Ce jugement de départage est très motivé et très didactique.

Le jugement n’est pas encore définitif.

Dans un jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 17 novembre 2023, le juge départiteur prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail d’un agent de sécurité de Atalian Sécurité pour défaut d’enquête interne suite à des faits dénoncés, violation des durées maximales de travail et non-respect des temps de pause.

1) Exposé du litige

Monsieur X a été embauché par la société Trigion Sécurité par contrat de travail à durée indéterminée à effet du ler août 2017 en qualité d'agent de sécurité confirmé, coefficient 140, niveau III, échelon 2.

Les relations contractuelles étaient régies par les dispositions de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.

Le 30 octobre 2017, Monsieur X subissait un accident de travail et était placé en arrêt maladie jusqu'au 3 décembre 2017.

Le ler juin 2018, le contrat de travail de Monsieur X a été transféré à la société Lancry Protection Sécurité, devenue la SASU Atalian Sécurité.

Par courriers en date du 10 avril 2018, 20 mars 2020 et 20 août 2020 Monsieur X a dénoncé une dégradation de ses conditions de travail.

Le 17 septembre 2019, Monsieur X a été victime d'une agression en se rendant sur son lieu de travail.

Le 10 mars 2020, Monsieur X a subi un second arrêt de travail et a été placé en arrêt maladie.

Le 1er décembre 2020, une visite de reprise était organisée à la suite de laquelle le salarié était déclaré inapte à son poste, mais apte à un poste d'agent administratif.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 3 mars 2021, la société Atalian Sécurité a transmis au salarié deux propositions de reclassements, qui ont été refusées par le salarié par lettre du 10 mars 2021. Le 23 avril 2021, le salarié saisissait le conseil de prud'hommes aux fins de solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Par lettre en date du 28 mai 2021 la société Atalian Sécurité a notifié au salarié l'impossibilité de le reclasser et l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 14 juin 2021.

Le 30 juin 2021, la société Atalian Sécurité a notifié à Monsieur X son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Le salaire mensuel moyen de Monsieur X s'élevait à 1.800,43 euros en moyenne sur les trois derniers mois précédant son arrêt de travail. L'affaire a été entendue par la formation de jugement dont les conseillers se sont déclarés en partage de voix.

Devant la formation de départage le salarié, assisté de son conseil expose les demandes énoncées plus haut. Il fait valoir que la société Atalian Sécurité a commis 15 manquements graves à ses obligations, dont notamment des agissements de harcèlement moral, de discrimination et d'atteinte au droit d'ester en justice qui justifient la résiliation judiciaire du contrat de travail, entraînant la nullité du licenciement, ou à défaut la requalification de la rupture en licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Subsidiairement, à défaut de résiliation, il soutient que le licenciement pour inaptitude est dénué de cause réelle et sérieuse. Il sollicite en tout état de cause le paiement des divers rappels de salaires et indemnités fondées sur l'inexécution fautive du contrat de travail.

En défense, la SASU Atalian Sécurité conclut au débouté des demandes formées à son encontre.

Elle conteste tout manquement aux obligations contractuelles, ainsi que tout agissement de harcèlement moral et sollicite le débouté de l'intégralité des demandes du salarié. A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré.

2)      Motifs de la décision du juge départiteur du 17 novembre 2023

Le Conseil, présidé par le juge départiteur statuant seul après avis du conseiller présent, publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, rendu par mise à disposition au greffe, Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Atalian Sécurité à la date du 30 juin 2021, Dit que la rupture du contrat de travail constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Condamne la société Atalian Sécurité anciennement dénommée société Lancry Protection Sécurité au paiement à Monsieur X des sommes suivantes:

- 1.500 euros au titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité

- 7.200 euros au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3.600,86 euros brut au titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 360,08 euros brut au titre des conges payes afférents au préavis, Ordonne la remise à Monsieur X d'une attestation Pôle Emploi, d'un certificat de travail et d'un bulletin de paie conformes au présent jugement, Ordonne l'exécution provisoire du jugement, Condamne la société Atalian Sécurité anciennement dénommée société Lanery Protection Sécurité au paiement à Monsieur X de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Atalian Sécurité anciennement dénommée société Lancry Protection Sécurité au paiement des dépens,

Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.

