Fini de rire avec le décret Magendie.
C'est bien connu, dans notre belle profession, le vice est - presque- une vertu.
Où peut donc s'épanouir plus complètement cette qualité, sinon dans les arcanes de la procédure civile, et plus précisément du décret Magendie, si brillamment rédigé qu'il en devient une performante usine à responsabilité pour les avocats ?
Une partie intimée avait donc choisi de tirer tout le fiel sel de l'article 902 du CPC, afin de couper court à un débat judiciaire peut-être bien mal engagé sur le fond.
L'article 902 du CPC prévoit que si l'intimé n'a pas consitué avocat dans le délai d'un mois à compter de la notification faite par le greffe de la déclaration d'appel, le greffe en avise l'appelant.
L'alinéa 3 de cet article 902 dispose : "à peine de caducité de la déclaration d'appel, la signification doit être effectuée dans le mois de l'avis adressé par le greffe".
Que se passe-t-il si l'intimé constitue avocat avant l'expiration de ce fameux délai d'un mois ?
Appliquer strictement la loi reviendrait à exiger cette formalité de la signification de la déclaration d'appel, quand bien même l'intimé eût constitué avant l'expiration du délai, puisque la loi ne prévoit pas de dispense de signification en cette hypothèse.
A l'inverse, le bon sens voudrait que cette formalité ne soit plus exigée lorsque l'intimé a constitué dans le délai.
Mais le décret Magendie et le bon sens étant parfois brouillés, tous les espoirs étaient permis.
Qu'avait donc à perdre l'intimé, sinon un article 700, à tenter de faire appliquer strictement la loi (sans compter qu'en introduisant son incident, il a peut-être pu obtenir la défixation de l'affaire au fond, et ainsi gagner un temps précieux) ?
D'autant qu'une telle argumentation n'était pas forcément dénuée de fondement, puisque l'article 911 du CPC prévoit une dispense de signification des conclusions de l'appelant lorsque l'intimé a constitué avocat dans le délai d'un mois du dépôt des conclusions de l'appelant au greffe.
En l'espèce, l'appelant avait reçu l'avis du greffe le 14 juin 2016, si bien que l'intimé disposait d'un délai expirant le 15 juillet 2016 (le 14 juillet étant férié, pour d'obscures raisons que l'historien ne peut démêler. Mais il se murmure que cette journée est fériée car proche de Noël donc très pratique pour faire ses courses).
L'intimé constitue le 27 juin 2016 et introduit un bel incident après le 15 juillet, sollicitant le prononcé de la caducité de la déclaration d'appel, motif pris que la signification n'est pas intervenue.
Dans une décision du 24 octobre 2016 (RG 16/01018), le magistrat de la Cour d'Appel de Besançon rejette la demande.
Il précise :
"Au regard de la réforme de la procédure d'appel, qui avait pour dessein notamment d'accélérer la mise en état des procédures dans un souci d'efficacité néanmoins respectueux des droits des parties, la signification de la déclaration d'appel postérieurement à la constitution de l'avocat adverse intervenue dans le délai d'un mois courant à compter de l'avis du greffe, apparaît constituer un acte superfétatoire, dès lors que la signification litigieuse a précisément pour effet, conformément à l'article 902 du code de procédure civile, d'informer la partie non constituée de ce qu'elle s'expose à ce qu'une décision soit rendue sur les seuls éléments fournis par son adversaire si elle ne constitue pas elle-même avocat. La caducité de la déclaration d'appel n'est donc pas encourue".
Voilà une décision frappée au coin du bon sens. Mais appartient-il au magistrat de faire le travail du législateur indigent ? Il est permis de s'interroger. Une décision en sens contraire aurait certes ruiné la procédure de l'appelant, mais peut-être aussi constitué un puissant appel au législateur à revoir sa copie.
Cette décision doit naturellement être approuvée, même s'il est permis d'avoir une pensée émue pour un intimé aussi imaginatif qu'héroïque.
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