1) Sur le rappel de l’indemnité conventionnelle de licenciement des journalistes en application de l’article L7112-3 du code du travail, nonobstant qu’il travaillait pour une agence de presse.

Il réclame une somme de 34 486,01 euros à titre de rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement sur le fondement de l’article L7112-3 du Code du travail relatif au journaliste professionnel et en vertu duquel si l’employeur est à l’initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d’année de collaboration, des derniers appointements.

Le maximum des mensualités est fixé à quinze, l’article L7111-3 du même code définissant le journaliste professionnel comme toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.

Contrairement à ce que soutient tant Me M que l’AGS, l’article L7112-3 susvisé est applicable à tous les journalistes professionnels au service d’une entreprise de presse quelle qu’elle soit, le fait que l’entreprise concernée soit une agence de presse et non une entreprise de journaux et périodiques n’y faisant pas obstacle.

Il est dès lors sans importance en l’espèce que la société Visual Press Agency soit une agence de presse.
Etant établi par ailleurs que Monsieur S était journaliste professionnel en ce qu’il n’est pas discuté qu’il avait pour activité principale et régulière son activité d’éditeur photo au sein de la société Visual Press Agency et qu’il en tirait le principal de ses ressources, il est bien fondé à prétendre à une indemnité de licenciement conventionnelle sur le fondement des dispositions précitées d’un montant de 60 091,43 euros au vu de son ancienneté et de son salaire.

Ayant déjà perçu à ce titre de la société une somme de 25 605,42 euros, il lui reste donc dû une somme de 34 486,01 euros.

Monsieur S avait au moment de la rupture de son contrat de travail 14 années complètes d’ancienneté et la société comptait moins de onze salariés.

En application de l’article L1235-3 du Code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, il peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant compris entre 3 mois de salaire brut minimum et 12 mois de salaire brut maximum.

Monsieur S soulève l’inapplicabilité de ce plafond prévu par l’article L1235-3 du Code du travail en raison de son inconventionnalité au regard des dispositions des articles 4 et 10 de la Convention n°158 de l’Organisation Internationale du Travail (dite OIT) et de l’article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996, ratifiés par la France, qui garantissent aux salariés licenciés sans motif valable de recevoir une indemnité adéquate.

L’article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose que les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie.

Il appartient au juge du fond de vérifier la compatibilité des dispositions internes avec les normes supra-nationales que la France s’est engagée à respecter, au besoin en écartant la norme nationale en cas d’incompatibilité.

L’article 24 de la Charte sociale européenne consacré au droit à la protection en cas de licenciement dispose :

« En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître :
a. le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service ;
b. le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.
A cette fin les Parties s’engagent à assurer qu’un travailleur qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial.
 »

Les dispositions de l’article 24 de ladite Charte sociale européenne révisée le 3 mai 1996 ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

Il s’ensuit que ce texte et les décisions du comité européen des droits sociaux ne peuvent être utilement invoqués par l’intimée pour voir écarter les dispositions de l’article L1235-3 du code du travail.

L’article 10 de la Convention n°158 de l’Organisation Internationale du Travail (dite OIT) dispose que :

« Si les organismes mentionnés à l’article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».

Cet article est d’application directe en droit interne.

Néanmoins, la mise en place d’un barème n’est pas contraire à ce texte dès lors que le juge français conserve une marge d’appréciation pour fixer le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse réparant le préjudice subi par le salarié, dans le cadre des montants minimaux et maximaux édictés sur la base de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise.

Il n’y a pas lieu dès lors d’écarter l’article L1235-3 du Code du travail.

En raison de l’âge du salarié au moment de son licenciement, de son ancienneté au sein de la société, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi et au vu des justificatifs produits sur sa situation professionnelle postérieure au licenciement, la Cour fixe le préjudice matériel et moral qu’il a subis du fait de la perte injustifiée de son emploi à la somme de 40 000 euros.


Le jugement sera infirmé et ces sommes fixées au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Visual Press Agency.

 

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https://www.village-justice.com/articles/journaliste-licenciement-pour-motif-economique-sans-cause-pour-absence,42715.html

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

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