2.1)            Sur la demande de résiliation judiciaire

Il résulte des dispositions des articles 1224 et 1228 du code civil qu'un contrat de travail peut être résilié aux torts de l'employeur en cas de manquement suffisamment grave de sa part à ses obligations contractuelles.

Monsieur X sollicite la résiliation judiciaire de son contrat aux motifs que la société Atalian Sécurité aurait commis différents manquements graves aux obligations du contrat de travail.

2.1.1) Sur le harcèlement moral

Monsieur X met en cause les agissements de son employeur à son égard, constitutifs selon lui d'un harcèlement moral et invoque au soutien de son argumentation :

- des expressions de mépris et de dénigrement de la part du responsable d'exploitation, faits dénoncés par lettre du 10 avril 2018,

- des actes d'intimidation et des comportements humiliants de la part des messieurs A et B, des paroles xénophobes et racistes de la part de Monsieur C, faits dénoncés par lettre du 20 mars 2020,

- une mise sous pression constante résultant de la fixation de tâches irréalistes, à effectuer dans des délais excessifs", ainsi que des actes de sabotage de son casier, faits dénoncés par lettre du

20 août 2020.

Le salarié ne verse à l'appui de ses allégations que ses propres courriers qui évoquent des faits imprécis et non datés. Il n'apporte aucune indication sur les propos prétendument tenus à son égard, ni sur les intimidations dont il aurait fait l'objet et ne produit aucun constat des dégradation alléguées de son casier. Ainsi, malgré ses accusations réitérées, le salarié échoue à établir des faits qui pris dans leur ensemble font présumer un harcèlement moral, étant observé que le non-respect allégué des durées maximales de travail et des durées de repos, ne fait pas naître une telle présomption. Le harcèlement moral n'étant pas établi, le salarié sera débouté de sa demande indemnitaire à cet égard. 

2.1.2) Sur la discrimination

Le requérant soutient avoir été victime de discrimination fondée sur l'état de santé d'une part et sur l'origine d'autre part. Ces allégations de discrimination ne reposent que sur les seules allégations du salarié et leur réalité n'est établie par aucun élément probant.  

2.1.3) Sur la violation du droit d'ester en justice

Monsieur X soutient avoir subi une violation d'une liberté fondamentale en ce que la société Atalian Sécurité aurait porté atteinte à son droit d'ester en justice par les propos humiliant de Monsieur Y à son égard. Cette allégation n'est étayée par aucun élément probant et sera écartée. 

2.1.4) Sur le non-respect des durées maximales de travail et des temps de repos

Aux termes de l'article L. 3121-18 du code du travail, la durée quotidienne du travail effectif ne peut excéder 10 heures sauf dérogation. L'article L 3121-19 du code du travail précise qu'une convention ou un accord d'établissement, ou à défaut un accord de branche peut prévoir le dépassement de la durée quotidienne de travail effectif notamment pour des motifs liés à l'organisation du travail, à condition que ce dépassement n'ait pas pour effet de porter ce dépassement à plus de 12 heures.

Par ailleurs, le code du travail prévoit en ses article L.3131-1, D 3131-4 et D 3131-6, une durée de repos quotidien de 11 heures, pouvant être porté à 09 heures dans des secteurs tels que la surveillance, caractérisés par la nécessité d'assurer la protection des biens et des personnes. La preuve du respect du repos quotidien incombe à l'employeur.

Enfin, il est de principe que la privation du repos journalier génère, de fait, un trouble dans la vie personnelle du salarie et engendre des risques pour sa santé et sa sécurité.

En l’espèce, l’article 7.08 de la convention collective des entreprises de sécurité prévoit que la durée quotidienne de travail ne peut excéder 12 heures. L’examen des plannings individuels du salarié, dont l’exactitude n’est pas discutée par l’employeur, démontre que celui-ci était parfois conduit à effectuer deux vacations consécutives de 12 heures, sans bénéficier d'un repos quotidien. Tel a été le cas notamment les 15, 20, 25 et 30 janvier 1998 et les 11 et 12 janvier 2020, 16 et 17 janvier 2020, 20 et 21 janvier 2020.

La société Atalian Sécurité invoque vainement pour contester le non-respect des règles relatives au repos une réglementation propres aux immeubles de grande hauteur, dont elle ne justifie nullement. Il est dès lors établi que la société a manqué de manière grave à ses obligations en matière de repos quotidien ce qui constitue autant de manquements graves aux obligations du contrat de travail.

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Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

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