La durée de l’engagement de la caution
Les parties doivent définir précisément les limites, notamment temporelles, de la garantie.
A défaut de définition claire, le juge devra se prononcer sur la portée de l’engagement, si elle est contestée.
L’article 2290 du code civil pose le principe de la liberté contractuelle, énonçant que si «le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses», au demeurant «il peut être contracté pour une partie de la dette seulement, et sous des conditions moins onéreuses».
Les parties peuvent ainsi convenir d’un aménagement de la durée de l’obligation de la caution.
Si la durée du cautionnement d’une dette déterminée correspond généralement à la durée de l’obligation principale, il n’est pas interdit aux parties d’en décider autrement.
L’article 2292 du code civil énonce que «le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.»
Cette disposition conduit à une interprétation stricte des limites notamment temporelles du cautionnement.
Une caution, garantissant l’exécution d’un contrat à durée déterminée, n’est en principe pas tenue de la prorogation des relations contractuelles si elle donne naissance à des obligations nouvelles, non expressément garanties par le cautionnement initial ou un avenant (Com., 9 avril 2013, pourvoi no 12-18.019, Bull. 2013, IV, no 56).
Cette hypothèse est à distinguer de la simple prorogation du terme de l’obligation principale garantie, qui ne constitue pas une novation ayant un effet libératoire pour la caution, conformément à l’article 2316 du code civil (Com., 26 mars 2013, pourvoi no 12-12.336; Com., 21 janvier 2003, pourvoi no 94-18.829 ; 1re Civ., 20 mai 2003, pourvoi no 01-00.212, Bull. 2003, I, no 122).
Afin que la caution ne puisse se voir imposer un allongement de la durée de sa garantie, en raison de la prorogation du terme de l’obligation principale, les parties peuvent, par une stipulation, convenir d’écarter l’application de l’article 2316 du code civil et ainsi retenir que d’éventuelles prorogations ne seraient pas opposables à la caution ou nécessiter son accord (Com., 26 mars 2013, pourvoi no 11-24.190).
La durée des engagements de la caution
Il importe, afin de prévenir toute éventuelle difficulté, de distinguer l’obligation de couverture de l’obligation de règlement qui, en principe, s’inscrivent dans un temps différent.
Le cautionnement couvre les dettes nées entre la date de sa conclusion et son terme (obligation de couverture), ce qui ne préjuge pas de sa mise en œuvre après ce terme (obligation de règlement).
L’obligation de règlement perdure, en principe, au-delà de l’obligation de couverture et oblige la caution à régler les dettes qu’elle a garanties, même après l’expiration de la période de couverture.
Sauf disposition contractuelle spécifique ou ambiguïté, la limitation de la durée du cautionnement porte en principe sur celle de l’obligation de couverture, c’est-à-dire sur la période pendant laquelle naissent les dettes garanties.
L'extinction du cautionnement met un terme à l'obligation de couverture de la caution, qui ne sera pas tenue des dettes de la débitrice principale nées après la date d'extinction, mais non à son obligation de règlement.
Il en résulte qu'après l'extinction du cautionnement, la caution reste tenue de garantir :
- les dettes qui sont nées et devenues exigibles entre la souscription du cautionnement et son terme,
- les dettes qui sont nées pendant cette période mais qui sont devenues exigibles après.
Sauf clause contraire de l'acte de cautionnement, le créancier peut agir en paiement des dettes dont la caution reste tenue après son terme (Cass. com. 29 février 1984 Bull. civ. IV n° 83; Cass. com. 17 décembre 1996, Cass. com. 01.04.2008).
La clause du cautionnement garantissant un prêt d'une durée de huit ans, qui prévoit que l'engagement de la caution est «limité à quatre années à partir du décaissement des fonds», a pour seul effet de limiter la garantie de la caution au temps convenu par les parties et non d'imposer au créancier d'engager contre elle ses poursuites dans le même délai (Cass. 1e civ. 19 juin 2001 n° 1053 FS-PB, Cass. com. 28-1-1992 n° 179; Cass. com. 17-12-1996 n° 2203).
Lorsque la durée de l'engagement est limitée, le créancier peut donc poursuivre la caution jusqu'à l'expiration du délai de prescription qui commence à courir du jour où l'obligation principale est exigible (Cass. com. 22 janvier 1979 : Bull. civ. IV n° 24; Cass. 1e civ. 20 juillet 1981 : Bull. civ. I n° 266, Cass. com. 8-11-2011 n° 10-25.064).
Avant l'échéance du terme, si l'obligation existe, elle n’est parfois pas encore exigible, le cautionnement n’étant qu’accessoire au regard de l’engagement du débiteur principal.
Si la créance n'est pas encore exigible à l’égard du débiteur principal, et par voie de conséquence à l’égard de la caution, même si le terme est intervenu à l’égard de la caution, le créancier est susceptible de ne pas être en droit d'exiger de ce dernier le règlement correspondant.
Le point de départ du délai de la prescription de l'obligation ou de l'action sanctionnant son inexécution est fixé au jour de l'échéance du terme, conformément aux dispositions de l’article 2233 du Code civil.
