1)      Sur la demande de requalification des CDD d’usage en CDI

1.1)  L’absence de caractère temporaire des fonctions exercées : requalification en CDI

Le Conseil de prud’hommes de Paris, dans son jugement du 20 octobre 2020, affirme qu’il est constant que la possibilité donnée à l’employeur de conclure avec le même salarié des contrats à durée déterminée successifs pour remplacer des salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement l’emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise et qu’il en résulte que l’employeur ne peut recourir de façon systématique au contrat à durée déterminée de remplacement pour faire face à un besoin structurel de main d’œuvre.

Il est constant qu’en cas de requalification de plusieurs CDD discontinus, l’ancienneté remonte au premier jour du CDD irrégulier et que le salarié qui bénéficie de la requalification est considéré comme ayant occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un CDD irrégulier, l’existence de périodes non travaillées important peu pour le calcul de l’ancienneté nécessaire à la reconstitution de carrière et la régularisation du niveau de salaire.

Un contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise et ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas prévus par la loi.

Le Conseil de prud’hommes affirme qu’ainsi, le contrat de travail à durée déterminée a par principe un caractère subsidiaire, et que l’utilisation de CDD successifs doit être justifiée par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de cet emploi.

Il en résulte que pour avoir recours au contrat à durée déterminée dit d’usage de manière successive, trois conditions cumulatives doivent être remplies, l’activité de l’entreprise doit se situer dans l’un des secteur définis par décret ou accord collectif, il doit exister un usage constant de recourir au contrat à durée déterminée pour l’emploi considéré et le recours au contrat à durée déterminée doit être justifié par le caractère par nature temporaire de l’activité considérée.

Selon le Conseil de prud’hommes, il est constant que le recours à contrat à durée déterminée d’usage fait peser, sur l’employeur la charge de la preuve du caractère par nature temporaire de l’emploi, au sein de l’entreprise et que la détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné.

Ainsi, il appartient au juge de rechercher si, pour l’emploi considéré, il est effectivement d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée, et de vérifier si le recours à des contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi, nonobstant l’appartenance de l’employeur à un secteur d’activité autorisant le recours au CDD d’usage, et nonobstant l’existence de convention ou d’accords collectifs étendus définissant les emplois pouvant être pourvus par ce contrat.

En l’espèce, Madame X, employée sous CDD d’usage en qualité de Chef Maquilleuse, sollicite selon ses écritures et plaidoiries, une demande de requalification de ses CDD conclus avec la SARL TELE PARIS à compter du 17 janvier 2006 en un contrat de travail à durée indéterminée, avec une ancienneté de 13 ans et 6 mois.

La demanderesse a cessé toute intervention au sein de la SARL TELE PARIS au terme de son dernier contrat à durée déterminée, en l’occurrence le 17 juin 2019.

La SARL TELE PARIS affirme dans ses écritures que Madame X a été amenée à collaborer depuis le 17 janvier 2006 dans le respect des dispositions légales et conventionnelles avec la défenderesse, pour des interventions ponctuelles, en qualité de chef maquilleuse et que les conditions de validité des CDD d’usage sont parfaitement réunies.

La défenderesse précise que s’agissant de la condition relative au secteur d’activité, il n’est ni contestable, ni contesté par Madame X, que cette dernière était bien employée dans un secteur d’activité reconnu par décret comme permettant le recours au CDD d’usage, à savoir le secteur de l’audiovisuel.

Par ailleurs que la SARL TELE PARIS affirme qu’il est d’usage constant de recourir à un CDD d’usage pour l’emploi de Chef maquilleuse.

A l’appui de son assertion la défenderesse produit l’avenant n°4 en date du 8 février 2001 de l’accord interbranche en date du 12 octobre 1998, qui liste les fonctions de production, pour lesquelles il est d’usage de ne pas recourir à un CDI, dont celles occupées par la demanderesse et notamment la convention collective de la production audiovisuelle, applicable en l’espèce, qui dispose en son article V.2.1 que « seuls les emplois des catégories B et C de la présente convention, qui se rapportent directement à la conception, la fabrication et au contenu des programmes, pourront faire l’objet d’un CDD d’usage ».

