Mauvais mois de septembre pour les franchisés : cinq décisions, cinq victoires judiciaires des franchiseurs. Arrêtons-nous sur l'une d'entre elles. Il s'agit d'une désicion rendue par la Cour d'Appel de Paris le 7 septembre 2016 (RG 14/04528).

Les faits : en 2007, une société devient franchisée du réseau PAKITO pour une durée de huit ans. A peine trois ans plus tard, le franchisé cesse de communiquer ses chiffres d'affaires au franchiseur, mettant celui-ci dans l'incapacité de calculer les redevances dues. Quelques mois plus tard, l'un des associés de la société franchisée souhaite racheter les parts de son co-associé, et s'engage en contrepartie à maintenir la société franchisée dans le réseau pendant une nouvelle période de dix ans. Rappelons que tous les contrats de franchise sont assortis d'une clause d'intuitu personae, si bien que cet engagement a vraisemblablement conditionné l'agrément du franchiseur à la cession. Cependant, le projet de cession n'aboutit pas.

En juin 2011, le franchisé émet soudainement toute une série de contestations, et cesse de payer les redevances. Non content d'enfreindre brutalement et sans motif le contrat, il assigne son franchiseur devant ... une juridiction incompétente. L'affaire est renvoyée au Tribunal de Commerce de Paris, qui prononce la résiliation du contrat de franchise aux torts de la société franchisée, la condamne logiquement au paiement de redevances antérieures à la résiliation du contrat, ainsi qu'à une indemnité de rupture anticipée du contrat.

La décision :

Visiblement peu inspirée, la société franchisée, qui n'avait selon toute apparence pas anticipé ni préparé sa sortie de réseau, soulève la nullité du contrat, au motif que toutes les informations requises par la loi DOUBIN n'ont pas été transmises.

Le simple fait que cette demande ait été présentée plus de quatre ans après la signature du contrat de franchise, mais surtout que le premier contrat ait été en quelque sorte ratifié par le protocole de cession, même non abouti, vouait cette demande à l'échec, quand bien même un grand nombre d'informations eussent été manquantes.

Relevons aussi que l'assignation en nullité est délivrée alors que la société franchisée continue d'exploiter un contrat qu'elle considère comme nul. La stratégie du franchisé est totalement incohérente, voire prête à sourire, puisque la cause de nullité disparaît dès lors que le contractant continue d'exécuter le contrat après avoir eu connaissance du vice affectant le contrat.

On s'étonne d'ailleurs que la Cour ait pris la peine de rédiger un arrêt de 14 pages, alors qu'il lui suffisait de trois lignes pour infliger au franchisé la sanction qu'il méritait.

Après avoir classiquement rappelé que le seul fait qu'une information soit manquante dans le DIP n'emporte pas l'annulation automatique du contrat, la Cour répond à tous les arguments du franchisé :

La présentation du marché :

Visiblement, le DIP fourni par le franchiseur n'était pas exempt de tout reproche...

Cela étant, l'un des associés de la société franchisée s'était présenté comme un spécialiste de la restauration (activité franchisée par l'enseigne), et comme un fin connaisseur de la zone d'implantation. Très logiquement, la Cour déboute la société franchisée sur ce point, estimant que, de par ses compétences, l'associé n'avait pas besoin d'une information aussi complète que celle à laquelle un profane aurait pu prétendre. Voilà qui apprendra aux candidats à se vanter...

Les dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne :

Sur ce point, l'indigence de l'argumentation de la société franchisée surprend : non contente de ne pas démontrer en quoi une rétention d'informations par le franchiseur (qu'elle ne démontre pas...) aurait vicié son consentement, la franchisée excipe de frais d'acquisition d'un fonds de commerce exposés ... antérieurement à la signature du contrat.

On apprend en seconde année de droit que l'existence d'un éventuel vice du consentement s'apprécie au jour de la signature du contrat, mais peu importe, nous n'en sommes plus là...

Afin d'être certaine d'aggraver son cas, la société franchisée soutient que le chiffre d'affaires du précédent exploitant (vendeur du fonds de commerce) était inférieur à celui figurant dans le prévisionnel.

L'argumentation aurait pu prospérer, si seulement le précédent exploitant avait été franchisé du réseau PAKITO. Mais non... On en reste sans voix.

Sans doute contaminée par la faiblesse de l'argumentation du franchisé, la Cour relève que la transmission du manuel de franchise (la bible) est antérieure à la signature du contrat, mais n'y trouve rien à redire.