La prescription sanctionne le créancier négligent qui peut agir mais qui n'agit pas.
Le créancier dont la créance à terme n'est pas exigible n'est pas dans cette situation puisqu'il ne peut agir.
La loi n°2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique a imposé, s’agissant des cautions personnes physiques qui s’engagent envers un créancier professionnel, que la mention manuscrite prévoie, à peine de nullité, la précision de la durée de l’engagement.
Le cautionnement d’une personne physique, qu’il soit de nature civile ou commerciale (Cass.com. 10.01.2012 n°10.26.630), au profit d’un créancier professionnel, doit ainsi être conforme aux dispositions :
- de l’article L. 341-2 du Code de la consommation, soit des dispositions de l’article L. 331-1 du Code de la consommation (créé par Ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016), suivant lequel toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même".
- et s’il est solidaire, de l’article L. 341-3 du Code de la consommation, soit des dispositions de l’article L. 331-2 du Code de la consommation (créé par Ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016), suivant lequel la personne physique qui se porte caution solidaire doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : “En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X...”.
La durée ainsi exprimée concerne l’obligation de couverture et non de règlement.
La Cour de cassation (chambre civile 1, 25 janvier 2017, N° de pourvoi: 15-28058) a retenu que « pour rejeter la demande en paiement, l'arrêt retient que, si l'indication du terme de l'engagement est bien reproduit de façon manuscrite par chacune des cautions personnelles, les dispositions relatives à l'interprétation des conséquences de l'arrivée du terme, qui figurent dans les clauses du cautionnement, ne le sont pas, de sorte que l'engagement des cautions à l'égard de la banque était limité au 31 mars 2009 et que cette dernière était forclose en son action » alors que «la loi n'impose pas la présence, dans l'acte de cautionnement, d'une mention manuscrite rappelant à la caution que l'arrivée du terme ne met pas fin à l'obligation de couverture des dettes nées antérieurement à cette date, d'autre part, que la banque agissait en paiement d'une telle dette ».
La Cour de cassation a ainsi réformé l’arrêt rendu par la Cour d'appel de Bourges le 9 avril 2015 qui avait jugé que :
- la durée de l'engagement des cautions étant limitée au 31 mars 2009 (conformément à la mention manuscrite),
- l'action en paiement datée du 22 novembre 2010 était intervenue au-delà de l'expiration de l'engagement souscrit par les cautions et qu'elle était donc forclose.
Au soutien du pourvoi, le moyen suivant avait été développé : « toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite dont l'énoncé est fixé par l'article L 341-2 du Code de la consommation, et uniquement de celle-ci ; qu'en considérant que, faute pour la mention manuscrite assortissant les cautionnements litigieux de préciser, non seulement la durée de l'engagement souscrit, mais également les conséquences découlant pour la caution de l'expiration de son engagement, le terme fixé devait être appréhendé comme un délai de forclusion, cependant que le texte susvisé ne prévoit nullement l'insertion dans la mention manuscrite prescrite à peine de nullité d'une quelconque mention qui serait destinée à rappeler à la caution que l'arrivée du terme ne met fin qu'à l'obligation de couverture, mais laisse subsister l'obligation de règlement des dettes nées antérieurement, la Cour statue en violation de l'article L 341-2 du Code de la consommation, ensemble de l'article 12 du Code de procédure civile et alors que, d’autre part, l'arrivée du terme du cautionnement, tel que fixé par la mention manuscrite qui doit impérativement assortir tout cautionnement conclu entre une personne physique et un créancier professionnel, a pour seul effet de limiter la garantie de la caution aux dettes nées antérieurement, mais non d'imposer au créancier d'engager contre elle ses poursuites dans le même délai; qu'en décidant le contraire, la Cour, qui méconnaît la distinction entre obligations de couverture et de règlement et confond ainsi le terme de l'engagement avec un délai conventionnel de forclusion ou de prescription, viole les articles 1134, 2292 et 2311 du Code civil, ensemble l'article L. 341-2 du Code de la consommation. »
La durée spécifiquement convenue des engagements de la caution
La durée stipulée a, en règle générale, pour objet de limiter l’obligation de couverture à un terme convenu.
Dans cette hypothèse, l’obligation de couverture disparaît pour l’avenir et la caution ne sera tenue que du règlement des dettes nées pendant cette période et non des dettes nées après son expiration.
S'agissant de contrats à exécution successive (baux, crédits "amortissables"…), la stipulation dans l'acte de cautionnement d'une durée plus courte que celle du contrat principal est, en principe, interprétée comme limitant l’obligation de couverture aux échéances antérieures à l'expiration du terme fixé (Cass. com., 24 nov. 1998, n° 95-22.306).
C’est ainsi qu’en matière de cautionnement d’un compte courant, souvent garanti pour une durée limitée et inférieure à celle du concours, il a été constamment jugé, sauf clauses spécifiques du contrat de cautionnement, que l'échéance de la garantie se rapporte à l'obligation de couverture et non à celle de règlement.
