En cas de difficultés de l’entreprise, l’association de garantie des salaires (AGS) couvre les sommes dues aux salariés résultant de la rupture de leur contrat de travail intervenant notamment pendant la période d’observation, dans le mois suivant le jugement arrêtant un plan de sauvegarde, de redressement ou de cession, ou dans les 15 jours (21 jours en cas de PSE) suivant le jugement de liquidation (art. L.3253-8 C. trav.).

La chambre sociale de la Cour de cassation a cependant considéré que les créances salariales résultant de la rupture du contrat de travail doivent se comprendre exclusivement comme celles consécutives à une rupture du contrat de travail à l’initiative de l’administrateur judiciaire ou du mandataire liquidateur (Cass. soc., 20 décembre 2017, n° 16-19.517, PB). Cette position restrictive de la Cour de cassation admet ainsi une prise en charge par l’AGS en cas de licenciement, mais exclut la « prise d’acte » d’une telle garantie.

À tout moment au cours de la relation de travail, lorsque le salarié en CDI considère que le comportement de son employeur rend impossible la poursuite de leur relation contractuelle (ex : harcèlement moral, non-paiement du salaire, etc.), ce salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur (la « prise d’acte »). Le contrat de travail est alors rompu immédiatement et le salarié devra saisir le Conseil de prud’hommes pour qualifier la rupture. Lorsque les manquements de l’employeur sont avérés et suffisamment graves, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En revanche, si les juges considèrent que la prise d’acte n’est pas justifiée, celle-ci produira les effets d’une démission.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a fait face à une difficulté avec l’AGS de Marseille dans le cadre d’une situation de prise d’acte intervenue trois semaines après l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire se soldant par une liquidation judiciaire. Dans cette affaire, le Conseil de prud’hommes a considéré que la prise d’acte était justifiée, entrainant par conséquent l’inscription des créances salariales au passif de la liquidation judiciaire. La Cour d’appel a décidé de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) concernant l’interprétation restrictive de la notion de rupture par la Cour de cassation au regard de la Directive 2008/94/CE du 22 octobre 2008 relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur.

Dans un arrêt du 22 février 2024 (Affaire C-125/23, 7ème Chambre), la CJUE précise que le salarié prenant acte de la rupture de son contrat de travail se trouve dans une situation comparable au salarié licencié par l’administrateur judiciaire, le mandataire liquidateur ou l’employeur (§48). Ainsi, la directive de 2008 s’oppose à ce qu’un Etat membre de l’Union européenne puisse prévoir une couverture des créances impayées des travailleurs salariés par le régime national lorsque la rupture du contrat de travail est à l’initiative de l’administrateur judiciaire, du mandataire liquidateur ou de l’employeur concerné, mais exclut la couverture de telles créances lorsque le travailleur en cause a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison de manquements suffisamment graves de son employeur empêchant la poursuite dudit contrat et une juridiction nationale a jugé cette prise d’acte comme étant justifiée.