La Cour de cassation estime que dans un contrat de mandat, la clause qui ne précise pas de façon claire et compréhensible, la commission due à l’agent immobilier est abusive, peu important que l’appréciation de ce caractère abusif ait porté sur l’adéquation de la rémunération au service offert.

Cet arrêt rendu le 27 novembre 2019 par la première chambre civile de la Cour de cassation a trait à la validité des clauses de rémunération contenues dans les contrats de mandat. Il attirera l’attention des praticiens et plus spécifiquement des rédacteurs de ce type d’actes.

Il s’agissait en l’espèce d’un contrat de mandat de vente portant sur un mobil-home. Après avoir perçu une certaine somme au titre de la vente du bien (10 500 euros), les mandants ont assigné le mandataire aux fins, notamment, de voir constater que la clause ayant fixé la commission à son profit (7 000 euros) était abusive. La difficulté portait sur la rédaction de cette clause qui prévoyait que le mandataire pouvait conserver à titre de rémunération la part du prix de vente excédant 10 500 €, « quand bien même cette rémunération n’aurait eu aucune contrepartie ».

La cour d’appel de Poitiers a fait droit à cette demande en relevant que le contrat de mandat ne précisait pas la rémunération du mandataire. Elle a donc jugée cette clause abusive au motif qu’en l’absence de toute contrepartie, elle se trouvait dépourvue de cause.
Le mandataire a alors formé un pourvoi en cassation dans lequel il développait deux arguments.
 
D’une part, il arguait que l'appréciation du caractère abusif d'une clause ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert, dés lors que les clauses sont rédigées de façon claire et compréhensible.

D’autre part, tirant argument du droit commun des contrats, il prétendait que dans les contrats synallagmatiques, la cause de l'obligation de chacune des parties réside dans l'objet de l'obligation de l'autre, peu important un éventuel défaut d'équivalence des prestations.

La Cour de cassation ne se laisse convaincre par aucun de ces arguments et rejette le pourvoi.

Elle estime que la cour d'appel a justement procédé à l'appréciation du caractère abusif de la clause fixant la commission litigieuse dans la mesure où elle n'était pas rédigée de façon claire et compréhensible.
Elle ajoute qu’il importait peu que celle-ci ait porté sur l'adéquation de la rémunération au service offert.

La solution s’appuie sur les dispositions de l’ancien article 132-1 du code de la consommation devenu l’article L. 212-1.

Relatif à la protection des consommateurs contre les clauses abusives, ce texte prévoit que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

 Il ajoute que l’appréciation du caractère abusif des clauses visées ne peut porter sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération du bien vendu ou de la prestation, pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

 Autrement dit, il résulte de la combinaison de ces deux parties du texte deux règles essentielles :

 

  • les clauses qui entraînent un déséquilibre significatif des droits et des obligations au contrat sont abusives et doivent par conséquent être réputées non écrites ;
     
  • l’appréciation de ce déséquilibre significatif ne peut porter sur l’adéquation du prix à la prestation.


Le contrôle de la clause de rémunération s’inscrit en cela dans le cadre du droit commun des obligations qui prévoit, par principe, que le juge ne saurait s’immiscer dans la relation contractuelle en exerçant un contrôle de l’équilibre des prestations.

Cependant, cette restriction posée par l’article L. 212-1 sur le rôle du juge doit être écartée lorsque la clause visée n'est ni claire ni compréhensible.

Cette solution que la Cour de cassation s’emploie à faire respecter (v. Civ. 1re, 12 sept. 2018, n° 17-17.650) s’inscrit dans le sillage de la jurisprudence européenne qui exige du juge national qu’il recherche au moment de la conclusion du contrat si la clause litigieuse a été parfaitement comprise par le consommateur (V. CJUE 20 sept. 2018, aff. C-51/17, OTP Bank).

Il en résulte, selon l’expression d’un auteur, une exigence d’intelligibilité, « formelle ou grammaticale » (D. Mazeaud, D. 2018. 1355), des clauses du contrat.

C’est cette exigence qu’a entendu faire respecter la Cour de cassation dans l’arrêt commenté en l’appliquant au mandat immobilier.

Elle souligne que le contrôle de la clause portant sur la rémunération est envisageable dès lors qu’elle apparaît ambiguë.

Le critère d’efficacité de ces clauses tient donc à la clarté de leur rédaction (v. : Civ. 1re, 3 mai 2018, n° 17-13.593).

Le consommateur se trouve ainsi protégé contre une clause qui crée un déséquilibre contractuel significatif, alors même qu'elle porte sur l'objet du contrat, dès lors qu’elle n'est pas intelligible.

En l’occurrence, il importait peu que l’appréciation de la clause ait porté sur l’adéquation de la rémunération de l’agent immobilier au service offert puisque sa rédaction défaillante l’avait rendue, à elle seule, abusive.

La solution paraît pertinente au regard de la finalité de protection que poursuit le mécanisme des clauses abusives.

La rédaction des stipulations contractuelles doit permettre au consommateur de comprendre précisément la portée et les conséquences de son engagement.

Lorsque cette rédaction est imprécise, la protection du consommateur n’est pas assurée, ce qui justifie la neutralisation des clauses litigieuses.

Civ. 1re, 27 nov. 2019 n° 18-14.575