Demandez à quelqu’un dans la rue ce qu’il faut faire pour ne pas être résident fiscal de France. Il vous répondra à coup sûr : ne pas passer plus de 183 jours par an sur le territoire national. Bien ancrée dans le savoir collectif, cette réponse est pour l’essentiel fausse.

Comment détermine-t-on la résidence fiscale d’une personne physique ?

Il faut procéder en deux temps : on se demande d’abord si la personne est résidente de France au sens de la loi fiscale française (§ 1), à savoir l’article 4B du code général des impôts (CGI). Si non, la personne est clairement non résidente. Si oui, on examine les dispositions de la convention internationale éventuellement applicable (§ 2) pour voir si elle s’oppose à l’application du droit français.


1/ En droit fiscal français, la notion de résidence relève entièrement de l’application de l’article 4B du CGI.

Celui-ci vise les personnes qui ont en France leur foyer ou leur lieu de séjour principal, celles qui ont en France une activité professionnelle sauf si elle est accessoire, celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques, ainsi que les fonctionnaires dans la plupart des cas.

En premier lieu, on voit donc bien qu’il est possible d’être résident de France au sens du droit français sans résider effectivement en France et donc sans y passer plus de 183 jours. C’est le cas par exemple si vous y avez le centre de vos intérêts économiques alors même que vous ne séjournez pas du tout en France.

En sens inverse, concernant le critère du séjour principal, on notera qu’une personne qui séjourne régulièrement dans trois Etats différents pourra avoir en France son lieu de séjour principal sans pour autant y passer 183 jours. C’est par exemple le cas d’une personne qui passe 140 jours en France, 125 en Italie et 100 en Suisse.

Imaginons maintenant que la personne est considérée comme résidente de France au sens de ces dispositions. Une convention fiscale s’y oppose-t-elle ?


2/ Si une personne est à la fois résidente de France au sens du droit français, et résidente d’un autre Etat au sens du droit de cet autre Etat, il convient d’examiner les dispositions de la convention internationale qui (en général) lie les deux Etats.

Nous devons d’abord préciser que, selon la jurisprudence récente du Conseil d’Etat, les conventions fiscales internationales ne sont applicables qu’à la condition que le contribuable se trouve dans une situation de double imposition, c’est-à-dire qu’il paye des impôts en France et aussi dans l’autre Etat.

La plupart des conventions fiscales internationales sont rédigées sur la base d’un modèle établi par l’OCDE. Concernant la résidence des personnes physiques, ce modèle (et donc la plupart des conventions), pose des critères qu’on applique successivement dans un ordre précis, jusqu’à ce qu’un des critères permette de trancher clairement.

Le premier de ces critères est la disposition d’un foyer d’habitation permanent. On notera que la notion conventionnelle « un foyer d’habitation permanent » n’est pas la même que la notion française de « leur foyer ». Donc, si le contribuable a un foyer d’habitation permanent dans un Etat et pas dans l’autre, la question est tranchée : il est résident de cet Etat là. Ce sera le cas même s’il y passe moins de 183 jours, et même s’il séjourne plus de 183 jours dans l’autre Etat !

Sinon, dans les cas où le contribuable a un foyer d’habitation permanent dans les deux Etats ou dans aucuns d’eux, on passe au deuxième critère qui est celui du centre des intérêts vitaux (c’est-à-dire les liens personnels et économiques).

Si le deuxième critère ne permet pas non-plus de trancher le cas, on passe au troisième critère qui est celui du lieu de séjour habituel. On notera que le lieu de séjour « habituel » ne signifie pas du tout « principal ».

Sur ce point précis, le Conseil d’État a récemment jugé que, pour l’application de l’article 4 paragraphe 2 de la convention franco-brésilienne du 10 septembre 1971, le séjour habituel dans un État s’apprécie au regard de la fréquence, de la durée et de la régularité des séjours dans cet État qui font partie du rythme de vie normal de la personne et ont un caractère plus que transitoire, sans qu’il y ait lieu de rechercher si la durée totale des séjours qu’elle y a effectués excède la moitié de l’année.

Ainsi, un contribuable peut être considéré comme ayant son lieu de séjour habituel dans un État même si la durée totale de ses séjours est inférieure ou égale à 183 jours par an.

Si ce critère n’est toujours pas discriminant, on passe au suivant qui est celui de la nationalité ; et si la nationalité n’est pas discriminante non-plus, les deux Etats doivent se mettre d’accord sur le cas particulier.

En conclusion, la règle dite « des 183 jours » est une légende urbaine.

Dominique Laurant