Dans un arrêt du 2 mai 2024 (RG 21 /00021), la Cour d’appel de Paris confirme le jugement de départage du conseil de prud’hommes de Paris qui a ordonné la réintégration d’une journaliste pigiste de Télérama suite à son licenciement du 20 décembre 2017 consécutif à sa saisine du conseil de prud’hommes de Paris.
La relation de travail avait été requalifiée en CDI à temps complet.
La Cour d’appel de Paris confirme l’indemnité d’éviction octroyée par le juge départiteur du conseil de prud’hommes de Paris du fait de la nullité de la rupture ainsi que les rappels de salaire pendant les périodes intercalaires du fait de la disposition permanente.
1 : Sur la requalification en contrat à durée indéterminée
1.1 : La qualification de la relation de travail
Aux termes de l’article L. 7111-3 du Code du travail est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.
Il est constant que Mme X est journaliste professionnelle.
Aux termes de l’article L. 7112-1 du Code du travail, toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.
Il s’ensuit que la salariée est présumée avoir été liée par un contrat de travail à la société
Télérama SA tout au long de sa collaboration pour la société soit entre le 1er novembre
2009 et le 20 décembre 2017.
Il appartient à la société de presse qui conteste cette qualification de renverser la présomption.
Le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
En l’espèce, l’existence du contrat de travail a été formalisée pour des durées déterminées, par trois contrats à durée déterminée conclus pour les périodes du 26 avril au 7 mai 2010, du 26 au 30 juillet 2010 et du 16 janvier 2017 au 10 février 2017, chacun conclu pour des périodes comprises entre un jour et sept semaines. Par ailleurs les parties ont conclu des
“forfaits piges” stipulés pour le remplacement de salariés absents, par 13 forfaits entre le
13 juillet 2015 et le 26 août 2016, puis par 4 forfaits entre le 18 janvier 2017 et le 31 octobre 2017.
Il ressort des attestations versées aux débats que pendant ces périodes de remplacement d’un autre journaliste, Mme X travaillait dans les locaux de la société, où elle bénéficiait d’un bureau, d’un ordinateur et d’un téléphone, tandis qu’elle participait aux réunions hebdomadaires de rédaction.
Pour ce qui est des conditions dans lesquelles étaient exécutées les piges pendant les autres périodes, les échanges de courriels entre la direction et l’intéressée établit que les tâches lui étaient confiées entre quelques jours en avance et le dernier moment, sur un mode d’expression qui n’envisageait pas de refus.
L’employeur n’apporte pas d’éléments permettant d’écarter le lien de subordination, tel que des refus de missions ou de directives, des négociations sur les conditions de la collaboration, si ce n’est pour demander la signature d’un contrat à durée indéterminée.
Aussi la cour retient-elle la qualification de contrat à durée indéterminée.
En application de l’article L. 3123-6 du Code du travail, l'absence d'un écrit constatant l'existence d'un contrat de travail à temps partiel fait présumer que ce dernier a été conclu pour un horaire à temps complet.
Pour échapper à la qualification en temps plein, l'employeur doit prouver, d'une part la durée exacte de travail mensuelle ou hebdomadaire convenue et sa répartition et, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'entreprise.
Or précisément, Mme X dont les piges étaient commandées souvent au dernier moment ou à tout le moins tardivement, de manière irrégulière, comme le montrent les courriels versés aux débats, était dans l’impossiblité de prévoir à quel rythme elle devait travailler.
Par suite la relation de travail est requalifiée en contrat à durée indéterminée à temps complet.
1.2 : Sur l’indemnité de requalification
Aux termes de l’article L. 1245-2 du Code du travail lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine.
Lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.
Il est demandé au titre de la requalificaiton de la relation de travail, la requalification, non seulement d’une activité de pigiste sur plusieurs années, mais de trois contrats à durée déterminée.
Au vu des circonstances de la cause, la cour fixe l’indemnité de requalification à la somme de 2 686,42 euros en reprenant les motifs pertinents du premier juge.
1.3 : Sur les rappels de salaire des périodes interstitielles
Il résulte des développements qui précèdent et des motifs du premier juge que la cour adopte, que l’intéressée devait se tenir constamment à la disposition de l’employeur pendant la période non prescrite courue de 2015 à 2017.
Le rappel de salaire sur les périodes interstitielles correspond, pour chaque période intercalaire, en fonction de la rémunération qui avait été la sienne au cours de la période de travail précédente.
Dés lors, la proposition de la salariée de ne retenir que le dernier salaire perçu en octobre
2017 comme référence, par plus que l’offre de la société Télérama SA de retenir le minimum conventionnel ne sont pertinents.
Au vu des éléments du dossier, le rappel de salaire auquel peut prétendre Mme Hélène
Rochette est exactement d’un montant de 16 225 euros brut, outre 1 622,50 euros brut d’indemnité de congés payés y afférents.
Par suite, la condamnation prononcée par le premier juge enjoignant à l’employeur de remettre des bulletins de paie conformes à la décision sera confirmée.
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Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
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