Seule l'obligation de couverture étant éteinte, la caution reste alors tenue à hauteur du solde provisoire au jour du terme, sous déduction des remises en crédit postérieures, qui s'imputent sur ce solde (Cass. com., 24 oct. 1989, n° 88-15.988, Cass. com., 30 mars 1993, n° 91-17.019, CA Versailles, 29 oct. 1998), sauf stipulation différente.
La jurisprudence a ainsi retenu la validité de la clause retenant que "au cas de révocation du cautionnement, les obligations de la caution au titre dudit compte-courant seront déterminées par le solde que dégagera ce dernier au moment de sa clôture, sans pouvoir excéder le montant de sa balance provisoire lors de la révocation" (Cass. com., 6 juill. 1983 : JCP G 1983, IV, 294 ; Bull. civ. 1983, IV, n° 203 ; Cass. com., 12 févr. 1991 : Bull. civ. 1991, IV, n° 62, Cass. com., 9 juin 1992, CA Rennes, 1re ch., sect. B, 30 mai 2002, n° 01/04098, CA Lyon, 1re civ., 15 févr. 2007, n° 06/00819).
A l’inverse, lorsque la durée du cautionnement est supérieure à celle du contrat principal, il sera plus volontiers retenu, en l’absence de stipulation contractuelle claire, que la durée correspond à l’expiration de l’obligation de règlement (jugé pour une durée de 60 mois d'un crédit-bail de 48 mois, CA Paris, 27 nov. 2014, n° 14/03520).
Un cautionnement à durée déterminée est en principe exclusif de la faculté de résiliation unilatérale (Cass. com., 23 févr. 1993, n° 89-17.670).
Toutefois, les parties peuvent expressément convenir de faire coexister une faculté de résiliation avec un terme extinctif (dans le cas d’un dirigeant d’une société débitrice qui s'était obligé "jusqu'à dénonciation de son engagement et seulement pendant la période d'exercice de sa gérance", lui permettant ainsi d’être déchargé pour les dettes postérieures à la notification au créancier de la cessation des fonctions, CA Bordeaux, 2e ch., 24 mars 1993 : Cass. com., 28 févr. 1995, n° 93-14.705).
Aux termes d’une stipulation spécifique, il peut être convenu de fixer une date au-delà de laquelle la caution ne pourra plus être poursuivie par le créancier, et ce, sans attendre le délai de prescription du droit commun.
Les parties fixeront ainsi une limite au délai de recouvrement imparti au créancier, terme éteignant son droit de poursuite.
Si les actes sont ambigus, il appartiendra au juge du fond de rechercher et de déterminer quelle a été la commune intention des parties.
Analysant une clause selon laquelle « l’engagement deviendra caduc et ne pourra plus être mis en jeu pour quelque cause que ce soit, à l’expiration d’un délai de trois mois […] à compter de la date de prise d’effet d’une éventuelle résiliation anticipée du contrat de bail par l’une ou l’autre des parties à la convention et pour quelque cause que ce soit », la Cour de cassation (Com., 15 octobre 2013, pourvoi no 12-21.704, Bull. 2013, IV, no 151) a retenu qu’une « caution était fondée en application de la convention des parties à invoquer le non-respect du délai expressément prévu pour la mise en jeu de son engagement ».
Cette limitation dans le temps à la fois l'obligation de couverture et l'obligation de règlement est possible lorsque la caution n'a accordé sa garantie que pour une dette déterminée ainsi que lorsque cette garantie couvre un ensemble de dettes (Cass. civ., 13 mai 1936 et Cass. com., 26 avr. 1977, Cass. 1re civ., 9 déc. 1981, n° 80-15.592 : CA Toulouse, 2e ch., 1re sect., 2 mai 2012, n° 10/04989I).
Il importe que la volonté de limiter l'obligation de règlement et de couverture soit certaine, ce qui n’est pas le cas si le contrat stipule seulement que l'engagement est limité à telle date.
La volonté est considérée comme claire si le cautionnement est stipulé "caduc" à telle date (CA Metz, ch. civ., 20 avr. 1994, CA Poitiers, ch. civ., 2e sect., 22 juill. 1999 , CA Paris, pôle 5, ch. 6, 30 nov. 2009, n° 07/16416 : CA Versailles, 1re ch., 2e sect., 25 oct. 2011, n° 10/05882).
Afin d’éviter toute discussion, il est souhaitable de stipuler deux termes distincts, l'un pour l’obligation de couverture, l’autre pour l’obligation de règlement.
Le formalisme impératif, qui conditionne désormais la validité de l’acte de cautionnement, a pour effet qu’il convient de faire primer les mentions manuscrites sur les clauses pré-imprimées en cas de contradiction.
La Cour de cassation a ainsi approuvé une cour d’appel qui a jugé que la mention portée de la main de la caution dans l’acte litigieux exprimait, sans équivoque, son engagement de se rendre caution pour une durée de trois ans, sans avoir à l’interpréter au regard de la clause stipulant un engagement d’une durée d’un an (Com., 11 juin 2014, pourvoi no 13-18.118).
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