La délivrance du commandement de payer valant saisie immobilière a de plus en plus souvent pour corolaire le dépôt par le débiteur d’un dossier devant la Commission de surendettement.
Il importe donc d’analyser synthétiquement les interactions entre ces deux procédures et les effets sur la prescription.
Tout d’abord, il importe de rappeler que la simple saisine par les débiteurs de la Commission de Surendettement n’a pas pour effet de suspendre de plein droit les procédures d’exécution en cours contre les débiteurs, sauf accord des créanciers ou décision d’un Juge.
Ainsi, les créanciers peuvent, même après le dépôt du dossier auprès de la Commission, non seulement poursuivre les procédures d’exécution engagées contre les débiteurs, mais également engager de nouvelles poursuites (Cour de Cassation, 2ème chambre civile, 5 février 2009).
Par ailleurs, la saisine de la Commission a pour effet d’interrompre les délais pour agir et les prescriptions, notamment le délai de forclusion de l’article L. 311-37 du code de la consommation (Cour de Cassation, 1ère chambre civile, 18 février 2009, n°08-11.254).
Avant même la décision de recevabilité, la Commission peut, à la demande du débiteur, saisir le Juge de l’Exécution aux fins de suspension des procédures d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur.
En cas d’urgence, la saisine du Juge peut intervenir à l’initiative du Président de la Commission, du délégué de ce dernier ou du représentant local de la Banque de France qui informe ensuite la Commission de cette saisine.
Lorsqu’elle est prononcée, la suspension s’applique dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que celles prévues aux trois premiers alinéas de l’article L. 331-3-1 du code de la consommation.
Pour ce qui concerne la saisie immobilière, si la vente forcée a été ordonnée, seul le Juge chargé de la saisie immobilière peut décider du report de la date d’adjudication sur demande de la Commission pour causes graves et sérieuses.
En application des dispositions de l’article L. 331-3-1 du code de la consommation, la décision déclarant la recevabilité de la demande emporte suspension et interdiction des procédures civiles d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur.
Cette suspension ou interdiction est acquise, sans pouvoir excéder un an, selon les cas, jusqu’à l’approbation du plan conventionnel de redressement prévu à l’article L. 331-6, jusqu’à la décision imposant les mesures prévues à l’article L. 331-7, jusqu’à l’homologation par le Juge des mesures recommandées en application des articles L. 331-7-1, L. 331-7-2 et L. 332-5, ou jusqu’au jugement d’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire.
Encore une fois, cette suspension ne joue pas lorsqu’en cas de saisie immobilière, la vente forcée a été ordonnée.
Il appartient alors à la Commission de saisir le Juge chargé de la saisie immobilière d’une demande de report de la date d’adjudication pour causes graves et dûment justifiées.
Les créanciers doivent donc porter une attention toute particulière sur la décision de recevabilité rendue par la Commission de Surendettement dès lors que celle-ci a des conséquences importantes sur la procédure de saisie immobilière.
La décision de recevabilité est notifiée au débiteur, aux créanciers, aux établissements de paiement et aux établissements de crédit teneurs de compte du déposant par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (article R. 331-10 du code de la consommation).
Cette décision est susceptible de recours devant le Juge d’Instance dans un délai de 15 jours à compter de cette notification par déclaration remise ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au secrétariat de la Commission.
C’est donc dans ce laps de temps très court qu’il convient de s’interroger sur l’opportunité d’un appel.
A défaut, la suspension d’un an est automatique.
Il est à noter que la suspension des procédures civiles d’exécution, prévue à l’article L. 331-3-1 alinéa 1 du code de la consommation et accordée au profit d’un débiteur bénéficie également à son codébiteur solidaire.
De même, la Cour de Cassation estime que la signature du plan par l’époux n’est pas de nature à démontrer qu’il avait consenti à la souscription de cet emprunt, ce qui signifie, en d’autres termes, que la signature d’un plan ne rend pas un époux codébiteur des dettes souscrites seules par son conjoint (Cour de Cassation, 1ère chambre civile, 29 juin 2011).