Le Conseil de prud’hommes constate que Madame X appartient à la catégorie B, comme l’indique d’ailleurs l’ensemble des bulletins de salaires versés aux débats et qu’il ressort ainsi de l’application des dispositions conventionnelles précitées qu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un CDI pour l’emploi de Chef maquilleuse dans le secteur de l’audiovisuel.

Par ailleurs, l’employeur est tenu de démontrer le caractère temporaire de l’emploi concerné même s’il conclut un CDD d’usage en application d’un accord collectif, qui détermine de façon précise la liste des emplois pour lesquels il peut être recouru de manière constante au CDD d’usage.

La SARL TELE PARIS soutient que Madame X occupait de manière temporaire ses fonctions de Chef maquilleuse pour des émissions de télévision, par nature temporaires et que ces fonctions ont un caractère temporaire puisque les missions qui s’y rattachent sont liées à la production des émissions et événements en question.

La défenderesse précise ainsi qu’une émission de télévision a normalement vocation à être diffusée pour une durée limitée, sa reconduction étant soumise à un certain nombre de facteurs extérieurs à la chaîne (audience des téléspectateurs, attentes des annonceurs…) et que dès lors, les personnes travaillant sur une émission de télévision déterminée sont habituellement embauchées dans le cadre de CDD d’usage.

Cependant, le Conseil constate que pendant plus de 13 ans, Madame X a été chargée, dans le cadre de chacun des contrats à durée déterminée exécutés pour TELE PARIS, de maquiller les chroniqueurs et invités avant leur passage dans les différentes émissions et qu’elle a toujours été employée, sans discontinuer, par la SARL TELE PARIS jusqu’à la rupture de sa collaboration en date du 17 juin 2019.

La demanderesse précise sans que cela ne soit contesté qu’elle ne fût pas attachée à une émission en particulier mais intervenait au contraire sur plusieurs émissions différentes et le Conseil constate que la production d’émissions de télévision constitue précisément l’activité normale et permanente de la SARL TELE PARIS.

Le Conseil constate que, nonobstant le nombre limité de jours travaillés et rémunérés chaque année par la SARL TELE PARIS au cours de cette collaboration ininterrompue pendant 13 années, les conditions précises et concrètes des prestations de Madame X révèlent que ses missions étaient indépendantes du contenu des émissions réalisées, que l’activité elle-même de Chef maquilleuse au sein de la SARL TELE PARIS était permanente, de même que l’activité de la salariée, employé régulièrement pendant 13 années.

Le Conseil de prud’hommes constate également que la nature des fonctions occupées par Madame X comme les modalités de leur exécution au sein de la SARL TELE PARIS, à savoir un emploi nécessaire chaque semaine, une collaboration partielle mais continue depuis 2006, sur des prestations on ne peut plus pérennes pour un groupe de la taille de la SARL TELE PARIS qui répondent à un besoin structurel de celle-ci et témoigne du caractère normal et permanent de l’emploi occupé par Madame X en l’absence de toute incertitude quant à la pérennité de son poste et de l’activité.

La défenderesse ne justifie donc par à l’appui de ses affirmations, d’éléments concrets et précis permettant de caractériser l’emploi de Madame X comme un emploi par nature temporaire et conscrit dans le temps de sorte que la conclusion de CDD successifs n’est pas justifiée par des raisons objectives.

Le Conseil poursuit en affirmant qu’il est constant que sur une durée de plusieurs années, un remplacement par CDD n’a plus aucun sens, qu’un employeur ne peut recourir systématiquement à un CDD d’usage pour satisfaire un besoin structurel et qu’il apparait clairement au Conseil qu’il s’agit là d’un mode de gestion généralisé et non d’un besoin ponctuel et temporaire.

Ainsi, il est démontré que les fonctions exercées par la demanderesse ne présentent donc aucun caractère temporaire, dès lors que le maquillage des chroniqueurs et invité est nécessaire pour toutes les émissions produites par TELE PARIS et qu’en l’espèce les CDDU effectués par Madame X depuis janvier 2006 ont eu en réalité pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Par conséquent, le Conseil de prud’hommes dit que la relation de travail doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée, que l’action en requalification des CDD en CDI est globale et que Madame X, qui demande la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée est recevable à se prévaloir des droits attachés au CDI depuis le premier jour travaillé de sa première embauche en CDD que le Conseil fixe au 17 janvier 2006.

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Frédéric CHHUM avocat et membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

Annaelle ZERBIB juriste DPRT Paris Saclay

CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)

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