En cas de licenciement d’un salarié en raison de la commission de faits de harcèlement sexuel ou moral ou d’agissements sexistes ou à connotation sexuelle, il appartient aux juges du fond d’apprécier la valeur probante d’une enquête interne produite par l’employeur, au regard le cas échéant des autres éléments de preuve produits par les parties.

C’est ce qu’affirme la Cour de cassation dans un arrêt du 18 juin 2025 (23-19.022) publié au bulletin.

Analyse.

Le pourvoi de la société Publicis est rejeté par la Cour de cassation.

La solution rendue par la Cour de cassation relève du bon sens.

Aujourd’hui, les enquêtes internes, en droit du travail, ne sont encadrées par aucun texte.

Lorsqu’il est saisi d’une dénonciation d’un harcèlement moral ou sexuel, l’employeur doit diligenter une enquête.

Celle-ci peut être fait en interne ou par un cabinet externe spécialisé ou on.

Cette absence de règles créé une insécurité juridique pour les salariés. Tant pour ceux qui sont accusés de harcèlement moral ou sexuel ou que ceux qui ont subi (ou non) ces harcèlements.

La Cour de cassation a donné un certain nombre de guidelines mais ils sont insuffisant (Cf notre article Enquêtes internes (harcèlements moral ou sexuel) : panorama de la jurisprudence 2022.)

Dans une décision cadre du 5 février 2025, la Défenseure des droits a proposé 49 recommandations pour harmoniser les opérations d’enquêtes internes.

La défenseure des droits proposait notamment :

a- L’accessibilité du dispositif de signalement.

Les entreprises doivent garantir l’accessibilité des dispositifs de signalement à tous les salariés, y compris les anciens employés et les candidats.
A cet égard, plusieurs canaux doivent être disponibles notamment email, téléphone, chat en ligne, etc.
Par ailleurs, l’anonymat ne doit pas être un motif d’exclusion systématique du signalement.

b- La protection des auteurs de signalement.

L’employeur doit mettre en place des mesures de prévention et d’accompagnement renforcées notamment en prévoyant la transmission rapide des coordonnées du médecin du travail aux victimes présumées, témoins et personnes mises en cause.
La protection de la victime inclut également l’éloignement du salarié mis en cause dès l’enquête et la garantie d’une stricte confidentialité des informations recueillies.

c- Le Déroulement de l’enquête.

L’enquête interne doit être déclenchée dans un délai maximal de deux mois sans attendre d’éventuelles procédures judiciaires et se conclure rapidement.
L’employeur doit privilégier des enquêteurs formés aux discriminations et garantir leur impartialité, en évitant de confier l’enquête à un service impliqué dans les faits signalés.

d- Les conclusion et suites.

L’enquête doit donner lieu à un rapport détaillé, incluant les faits signalés, et les mesures prises.
La solution donnée par la Cour de cassation dans son arrêt du 18 juin 2025 n’est pas nouvelle.

Dans un jugement de départage du 14 janvier 2021 du conseil de prud’hommes de Paris considérait que « si la société Z justifie d’une enquête du CHSCT postérieure à la saisine du conseil de prud’hommes par la salariée, concluant aux termes d’une série d’entretiens tenus les 22 novembre et 7 décembre 2017, à l’absence de harcèlement moral, au motif que les griefs invoqués par Madame X lors de son audition étaient imprécis, cette enquête qui entérine le point de vue adopté par l’employeur le 1ᵉʳ septembre 2017 et contredit les termes d’une première enquête du CHSCT diligentée en 2016, ne peut se substituer à l’appréciation du conseil de prud’hommes » [1].

Dans l’arrêt du 18 juin 2025, pour juger que le licenciement était sans cause réelle et sérieuses et écarter l’enquête interne, la Cour de cassation relève notamment que la Cour d’appel de Paris :

  • a constaté, d’une part, que les faits dénoncés par Mme [F] n’étaient confirmés par aucune personne en ayant été témoin et qu’il n’était pas produit le compte rendu d’entretien de M. [G], entendu par la commission d’enquête, alors que celui-ci avait reçu en 2017 les confidences de Mme [F] concernant deux des quatre incidents dont elle disait avoir été victime de la part du salarié et, d’autre part, que les faits décrits par Mme [L] n’étaient confirmés par aucune autre personne bien que des salariés en aient été témoins selon l’intéressée ;
  • a retenu qu’aucune autre personne n’indiquait avoir été personnellement témoin des remarques faites par le salarié concernant son épouse telles que relatées par M. [H] et il n’apparaissait pas que celui-ci ait été personnellement témoin des autres faits évoqués par lui, outre que les passages de son compte rendu d’entretien y ayant trait avaient été tronqués, le nom des personnes citées étant caviardé, sans que ces faits ne soient corroborés par d’autres éléments.
  • a enfin constaté que l’intégralité de l’enquête n’était pas versée aux débats puisque seulement cinq comptes rendus sur les quatorze entretiens réalisés étaient produits.
    Il faut saluer cette décision.

En droit du travail, les règles en matière d’enquête interne, c’est qu’il n’y en a pas.

L’employeur fait ce qu’il veut.

Cela crée une insécurité juridique tant pour les victimes que pour les accusés.

Il nous semble important de légiférer rapidement et de prévoir des règles claires pour l’enquête interne en droit du travail.

Tant les salariés, que les employeurs y gagneront.

Sources.

 

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)

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