Rappelons que la bible contient tout le savoir-faire du franchiseur, lequel est, par définition, secret, substantiel et identifié (jurisprudence constante). Si le savoir-faire est communiqué antérieurement à la conclusion du contrat, cela signifie qu'il devient public, et qu'il ne peut donc plus être qualifié de savoir-faire.

Conclusion : nullité du contrat pour défaut de cause, l'un des trois éléments constitutifs d'un contrat de franchise (licence de marque, transmission d'un savoir-faire et assistance permanente) faisant défaut. Le franchisé a raté une belle occasion, la Cour aussi, et le franchiseur peut souffler.

L'absence de cause :

Déjà un peu ébranlé par la lecture des premières pages de l'arrêt, le lecteur susaute à la lecture de la motivation relative à l'absence de cause.

C'était justement là qu'il fallait faire valoir le caractère public, et donc l'inexistence, du savoir-faire.

Mais non, le franchisé a préféré argumenter sur l'absence prétendue de notoriété de la marque. Il a sans doute oublié que la notoriété de la marque n'est pas une condition de validité d'un contrat de franchise, seule important la licence de marque.

Un point de plus pour le franchiseur.

La résolution du contrat :

Sentant vraisemblablement le vent tourner, le franchisé, dans ses dernières conclusions d'appel, tente d'obtenir la résolution du contrat.

S'agissant d'une demande nouvelle, elle devait être rejetée. Cependant, le franchiseur avait oublié de former cette demande dans le dispositif de ses conclusions. Décidément...

Le franchisé soulevait un défaut d'assistance, qu'il ne démontrait pas plus que le reste.

Mieux, il n'avait jamais effectué, pendant plus de quatre ans, le moindre reproche à l'encontre du franchiseur.

Une nouvelle fois (mais faut-il s'en étonner ?) le franchisé est débouté. Voilà qui lui apprendra à préparer sa sortie de réseau avec un conseil avisé...

On ne peut toutefois s'empêcher de sursauter lorsque la cour justifie la fourniture de l'assistance du franchiseur par ... une assistance antérieure à la conclusion du contrat (signature du bail, plan de reprise du fonds de commerce, etc...). Comment peut-on justifier de l'exécution d'une obligation contractuelle antérieurement à la conclusion du contrat prévoyant cette obligation ?

Les demandes reconventionnelles du franchiseur : validation d'une clause de non-concurrence nulle

Le franchiseur obtient bien sûr l'indemnisation de son préjudice.

Certes, nous n'en sommes plus à une surprise près. Mais quand même...

Abandonnant en appel la demande d'application stricte de la clause, le franchiseur réclame en appel des dommages et intérêts pour "perte de chance de conclure un contrat de franchise sur le territoire".

Chose amusante, le franchisé estime que cette demande est irrecevable car nouvelle, mais oublie de le demander dans son dispositif, si bien que la demande est accueillie.

Mais là n'est pas le plus intéressant.

On sait que, depuis la loi Macron (qui s'applique depuis le 1° août dernier à tous les contrats en cours), la clause de non-concurrence post-contractuelle dans les contrats de franchise est réputée non écrite sauf si : elle est limitée à un an après la cessation du contrat, au territoire sur lequel est exploitée l'activité, et si elle est proportionnée à la protection des intérêts légitimes du franchiseur.

Qu'à celà ne tienne, la cour valide sans désemparer une clause de non-concurrence d'une durée de deux ans, limitée "aux départements limitrophes du territoire" (donc bien plus large que le champ légalement toléré). Peu importe me direz-vous, nous n'en sommes plus à une hérésie près. 

Certes, mais la Cour relève - cette fois opportunément - que le contrat ne prévoyait pas que la violation de la clause de non-concurrence pouvait être sanctionnée par l'allocation de dommages et intérêts (moyen de défense qui avait semble-t-il échappé au franchisé...). Elle en conclut donc qu'il y a lieu d'allouer au franchiseur des dommages et intérêts du fait de la violation de cette clause. Que dire ? Rien, sinon que ce n'est pas le maquillage de la motivation derrière une prétendue "perte de chance de signer un nouveau contrat de franchise" qui y changera quelque chose : la cour indemnise la violation d'une clause nulle, alors que le contrat interdisait cette indemnisation...

Si la motivation de la décision peut prêter à discussion, la solution doit être approuvée, non seulement parce que le franchisé était à l'évidence de mauvaise foi, mais aussi et surtout par ce que son argumentation particulièrement malhabile n'avait aucune chance de prospérer.

Bref, personne n'a brillé dans cette affaire, si bien qu'il est légitime d'enfouir ce terne arrêt sous la masse de tous ceux de son espèce qu'on doit s'empresser d'oublier bien vite.