L’arrêt de la Cour d’appel de Paris est définitif.

La Cour d’appel de Paris juge le licenciement du chargé d’affaires nul car lié à son état de santé.

Elle l’indemnise à hauteur de 24 000 euros pour licenciement nul.

Par ailleurs, elle juge le forfait jours privé d’effet.

Elle accorde au chargé d’affaires un rappel d’heures supplémentaires de 19 000 euros et des dommages intérêts pour non respect des durées maximales de travail et du repos hebdomadaire.

Il obtient également un rappel de prime et des dommages intérêts pour non respect de l’obligation de sécurité.

1)      FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Gilgen Door Systems France (ci-après désignée la société Gilgen) a pour activité la fourniture d’installations complètes pour des systèmes de portes et de portails.

Elle employait à titre habituel moins de onze salariés et était soumise à la convention collective national des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Par contrat de travail à durée indéterminée prenant effet le 31 mars 2014, M. X a été engagé par la société Gilgen en qualité de chargé d’affaires. Le contrat stipulait une convention de forfait de 218 jours sur l’année, incluant la journée de solidarité.

Entre le 2 février et le 12 mars 2016, M. X a bénéficié d’un arrêt maladie pour un accident du travail ayant eu pour conséquence un hématome à la face antérieure de la cuisse gauche. Selon le salarié, cet accident était lié au déchargement d’un camion de livraison sans les moyens appropriés.

Le 3 septembre 2018, la société Gilgen a déclaré l’accident du travail de M. X survenu le 30 août 2018 lié à l’aide à l’installation d’une porte automatique et caractérisé, selon la déclaration, par un “pincement dans le dos lors du port d’une charge”.

En raison de cet accident du travail, M. X a bénéficié d’un arrêt de travail du 1er au 9 septembre 2018.

 Suite à la reprise du travail à compter du 10 septembre 2018 (selon l’employeur) et du 12 septembre 2018 (selon le salarié), M. X a fait l’objet de plusieurs arrêts de travail pour la période du 21 septembre au 17 décembre 2018.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 29 novembre 2018, M. X a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé le 12 décembre 2018.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 17 décembre 2018, la société Gilgen a notifié à M. X son licenciement pour faute grave.

Sollicitant notamment l’annulation de son licenciement pour discrimination, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Longjumeau afin que la société Gilgen soit condamnée à lui verser diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 5 novembre 2020, le conseil de prud’hommes a :

Dit que le licenciement de M. X n’est pas nul,

Dit que le licenciement de M. X ne repose pas sur une faute grave,

Dit que le licenciement de M. X est justifié par une cause réelle et sérieuse,

Condamné la société Gilgen à verser à M. X les sommes suivantes :

- 4.185,60 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

- 10.755 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

- 1.075,50 euros de congés payés afférents,

- 2.377,38 euros bruts à titre de rappel de prime exceptionnelle pour l’année 2018,

- 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les créances de nature salariale produiront des intérêts au taux légal à compter de

la saisine du conseil et que la somme allouée au titre de l’article 700 du code de procédure

civile produira des intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement,

Ordonné à la société Gilgen de remettre à M. X les documents administratifs de fin de

contrat conformes à la décision,

Rappelé l’exécution provisoire de droit pour les sommes visées par les dispositions de

l’article R. 1454-28 du code du travail et dit n’y avoir lieu à prononcer une exécution

provisoire autre que celle de droit,

Débouté M. X du surplus de ses demandes,

Mis les dépens à la charge de la société Gilgen.

Le 23 décembre 2020, M. X a interjeté appel du jugement.

 2) MOTIFS  DE L'ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PARIS DU 28 MARS 2024

Dans un arrêt du 28 mars 2024, la Cour d’appel de Paris, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en ce qu’il a :

- condamné la société Gilgen Door Systems France à verser à M. X les sommes de 10.755 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de 1.075,50 euros de congés payés afférents, précision faite que ces sommes sont allouées en brut,

- condamné la société Gilgen Door Systems France à verser à M.  X la somme de 4.185,60 euros à titre d’indemnité légale de licenciement, précision faite que cette somme est allouée en net,

- condamné la société Gilgen Door Systems France aux dépens et à verser à M.

 X la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

- débouté M.  X de sa demande au titre de l’indemnité forfaitaire pour

travail dissimulé,

INFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

PRONONCE la nullité du licenciement pour faute grave notifié le 17 décembre 2018 à M.

