La question, cocasse aux premiers abords, s’est posée aux juges de déterminer les limites à la liberté de rédaction des statuts de SAS, notamment s’agissant de l’adoption des décisions à la « majorité ».

SOURCE : Cour de cassation,  Chambre commerciale 19 janvier 2022, N°19.12.696

Pour les sociétés par actions simplifiée, le Code de commerce prévoit une large liberté de rédaction aux deux premiers alinéas de l’article L227-9 :

« Les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient.

Toutefois, les attributions dévolues aux assemblées générales extraordinaires et ordinaires des sociétés anonymes, en matière d'augmentation, d'amortissement ou de réduction de capital, de fusion, de scission, de dissolution, de transformation en une société d'une autre forme, de nomination de commissaires aux comptes, de comptes annuels et de bénéfices sont, dans les conditions prévues par les statuts, exercées collectivement par les associés ».

Ainsi, pour une liste exhaustive de décisions prévues par le législateur, liberté est laissée aux associés dans la rédaction des statuts.

Pour autant, cette liberté autorise-t-elle toutes les majorités ? Est-il possible de prévoir l’adoption de décisions à une majorité fixée au tiers des voix ?

En l’espèce, lors d’une assemblée générale extraordinaire, les associés de la SAS décident une augmentation de capital par émission de nouvelles actions, avec suppression du droit préférentiel de souscription au profit d’une société associée.

C’est sur cette décision que repose le litige.

En effet, la délibération a été adoptée à 229.313 voix contre 269.815, soit moins de la moitié des voix. Quoi que surprenante, la majorité était pourtant correctement obtenue eu égard aux statuts de la société, qui prévoyaient à l’article 17 :

« Les décisions collectives des associés sont adoptées à la majorité du tiers des droits de vote des associés, présents ou représentés, habilités à prendre part au vote considéré ».

Une partie des associés décide a posteriori d’assigner la société, ses associés, et le dirigeant en annulation de la délibération litigieuse, et à titre reconventionnel, de prononcer la nullité de l’article 17 litigieux.

Déboutés par la Cour d’appel, qui considère que les statuts ont été respectés puisque le tiers réclamé a été atteint, ils se pourvoient en cassation.

«  10. MM. [H] font grief à l'arrêt de rejeter la demande de nullité de la décision d'assemblée générale extraordinaire du 22 octobre 2015 ayant, notamment (…) , alors « que les attributions dévolues aux assemblées générales extraordinaires dans les sociétés anonymes, et notamment les décisions d'augmentation de capital et de suppression d'un droit préférentiel de souscription, doivent, dans les sociétés par actions simplifiées, être exercées collectivement par les associés ; que, nonobstant les dispositions de l'article L. 227-9 du code de commerce et les éventuelles stipulations des statuts, les délibérations décidant de l'augmentation du capital d'une société par actions simplifiée et de la suppression du droit préférentiel de souscription de tout ou partie des actionnaires ne peuvent dès lors être adoptées par un nombre de voix inférieur à la majorité simple des présents et représentés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'assemblée générale extraordinaire du 22 octobre 2015, dont l'annulation était demandée, avait adopté par 229 313 voix pour et 269 185 voix contre les résolutions 1, 2, 3, 4 et 6 décidant d'une augmentation de capital et de la suppression du droit préférentiel de souscription des actionnaires, au profit de la société La [Adresse 8] ; qu'en jugeant que ces délibérations avaient été valablement adoptées, cependant qu'il résultait de ses propres constatations qu'elles avaient été adoptées par un nombre de voix inférieur à la moitié des votes exprimés, la cour d'appel a violé l'article L. 227-9 du code de commerce ».

La Haute Cour intervient et tranche.

Après avoir rappelé que l’article L227-9 susmentionné, issu de la loi n°94.1 du 3 janvier 1994 instituant la société par actions simplifiée laissait une grande liberté aux associés pour déterminer la majorité exigée pour adopter des résolutions dans les matières qu’elle énumère, elle vient poser une limite en pointant la nécessité « d'instituer une règle d'adoption des résolutions soumises à l'examen collectif des associés qui permette de départager ses partisans et ses adversaires ».

Et manifestement, tel n’est pas le cas de la clause statutaire stipulant qu'une résolution est adoptée dès lors qu'une proportion d'associés représentant moins de la moitié des droits de votes présents ou représentés s'est exprimée en sa faveur, puisque les partisans et les adversaires de cette résolution peuvent simultanément remplir cette condition de seuil.

Par conséquent, les résolutions d'une SAS ne peuvent être adoptées par un nombre de voix inférieur à la majorité simple des votes exprimés.

Ce nouvel arrêt vient alors restreindre la liberté de rédaction des statuts de SAS, puisqu’à minima la majorité statutaire devra être une majorité simple : 50%.