Le droit électoral gabonais, à travers les dispositions du Code Électoral, établit un cadre juridique strict visant à garantir la transparence, la sincérité et la régularité des consultations politiques. Ce dispositif se déploie en deux volets majeurs : la répression des délits électoraux et l'organisation du contentieux électoral devant les juridictions spécialisées.

I. La Répression des Délits Électoraux : Avant, Pendant et Après le Scrutin

Le Code Électoral gabonais segmente les infractions en fonction de la phase du processus électoral où elles sont commises, prévoyant des sanctions pénales allant de l’emprisonnement et à l’amende et ce sans préjudice des dispositions du Code Pénal.

A. Les Délits Antérieurs aux Opérations de Vote 

Cette phase cible principalement les manquements aux règles de la campagne et l'intégrité des listes :

  • Fraude à l'inscription et à la radiation: Toute manœuvre frauduleuse concernant les certificats d'inscription ou de radiation est punie d'un emprisonnement douze mois maximum et d'une amende(Art. 322). 
  • Manquement des Autorités: Toute autorité administrative participant à la campagne électorale est punie d'une amende en plus des sanctions disciplinaires pour manquement à l'obligation de réserve (Art. 323).
  • Infractions de Campagne: Sont sanctionnés par une amende le non-respect de la durée légale de la campagne, la destruction d'affiches, l'utilisation de la publicité commerciale ou la diffusion de messages électoraux après l'heure limite, ainsi que l'incitation à la violence et aux troubles (Art. 324).
  • Transhumance et Entrave  : La transhumance électorale à savoir l’inscription illégitime contre avantage est punie d’une peine de prison ou d'une amende par électeur. L'entrave à la liberté d'aller et venir des candidats est punie également de 6 mois d'emprisonnement au maximum et d'une amende(Art. 325 et 326).

B. Les Délits Concomitants aux Opérations de Vote 

Ces délits visent à protéger le déroulement du scrutin :

  • Distribution de documents le jour du scrutin (Art. 328) : L'amende est assortie de la confiscation des documents. (Art. 328)
  • Pression sur les électeurs : Exercer une pression pour influencer le vote est sanctionné à vingt-quatre mois de prison et d'une amende (Art. 329).
  • Violence, Outrage et Entrave : Ces actes contre les membres du bureau, les candidats, ou les représentants de l'ACER, sont punis d'un emprisonnement d’un an et d'une amende(Art. 331 et 332). L'expulsion illégitime ou l'entrave à l'exercice des prérogatives des acteurs du scrutin est également punie.
  • Fraude au vote par procuration : Les manœuvres frauduleuses relatives aux procurations sont punies de vingt-quatre mois d'emprisonnement et d'une amende pouvant atteindre cinq millions de FCFA (Art. 333).

C. Les Infractions Postérieures et Transversales 

Il est ciblé la violation de l'intégrité du résultat :

  • Violation du Scrutin: Punie d'un emprisonnement cinq ans et d'une amende (Art. 335).
  • Atteinte à la sincérité du vote : Quiconque, par inobservation volontaire de la loi ou tout acte frauduleux, viole le secret, porte atteinte à la sincérité du vote ou falsifie les résultats est puni d'un emprisonnement de douze mois et d'une amende (Art. 337 et 338). 

II. Le Contentieux Électoral: Compétence et Délais

Le Code Électoral organise la saisine des juridictions pour contester les différentes phases du processus.

A. Le Contentieux des Listes Électorales et des Candidatures 

  • Listes Électorales : Les recours contre les décisions d'enrôlement ou de radiation sont portés devant le Tribunal Administratif compétent, qui statue en premier et dernier ressort dans un délai très court (huit jours). (Art. 345 et 348)
  • Candidatures : Les décisions de rejet de candidature sont contestées devant la Cour Constitutionnelle ou le Tribunal Administratif, selon le type d'élection. Le délai de recours est de cinq (5) jours francs après la publication de la liste, et les juridictions statuent dans les huit (8) jours de la saisine.

