

Il estimait que les dispositions des textes précités s’opposent à ce qu’un Etat membre interdise, sous peine de sanctions pénales, à une personne dont le permis de conduire délivré par cet Etat a été invalidé, de conduire sur son territoire, tandis que la période au cours de laquelle cette personne se voyait interdire de solliciter un nouveau permis de conduire a expiré, et que ladite personne s’est vue délivrer, avant l’invalidité de ce titre et contre l’échange de celui-ci, un permis de conduire par un autre Etat membre dans lequel elle réside.

Ce pourvoi faisait valoir des arguments qui pouvaient, de prime abord, sembler pertinents, invoquant, notamment, un certain nombre de bases légales d’origine communautaire et internationales prévoyant la reconnaissance mutuelle d’un État à un autre, du permis de conduire obtenu dans l’un seul des pays concernés.

Le prévenu s’appuyait, notamment, sur la directive 2006126/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 qui instaurait le principe selon lequel « les permis de conduire délivrés par les États membres sont mutuellement reconnus ».

Devant la confirmation du jugement rendu par le tribunal correctionnel, le prévenu devait se pourvoir en cassation.

Il reprochait à la Cour d’appel d’avoir refusé de reconnaître la validité de ce permis anglais à un moment où le délai de six mois, pendant lequel il s’était vu interdire de solliciter un nouveau permis, qui avait couru à compter de la restitution de son titre, effectuée, selon les constatations de l’arrêt, le 29 juin 1999, était très largement expiré.

Le 31 mars 2020, la Cour de cassation a confirmé les décisions rendues par les juges du fond et rappelé que l’annulation d’un permis de conduire français entraîne l’interdiction du droit de conduire sur le territoire national, même si le conducteur est titulaire d’un permis, valide, émis par un État membre de l’Union européenne [1].

Une application cohérente d’une règle d’origine prétorienne consacrant une interprétation stricte de la loi pénale.

Cette position de la Haute Juridiction n’est pas nouvelle, cet arrêt venant de facto entériner une jurisprudence désormais constante, appliquant une règle d’origine purement prétorienne et consacrant une interprétation on ne peut plus stricte de la loi pénale.

Elle avait déjà jugé à de multiples reprises que « l’invalidation du permis de conduire français entraîne nécessairement l’interdiction du droit de conduire sur le territoire national français, quand bien même le prévenu serait titulaire d’un permis délivré par un autre État ou d’un permis international » [2].

Elle a, par la suite, étendu l’application de cette règle prétorienne aux situations où l’annulation du permis de conduire français avait été prononcée.

Cette interprétation a pour but d’assurer l’effectivité de la sanction prononcée par les juridictions répressives et, ainsi, empêcher que cette sanction ne soit vidée de sa substance par l’existence d’un permis de conduire étranger parfaitement valide qui servirait à pallier l’annulation d’un permis de conduire français.

En réalité, la Cour de cassation ne sanctionne pas le conducteur prévenu d’avoir échangé son permis de conduire français annulé contre son permis de conduire britannique mais le fait qu’il ai pu conduire sur le territoire français alors qu’une sanction d’annulation du permis de conduire avait été prononcée à son encontre !

Cette position parait aujourd’hui d’autant plus cohérente que la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE), désormais Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), avait eu l’occasion de juger que le fait qu’un État membre exige des ressortissants des autres États membres résidants sur son territoire l’obtention d’un permis de conduire national n’était pas incompatible avec le droit communautaire, et ce quand bien même ces derniers étaient déjà titulaires d’un permis de conduire dans leur État d’origine [3].

 

Notes :

 

[1https://www.legifrance.gouv.fr/affi....

[2] Crim., 11 mai 2006, n° 05-87.099 ; Bull. crim. 2006 - Crim., 14 mai 2008, n° 08-80.841 ; Bull. crim. 2008, n° 111. - Crim., 7 sept. 2010, n° 09-88.057 ; Dr. pén. 2010, comm. 124 note Jacques-Henri Robert.

[3] CJCE , 28 novembre 1978, affaire C-16/78.