S’agissant de l’effet du plan sur les cautions, il est jugé que la caution ne peut se prévaloir des mesures consenties par les créanciers dans le cadre du plan conventionnel de redressement (Cour de Cassation, 1ère chambre civile, 13 novembre 1996).
Une fois passé le délai de contestation de la décision de recevabilité, il faut attendre que la Commission de Surendettement élabore le plan conventionnel de redressement.
L’article L. 331-6 du code de la consommation précise que le plan conventionnel de redressement est approuvé par le débiteur et « ses principaux créanciers ».
Ainsi, le plan conventionnel de redressement a un effet relatif, et ne s’impose qu’aux créanciers qui l’ont signé, sans lier les autres créanciers non signataires.
Plus précisément, les créanciers signataires s’engagent d’une part à respecter les mesures de traitement des créances auxquelles ils ont consenties en faveur du débiteur et d’autre part à renoncer à leur droit de poursuite tant que les débiteurs respectent les dispositions prévues au plan (2ème chambre civile de la Cour de Cassation, 23 septembre 2004).
A ce titre, les créanciers sont tenus d’exécuter de bonne foi le plan au risque de voir engager leur responsabilité civile (Cour d’Appel de Douai, 12 mai 2011).
Pour autant, il n’est pas interdit aux créanciers d’obtenir un titre exécutoire, dont l’exécution sera suspendue pendant la durée du plan, tant que celui-ci est respecté par le débiteur (2ème chambre civile de la Cour de Cassation, 18 novembre 2004).
De même, les créanciers signataires conservent les garanties qui leur ont été consenties avant la signature du plan, sous réserve d’en assurer le maintien.
Enfin, lorsque les créanciers signataires ont accepté un réaménagement des échéances impayées d’un crédit, ils bénéficient d’un nouveau point de départ du délai de forclusion prévu à l’article L. 331-37 du code de la consommation, qui ne recommence à courir qu’à compter du 1er incident non régularisé qui suit la signature du plan (1ère chambre civile de la Cour de Cassation, 13 février 2007).
Dans l’hypothèse de l’inexécution du plan conventionnel de redressement, l’article R. 334-3 du code de la consommation prévoit que le plan conventionnel de redressement est de plein droit caduc, 15 jours après une mise en demeure restée infructueuse adressée au débiteur d’avoir à exécuter ses obligations, sans préjudice des facultés prévues aux articles R. 331-10,
R. 331-11-1, R. 331-11-2 et R. 331-12.
En conclusion, le créancier doit être particulièrement vigilant lorsque le client dépose un dossier de surendettement afin d’anticiper les éventuels recours contre les décisions de la commission.
Les créanciers ont donc tout intérêt à contester, lorsque cela est possible, les décisions de recevabilité ou les plans conventionnels de redressement adoptés par les Commissions de Surendettement.
En effet, une fois ces mesures entérinées, les conséquences se répercutent inéluctablement sur la procédure de saisie immobilière qui ne sera que retardée.
Néanmoins, il convient de tempérer cette affirmation.
En effet, il est parfois plus favorable de laisser au débiteur le temps de restructurer ses dettes dans le cadre d’un plan de surendettement, et de lui laisser le temps de vendre amiablement son bien, afin de lui permettre de désintéresser les créanciers plus largement lorsqu’il aura vendu amiablement son bien.
L’appréciation doit donc se faire au cas par cas, en fonction des opportunités réelles ou non dont dispose le débiteur pour vendre rapidement et amiablement son bien immobilier.
Tout dépend en réalité des diligences qu’il effectue concrètement en ce sens.
Lorsque la situation est manifestement obérée, et que le débiteur n’effectue aucune démarche, les créanciers ont tout intérêt à contester les saisines dilatoires de la Commission de Surendettement.
Dans le cas inverse, il est peut-être préférable de s’associer à la démarche du débiteur afin qu’il puisse trouver une solution amiable rapide.
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