Alain X par la société Gilgen Door Systems France,

CONDAMNE la société Gilgen Door Systems France à verser à M.  X les sommes suivantes :

- 1.800 euros bruts à titre de rappel de prime pour l’année 2018,

- 24.000 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement nul,

- 2.000 euros nets de dommages-intérêts pour discrimination,

- 19.000 euros bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires,

- 1.900 euros bruts de congés payés afférents,

- 2.000 euros nets au titre du dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires,

- 500 euros nets de dommages-intérêts pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail,

- 500 euros nets de dommages-intérêts pour non-respect du repos quotidien,

- 500 euros nets de dommages-intérêts pour non-respect de la durée maximale quotidienne de travail,

- 500 euros nets de dommages-intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire,

- 1.000 euros nets de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,

- 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l’employeur devant le conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à compter de

la décision qui les prononce,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

ORDONNE à la société Gilgen Door Systems France de remettre à M.  X un

bulletin de paye récapitulatif, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle

emploi conformes à l’arrêt,

DIT n’y avoir lieu à astreinte,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE la société Gilgen Door Systems France aux dépens d'appel.

2.1) Sur la convention de forfait en jours :

Il est stipulé au contrat de travail que M. X est “soumis à une convention de forfait en jours sur l’année correspondant à 218 jours/an, ceci incluant la journée de solidarité”.

M. X demande à la cour de déclarer inopposable à son égard cette convention de forfait en jours, faute pour l'employeur d’avoir exercé un contrôle régulier sur sa charge de travail notamment par le biais d’un entretien annuel comme l’imposaient le code de travail et l’accord national du 28 juillet 1998 sur l’organisation du travail dans la métallurgie.

En défense, l’employeur soutient que la convention de forfait est valide, que le salarié a eu

entre 2016 et 2018 un entretien annuel avec son supérieur hiérarchique M. M. portant notamment sur la question de la charge de travail, que M. X ne s’est jamais plaint d’une charge de travail trop importante, qu’il disposait d’une réelle autonomie et qu’il n’a jamais contesté le forfait en jours.

En application de l’article L. 3121-39 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2008-798 du 20 août 2008 applicable à la date de conclusion du contrat de travail, la convention ou l'accord collectif prévoyant la conclusion de conventions de forfait en jours détermine les conditions de contrôle de son application et prévoit des modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte.

Aux termes de l’article L. 3121-46 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2008-798 du 20 août 2008, un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

Selon l'article 14 de l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation du travail dans la métallurgie, le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie, chaque année, d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l'organisation et la charge de travail de l'intéressé et l'amplitude de ses journées d'activité. En outre, “le forfait en jours s’accompagne d’un contrôle du nombre de jours travaillés. Afin de décompter le nombre de journées ou de demi-journées travaillées, ainsi que celui des journées ou demi-journées de repos prises, l’employeur est tenu d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail auxquels le salarié n’a pas renoncé dans le cadre de l’avenant à son contrat visé au 2 alinéa c ème i-dessus. Ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur. Le supérieur hiérarchique du salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours assure le suivi régulier de l’organisation du travail de l’intéressé et de sa charge de travail”.

A défaut, d'un entretien annuel au sens des textes précités, la convention de forfait en jours est inopposable au salarié. La charge de la preuve de l'organisation de cet entretien annuel incombe à l'employeur.

En l’espèce l’employeur n’entend justifier de l’existence d’entretiens annuels avec le salarié portant sur sa charge de travail qu’en produisant les conventions d’objectifs pour les années 2015, 2016 et 2017 (pièce 26) qui, contrairement à ses dires, ne font nullement référence à un tel entretien. Par suite, comme le soutient M. X, il n’est nullement établi la tenue d’un entretien annuel au sens des textes précités et, par suite, la convention de forfait en jours est inopposable à M. X, peu important le fait que ce dernier disposait d’une large autonomie ou qu’il n’ait ni contesté la licéité de la convention de forfait pendant la relation de travail ni dénoncé une surcharge de travail au cours de celle-ci.

Au surplus, la cour constate que l’employeur ne produit aucun argumentaire justifiant le respect des stipulations de l’article 14 de l’accord du 28 juillet 1998 imposant l’établissement sous sa responsabilité d’un document de contrôle des heures effectuées par le salarié soumis à une convention de forfait. Si le planning de M. X est versé aux débats pour la période du 1er février 2016 au 14 décembre 2018, force est de constater qu’il ne comporte pas toutes les mentions obligatoires prescrites par l’article 14 dudit accord.

La convention de forfait en jours étant inopposable au salarié, celui-ci peut donc présenter une demande au titre des heures supplémentaires effectuées au cours de la relation de travail.

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Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

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