B. Le Contentieux des Résultats 

La compétence juridictionnelle est strictement définie :

  • Cour Constitutionnelle : Seule compétente pour les contentieux des résultats des élections parlementaires : députés, sénateurs . Elle statue en premier et dernier ressort (Art. 353).
  • Tribunal Administratif : Compétent pour le contentieux des résultats des élections des membres des conseils départementaux et municipaux et des consultations locales. Il juge également en premier et dernier ressort (Art. 353).

 

 

Juridiction Compétente

Délai de Dépôt du Recours

Délai de Jugement

 

Cour Constitutionnelle

8 jours après annonce des résultats

15 jours maximum

 

Cour Constitutionnelle

10 jours après annonce des résultats

2 mois maximum

 

Tribunal Administratif

10 jours après annonce des résultats

2 mois maximum

 

Les causes d'annulation sont clairement listées à l’article 361. L'annulation peut être totale ou partielle et elle entraîne la convocation du collège électoral dans un délai de deux 2 à quatre mois.

 

Classification des Causes d'Annulation (Article 361)

Catégorie de cause

Exemples de manquements

I. Irrégularités des Candidats

- Constatation de l'inéligibilité d'un candidat.

 

- Existence d'une candidature multiple.

II. Non-Respect du Cadre Territorial et Logistique

- Organisation des élections en dehors des circonscriptions ou sections définies.

 

- Organisation du scrutin dans des lieux autres que les bureaux de vote réguliers.

III. Atteinte au Secret et à la Régularité du Vote

- Défaut d'isoloir dans un bureau de vote (même sans intention de fraude).

 

- Absence ou nombre insuffisant des bulletins de vote d'un candidat.

 

- Arrêt définitif des opérations de vote pour insuffisance de bulletins.

IV. Fraudes et Manœuvres Clandestines

- Déplacement de l'urne hors du bureau de vote avant ou pendant le dépouillement sans autorisation.

 

- Transhumance des électeurs.

 

- Manipulation avérée du fichier électoral ou de la liste électorale.

V. Irrégularités Matérielles du Scrutin/Dépouillement

- Constatation dans l'urne d'un nombre de lots d'enveloppes accolées supérieur au nombre d'émargements.

 

- Constatation dans l'urne d'un nombre de lots d'enveloppes accolées supérieur au nombre de votants inscrits sur la liste.

 

C. La Procédure Pénale et les Sanctions Connexes

  • Prescription: L'action publique se prescrit après six mois à partir de la proclamation du résultat (Art. 340).
  • Partie Civile: Tout électeur ou candidat peut se constituer partie civile en raison de cette seule qualité (Art. 341).
  • Sanctions Complémentaires (Art. 343) : Les juridictions répressives peuvent prononcer l'interdiction du droit de voter et d'être éligible pour une durée de cinq (5) à dix (10) ans.

D. Le Contentieux des Comptes de Campagne (Articles 368 à 371)

La régularité et la sincérité des comptes de campagne sont jugées par la Cour des Comptes (pour les élections nationales) et les Chambres Provinciales des Comptes (pour les élections locales). Les candidats doivent déposer leurs comptes dans les soixante (60) jours suivant la proclamation des résultats. Le financement illicite ou le dépassement du plafond des dépenses peut entraîner l'inéligibilité du candidat pour une durée de cinq (5) à dix (10) ans.

En conclusion, le Code Électoral gabonais met en place un arsenal législatif dissuasif et un mécanisme contentieux à plusieurs niveaux, visant à sanctuariser le processus électoral et à renforcer la légitimité des scrutins, avec une attention particulière à l'intégrité du vote et à la transparence financière des campagnes. 

 

Maître Elodie MABIKA SAUZE

SELARL ELODIE MABIKA

Avocat 

Docteur en droit

Master spécialisé en droit des affaires et fiscalité (GEFIRE)

Chargée d'enseignement 

18 boulevard docteur DEVINS 43100 BRIOUDE

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