Par une décision du 31 janvier 2022, le Conseil d'Etat juge que la cristallisation des règles d'urbanisme applicables au sein d'un lotissement fait obstacle à ce qu'il soit sursis à statuer sur une demande de permis de construire au motif que le projet serait de nature à compromettre l'exécution du futur document d'urbanisme.

Conseil d'Etat, 31 janvier 2022, n°449496

Dans cette affaire, le Maire de Rillieux-la-Pape avait accordé un permis de construire une maison individuelle et une piscine, sur un terrain issu d'une division parcellaire.

Cette division avait été autorisée par décision de non-opposition à déclaration préalable et était constitutive d'un lotissement dès lors qu'elle avait pour objet l'implantation d'une nouvelle construction.

Les voisins, mécontents, avaient alors introduit un recours en annulation du permis de construire devant le Tribunal administratif de Lyon.

Ils soutenaient notamment que le Maire aurait dû opposer un sursis à statuer à la demande de permis de construire car le projet aurait été de nature à compromettre l'exécution du plan local d'urbanisme en cours d'élaboration.

Faisant application de la jurisprudence relative aux certificats d'urbanisme, le Tribunal administratif leur donne raison.

Il considère que, les conditions du sursis étant satisfaites à la date de l'autorisation de lotir, le Maire aurait dû surseoir à statuer sur la demande de permis de construire, le projet étant de nature à compromettre le futur PLUH.

Saisi d'un pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat censure la décision du Tribunal pour erreur de droit.

La Haute juridiction rappelle tout d'abord qu'un sursis à statuer peut être opposé à une demande de permis de construire lorsque le projet est de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution du futur document d'urbanisme.

Elle rappelle ensuite que les règles d'urbanisme sont cristallisées au sein du lotissement pendant 5 ans à compter de la date de non-opposition à la déclaration préalable (art. L442-14, C. urb.).

Elle en conclut que :

"4. Il résulte de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme que l'autorité compétente ne peut légalement surseoir à statuer, sur le fondement de l'article L. 424-1 du même code, sur une demande de permis de construire présentée dans les cinq ans suivant une décision de non-opposition à la déclaration préalable de lotissement au motif que la réalisation du projet de construction serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme."

Le Conseil d'Etat juge ainsi qu'un sursis à statuer ne peut pas être opposé, au motif que le projet serait de nature à compromettre l'exécution du futur document d'urbanisme, au sein d'un lotissement dont les règles d'urbanisme sont cristallisées.

 

A noter :

  • La création d'un lotissement entraîne en son sein la cristallisation des règles d'urbanisme applicables à la date de délivrance de l'autorisation de lotir, pendant 5 ans à compter de l'achèvement des travaux ou de la décision de non-opposition à déclaration préalable (art. L442-14, C. urb.). Ce mécanisme implique que des règles adoptées postérieurement à la délivrance de l'autorisation de lotir ne peuvent pas être opposées aux demandes de permis de construire pendant un délai de 5 ans à compter de la déclaration d'achèvement des travaux du lotissement ou de la non-opposition à déclaration préalable. Lotisseur et constructeur étant généralement distincts, l'objectif est de garantir la faisabilité à moyen terme du lotissement.
  • Par ailleurs, l'autorité compétente pour délivrer une autorisation d'urbanisme peut surseoir à statuer sur la demande notamment lorsque le projet est de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme (art. L153-11 et L424-1 C. urb.). Cette possibilité est ouverte lorsque le futur document d'urbanisme est dans un état suffisamment avancé, le projet d'aménagement et de développement durable devant être adopté. Concrètement, il s'agit pour l'autorité compétente d'attendre l'entrée en vigueur des nouvelles règles pour statuer sur une demande de permis de construire parce que le projet est de nature à compromettre l'exécution du futur PLU.
  • S'agissant d'un autre outil de cristallisation des règles d'urbanisme, le certificat d'urbanisme, le Conseil d'Etat considère qu'il ne fait pas obstacle à la possibilité de surseoir à statuer si les conditions de ce sursis sont satisfaites à la date de sa délivrance (CE, 18 déc. 2017, Danglot, n°380438, B).