Le 1er février 2024, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation (n°21-25.175) a confirmé le redressement URSSAF de la rémunération versée aux président et vice-président du conseil de surveillance (CS) d’une SAS, considérant que ces derniers étaient des dirigeants de la société (participant à la gestion de la société en plus des fonctions de contrôle et de surveillance) et donc soumis au régime général de sécurité sociale.
En principe :
- la SAS se caractérise par une liberté statutaire (C. com, art. L227-5 et s.) ; les statuts déterminent librement la nature et les fonctions des organes de direction et permettent à la SAS de se doter d’organes de direction et/ou de contrôle de son choix, et
- si les présidents et dirigeants rémunérés d’une SAS sont « assimilés » à des salariés au titre de la sécurité sociale, ce n’est pas le cas des membres du CS qui ne sont pas des « dirigeants » (régimes fiscal et social différents pour les sommes perçues) et ont pour seule mission de « contrôler » les organes de direction de la société sans en assumer la « gestion ».
Dans cette affaire, plusieurs indices ont permis à la Cour d’appel de Paris (8 oct. 2021), puis à la Cour de cassation (2ème chambre civile) de retenir la qualité de dirigeant du président et du vice-président du CS, assujétissant ainsi leurs rémunérations aux assurances sociales du régime général :
- les statuts de la SAS prévoyaient que le Directoire devait obtenir l’autorisation préalable du CS pour accomplir certains actes (ex : investissements >250k€, cession d’actifs >50k€, création ou cession de filiale ou de participation, et engagement financier >150k€) – pour les juges, cela limitait à tout moment l’exercice du pouvoir de décision du Directoire,
- la SAS était précédemment une SA – le PDG étant devenu président du CS,
- le président du CS était détenteur avec son épouse de la majorité du capital de la SAS,
- la rémunération du président du CS (fixe et bonus : 300k€ + 80k€) était nettement supérieure à celles des membres du Directoire (fixe entre 72k€ et 96k€), et
- la SAS était dotée d’un Directoire confié à deux membres de la famille du président du CS.
Pour les juges, il importe peu que les statuts de la SAS reprennent les dispositions légales de la SA (C. com, art. L.225-68), que les limitations statutaires ne soient pas opposables aux tiers, ou encore que le Directoire puisse passer outre l’absence d’autorisation préalable du CS en convoquant l’Assemblée Générale.
Malgré la création d’un Directoire, les juges considèrent ici que les président et vice-président du CS « avaient continué à accomplir, en toute indépendance, des actes positifs de gestion et de direction de la société ». Or, dans les faits, ni la Cour d’appel de Paris, ni la Cour de cassation ne caractérisent des « actes positifs de gestion et de direction de la société » pour motiver leurs décisions, mais se fondent sur des éléments de contexte et les dispositions statutaires pour retenir la qualité de dirigeant au sens du Code de la sécurité sociale (art. L.311-3, 23°).
Si la chambre commerciale de la Cour de cassation impose des critères plus stricts pour retenir la qualité de dirigeant de fait, le juge de la sécurité sociale, disposant d’un pouvoir souverain d’appréciation des éléments de faits portés à sa connaissance, a pu avoir sa propre lecture des faits.
Si la Cour d’appel de Paris (24 janv. 2020, n°17/14981) a précisé que les statuts prévoyant simplement que le CS donne son autorisation préalable aux opérations accomplies par le Directoire ne suffit pas à qualifier son président de dirigeant de la société, il en est autrement lorsque l’URSSAF prouve l’exercice d’une activité professionnelle ou la réalité du mandat social d’un dirigeant social (CA Colmar, 26 janv. 2023, n°19/00406).
Une analyse concrète de chaque situation reste nécessaire en pratique.
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