Dans le cadre de mon activité d’avocat, je suis très régulièrement confronté à des dossiers de successions dans lesquelles les héritiers n’arrivent pas à s’entendre quant au sort de la maison familiale.

Certains veulent la conserver pour respecter la volonté de leurs parents. D’autres veulent la vendre, notamment pour faire face aux dettes de la succession mais également pour jouir dès que possible du reliquat qu’il leur restera à partager. Enfin, certains n’ont pas d’avis et restent donc attentistes voire immobiles…

Toutes les hypothèses sont possibles et il y a autant de solutions que de situations.

La première et la plus simple : rester dans l’indivision successorale.

Cette solution présente l’avantage de la facilité car il n’y a rien à faire à l’exception de la publication au service de la publicité foncière d’une attestation immobilière après décès afin que les cohéritiers puissent justifier aux tiers de la propriété indivise de l’immeuble.

L’inconvénient majeur et non des moindres est qu’il va falloir s’entendre pour gérer ensemble l’immeuble, non seulement pour sa jouissance mais également pour son entretien, pour le paiement des charges (taxes foncières, travaux …) etc.

Il arrive que cette situation d’indivision successorale se déroule à merveille notamment lorsque les frères et sœurs s’entendent pour réserver chacun leur tour le chalet à la montagne hérité de leurs parents ou pour le louer à des tiers.

Il est même possible d’imaginer de régulariser une convention d’indivision entre l’ensemble des cohéritiers.

Mais cette situation idyllique est plutôt rare et il est souvent conseillé, notamment en cas de crispation entre les héritiers, d’envisager d’autres solutions.

L’un des cohéritiers peut proposer aux autres de faire l’acquisition de l’immeuble, à charge pour lui de leur verser une soulte dans le cadre du partage à intervenir.

Autre solution, la plus courante : vendre l’immeuble un tiers, ce qui suppose que chacun des cohéritiers s’accorde sur le montant de mise en vente.

C’est ici que souvent les choses se corsent et que les litiges naissent…

En effet, que faire si l’un des cohéritiers (ou plusieurs d’ailleurs) s’oppose au principe de la mise en vente de l’immeuble à un tiers ou sur le montant de la mise à prix ?

Avant 2009, l’unanimité des cohéritiers était nécessaire pour vendre un bien indivision.

Depuis, la législation a évolué et l’aliénation d’un bien indivis peut être autorisée par le tribunal judiciaire à la demande de l’un ou des indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis qui auront préalablement exprimé leur intention devant notaire (article 815-5-1) . Cette volonté doit être notifiée dans le délai d’un mois aux opposants.

Si ces derniers maintiennent leur position ou ne se manifestent pas dans un délai de trois mois, le notaire le constatera dans un procès-verbal et l’avocat devra saisir le tribunal judiciaire pour que celui-ci autorise l’aliénation.

Cette procédure très réglementée mais efficace a tout de même un inconvénient majeur : la vente de l’immeuble doit s’effectuer par « licitation » c’est-à-dire à la barre du tribunal, dans le cadre d’une vente aux enchères, ce qui est rarement la solution la plus intéressante économiquement…

L’autre solution judiciaire consiste à saisir le tribunal en faisant valoir que le refus du coïndivisaire met en péril « l’intérêt commun » (article 815 – 5 du Code civil).

Dans cette hypothèse, il existe déjà un projet de vente précis c’est-à-dire, la plupart du temps, une offre d’achat qui a été émise par un tiers.

Mais la notion d’intérêt commun » est diversement appréciée par les tribunaux et dépend beaucoup des circonstances.

Ainsi, s’il est justifié par exemple que la vente de l’immeuble familial est la seule façon de faire face aux dettes de la succession, il sera sans nul doute fait droit à la demande.

En revanche, lorsque la vente apparaît simplement opportune d’un point de vue économique, les tribunaux sont plus circonspects pour donner leur autorisation.

Dans les cas d’urgence (par exemple si l’immeuble se détériore très rapidement), il est également envisageable de saisir le président du tribunal judiciaire sur le fondement des dispositions de l’article 815 – 6 du Code civil.

Il y a lieu de démontrer le caractère nécessaire et urgent de l’aliénation. Cependant, certains tribunaux et une partie de la doctrine estiment que ce texte n’a pas été prévu pour autoriser un acte de disposition comme la vente d’un immeuble. L’aléa judiciaire est donc important.

Dernière solution : à défaut d’accord amiable, solliciter la licitation de l’immeuble dépendant de la succession dans le cadre d’une action plus large en ouverture des opérations de compte liquidation partage de la succession sur le fondement de l’article 815 du Code civil.

L’avantage est de régler non seulement le sort de l’immeuble mais également l’ensemble de la succession, en une seule et même action judiciaire. Mais c’est aussi son inconvénient : le sort de l’immeuble devra suivre  la procédure judiciaire qui peut être longue, notamment s’il existe des discussions importantes (par exemple sur la validité du testament, la contestation des donations, le recel d’héritage…) et en outre, en l’absence d’accord amiable entre les cohéritiers dans le cadre de la succession, il faudra procéder à la licitation de l’immeuble c’est-à-dire à sa vente aux enchères, ce qui, encore une fois, n’est certainement pas le plus intéressant économiquement….

Une chose est certaine : il faut prendre attache le plus tôt possible avec un avocat pour qu’il vous conseille et vous guide afin de choisir la stratégie la plus adaptée et la plus efficace à votre situation.

Florent Bacle

Avocat spécialiste en Droit des garanties, des sûretés et des mesures d’exécution, 
Qualification  spécifique « Vente et saisie immobilière »