Du fait du caractère personnel du bail rural, la cession d'un tel bail est interdite (il faut toutefois mettre à part le bail dit "cessible hors cadre familial").

Des exceptions sont prévues par les textes, notamment lorsque la cession est envisagée au profit d'un membre de la famille ou en cas de cession au profit d'une société d'exploitation (ayant une forme civile). Toutefois, de telles cessions sont subordonnées à l'accord préalable du bailleur (ou à défaut l'agrément du juge lorsqu'il s'agit de cessions familiales). A défaut de respecter ce préalable, la cession "réalisée en force" est nulle et entraîne la résiliation du bail pour faute.

Une récente affaire illustre ces principes.

Un bail est consenti le 25 mars 1981 par deux frères au profit d'un exploitant, bail portant sur 51 parcelles (soit un peu plus de 39 hectares).

Par la suite, la propriété de ces biens est transmise à deux "héritières".

En 2008, le preneur transmet le bail de 1981 pour 25 parcelles (sur 51) à son neveu, lequel transmet en 2019 la jouissance de ces mêmes parcelles à un GAEC (dont il est membre).

Au fil du temps, une des héritières, propriétaire d'autres parcelles (14 parcelles en tout), les loue (verbalement) audit neveu. Ce dernier transmet également la jouissance de ces parcelles au GAEC précité.

Les deux bailleresses s'associent pour demander au tribunal paritaire des baux ruraux la résiliation du bail (écrit) pour cession prohibée et l'expulsion du neveu pour avoir exploité "sans titre" les 14 parcelles "supplémentaires".

Le juge du premier degré les déboute de leurs demandes.

Dont appel.

La Cour d'appel de RIOM, dans un arrêt rendu le 18 janvier 2022, confirme la décision de première instance.

Après analyse de l'affaire (particulièrement confuse, il faut le reconnaître), elle considère, en effet, que le comportement des bailleresses (acceptation du neveu pendant 11 ans sur les 25 parcelles, signatures de différents documents administratifs allant dans ce sens, paiement du fermage par ce dernier,...) ont traduit l'acceptation par ces dernières d'un nouveau bail au profit dudit neveu pour ces parcelles, bail ayant donc pris la suite du précédent.

En ce qui concerne les 14 parcelles "supplémentaires", la Cour considère que le paiement  par le neveu d'un fermage global pour les 39 parcelles (en ce compris les 14) confirmait la volonté des bailleresses de conclure un bail.

Ainsi, pour le juge d'appel, un bail verbal a, par novation ayant pris effet au 1er janvier 2008, succédé au bail de 1981 pour les 25 parcelles, bail verbal qui a "incorporé" les 14 autres parcelles, évacuant ainsi la question de la résiliation de l'ancien bail.

Les propriétaires forment un pourvoi, à la suite duquel la Haute cour casse l'arrêt, en considérant que la Cour d'appel, qui a constaté une cession partielle d'un bail au profit du neveu du preneur, n'a pas tiré les conséquences du texte (en l'espèce l'article L 411-35 du Code rural et de la pêche maritime) : Cass. 3° civ., 11 juillet 2024, n° 22-13.592.

En premier lieu, on peut observer que l'article L 411-35 n'autorise la cession qu'en faveur des descendants majeurs (ou ayant été émancipés) du preneur ou de son conjoint participant à l'exploitation ou du partenaire avec lequel le preneur est lié par un pacte civil de solidarité participant à l'exploitation, excluant nécessairement le neveu. Au demeurant, une cession de bail faite au profit d'un telle personne est inopérante, quand bien même elle aurait été consentie par le bailleur.

Ensuite, pour échapper à la sanction de la résiliation, le preneur tente souvent de soutenir devant le juge que l’ancien a été, de fait, résilié et qu’un nouveau bail a été, de fait, conclu (ou accepté) par le bailleur au profit du nouvel exploitant.

Si la jurisprudence a pu, par le passé, accepter une telle "solution de rattrapage", elle demande dorénavant que le juge constate la résiliation formelle du bail initial, c'est-à-dire un acte par lequel le bailleur reconnaît sans équivoque, cette situation de résilation.

Par le présent arrêt, la Cour de cassation ne fait que confirmer une  jurisprudence dorénavant bien établie sur ce point (Cf notamment Cass. 3° civ., 17 février 2022, n° 21-10.341).

Pour terminer, il faut rappeler que la cession irrégulière du bail, même si elle ne porte que sur une partie du fonds loué, expose le preneur à la résiliation de l’entier bail  (Cass. 3° civ., 6 juin 2019, n° 17-21.335).