En application de l’article L.137-2 du code de la consommation et depuis l’arrêt rendu le 28 novembre 2012 par la Cour de cassation (Cass. 1ère civ., 28 nov. 2012, n° 11-26.508),  l’action du prêteur immobilier contre l'emprunteur défaillant se prescrit par deux ans.

La loi reconnaît comme cause d’interruption de la prescription la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait (article 2240 code civil)

L’article 2244 du code civil considère également comme interruptif de prescription la mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée (article 2244 du code civil)

Enfin, et c’est ce qui nous intéresse ici, l’article  2241 du code civil dispose que la demande en justice, même en référé, même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure interrompt la prescription.

Qu’en est-il en pratique lorsque, dans le cadre d’une saisie immobilière, le commandement de payer valant saisie est déclaré caduc, étant ici rappelé que la caducité ne doit pas se confondre avec la nullité.

Malgré de nombreuses recherches, il semble qu’aucun texte n’évoque directement la question des conséquences sur la prescription d'un acte d'exécution forcée qui serait déclaré nul ou caduc.

De plus, et à la connaissance de l’auteur de ces lignes, la jurisprudence semble inexistante en la matière…et il convient de s’inspirer des solutions adoptées par la Cour de cassation dans d’autres situations.

Ainsi, dans deux arrêts rendus le 24 mars 2005 (Cass. 2e civ., 24 mars 2005, n° 02-20.216 et 03-16.312)  la Cour de cassation a pu estimer que l'absence de publication du commandement est sans effet sur l'interruption de la prescription et il importe peu que la procédure de saisie immobilière ne fût pas arrivée à son terme.

Si un commandement de payer valant saisie non publié conserve son effet interruptif, alors un commandement déclaré caduc, et donc régulièrement publié à priori, doit conserver lui aussi son effet interruptif.

La Haute juridiction a pu juger également, à propos d'une instance engagée par assignation à l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière, que l'article 2241 du Code civil devait s'appliquer, permettant ainsi de considérer qu'une citation en saisie des rémunérations, délivrée en 2000, bien qu'entachée de nullité, avait interrompu la prescription (Cass. 2e civ., 17 févr. 2011, n° 10-13.977, 437).

Là encore, en vertu du célèbre adage « qui peut le plus peut le moins », il serait illogique selon l’auteur de ses lignes de considérer qu’un acte entaché de nullité conserve son effet interruptif mais pas un acte déclaré caduc, alors même qu’à l’origine, l’acte était régulier et valable lors de son édiction (contrairement à l’acte nul qui ne l’a jamais été).

Cependant, la Doctrine reste prudente et préfère considérer que le prononcé de la caducité du commandement de payer valant saisie fait perdre à ce commandement son effet interruptif de prescription, et ce rétroactivement (Effet interruptif de la prescription du commandement de payer valant saisie immobilière ou du commandement aux fins de saisie vente, par E. Joly : site AAPPE)….

Il s’agit là d’un non-sens selon l’auteur puisque la caducité a précisément pour effet de sanctionner le créancier non diligent et non celui qui a fait le nécessaire pour recouvrer sa créance en faisant délivrer un commandement qui malheureusement par la suite, compte tenu des aléas de la procédure, est déclaré caduc pour un vice de forme notamment…

Quoi qu’il en soit, se pose la question de l’effet interruptif de l’assignation à l’audience d’orientation à la suite d’un commandement déclaré caduc.

Conserve-t-elle malgré tout son effet interruptif ?

La Cour d’Appel de POITIERS, dans un arrêt très récent du 21 janvier 2014, vient de répondre par l’affirmative.

On peut s’en réjouir, dès lors que l’acte en question n’était atteint d’aucun vice et avait donc conservé pleinement ses effets, indépendamment de la caducité du commandement.

La juridiction poitevine aurait-elle appliqué la même solution si l’assignation avait été atteinte d’un vice de forme ou de procédure ?

On peut penser que oui, à la lecture de la motivation :

« il ressort de l’assignation (qui n’était d’ailleurs pas en elle-même viciée) délivrée en date du 2 septembre 2010 à la suite du premier commandement de payer, soit dans un délai de deux ans de la première échéance impayée, a eu un effet interruptif de forclusion, malgré la caducité de celui-ci ».

Ainsi, les juges poitevins appliquent strictement les dispositions de l’article 2241 alinéa 2 du code civil à la procédure de saisie immobilière, en considérant le commandement de payer valant saisie et l’assignation à l’audience d’orientation comme deux actes totalement indépendants et autonomes, bien qu’il s’agisse de deux actes de procédure appartenant à la même procédure d’exécution forcée.