Il arrive qu'un bailleur consente un bail rural à plusieurs personnes, lesquelles sont alors dénommées "copreneurs".
Cette situation peut également intervenir en cours de bail, soit par l'association d'un membre de la famille au preneur principal (article L 411-35 du Code rural et de la pêche maritime), soit à la suite du décès d'un preneur et de la dévolution du bail à plusieurs bénéficiaires, qui s'accordent pour mettre en valeur, ensemble, le fonds loué (articie L 411-34 du Code rural et de la pêche maritime).
Il peut arriver que, en cours de bail, l'un des copreneurs souhaitent cesser l'activité, pour faire valoir ses droits à la retraite ou pour toute autre raison personnelle.
Pour permettre au copreneur "restant" de bénéficier de l'ensemble des prérogatives découlant du Statut du fermage, la loi du 13 octobre 2014 a institué une procédure spécifique dans cette hypothèse (article L 411-35 alinéas 3 et 4 du Code rural et de la pêche maritime).
Ces nouvelles dispositions invitent le copreneur "restant" (et non le copreneur "partant") à demander au bailleur que le bail se poursuive à son seul nom.
La loi réserve cette faculté aux baux conclus depuis plus de 3 ans (à moins qu'il ne s'agisse d'un cas de force majeure).
La notification au bailleur doit être faite par lettre recommandée avec accusé de réception. Elle peut, certainement, être effectuée par l'entremise d'un Commissaire de justice.
La demande doit reproduire le texte (au demeurant le 3ème alinéa) et mentionner les motifs allégués au titre de cette demande. Elle doit, également, indiquer la date de cessation d'activité du copreneur.
A l'instar de la demande d'une cession de bail, elle devrait, logiquement, être faite avant le départ effectif de l"autre" copreneur.
Toutefois, le texte permet d'y procéder dans les trois mois qui suivent ce départ. Dans ce cas de figure, on ne voit pas trop quelles seraient les conséquences si le bailleur s'y opposait : le copreneur "partant" devrait-il alors reprendre l'activité ?
En effet, le propriétaire peut s'opposer à une telle demande. Cette opposition doit être faite en saissant le Tribunal paritaire des baux ruraux, et ce dans le délai de deux mois.
La loi est muette sur les motifs qui pourraient justifier une telle opposition du bailleur.
Un récent arrêt est venu apporter un éclairage sur ce point (Cass. 3° civ., 26 sept. 2024, n° 23-12.967).
La Haute cour a, par cette décision, cassé un arrêt rendu par la Cour d'appel de Rouen, pour avoir fait droit à l'opposition du bailleur au motif de la mauvaise foi du preneur (sur ce point, il s'agissait du copreneur "restant").
Ce faisant, la Cour d'appel a fait un amalgame entre les conditions édictées pour autoriser une cession du bail et celles qui doivent s'appliquer au cas du départ d'un copreneur.
En effet, "pour rechercher si la poursuite du bail au profit d'un seul des copreneurs risque - ou non - de nuire aux intérêts légitimes du bailleur, ces intérêts doivent être appréciés par le juge uniquement au regard des qualités du copreneur restant .... pour procéder à la mise en valeur attendue de l'exploitation considérée", à savoir ses aptitudes professionnelles (pour la bonne exploitation du fonds) et les garanties financières qu'il présente (pour le paiement régulier du fermage). Franck ROUSSEL, Agridroit, Quinzomadaire, n° 21 du 4 nov. 2025.
Enfin, quelles conséquences en cas d'opposition du bailleur, confirmée par le juge ? Le copreneur qui souhaitait partir doit, semble-t-il, poursuivre l'activité. A moins qu'il ne parte malgré l'opposition du bailleur et que le copreneur "restant" en assume alors les conséquences.

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