* La clause notariée d’insaisissabilité
La déclaration notariée d’insaisissabilité est issue de la loi no2003-721 du 1er août 2003, dite loi pour l’initiative économique, entrée en vigueur avec le décret no 2004-303 du 26 mars 2004.
Un entrepreneur individuel (c’est-à-dire une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante) peut, grâce à cette déclaration, publiée notamment au service de publicité foncière, faire déclarer insaisissables un ou plusieurs immeubles, bâtis ou non (depuis la loi no 2008-776 du 4 août 2008), dès lors qu'ils ne sont pas affectés à son activité professionnelle.
La déclaration n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, après la publication de la déclaration, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant.
Les créanciers antérieurs à la publicité conservent ainsi tous le droit de saisir l’immeuble.
Parmi les créanciers postérieurs à la publicité, il convient donc d’en distinguer deux catégories :
- ceux qui bénéficient de créances liées à l’activité professionnelle du débiteur : ils sont privés du droit de saisir l’immeuble,
- les créanciers non professionnels : ils conservent le doit de saisir l’immeuble.
S’agissant des créances liées à l’activité professionnelle du débiteur, il importe de définir la date de leur naissance, dès lors que l’insaisissabilité ne vaut que pour celles nées après la publication de la déclaration notariée.
L’auteur de la déclaration d’insaisissabilité peut, à tout moment, y renoncer, dans les mêmes conditions de validité et d’opposabilité que celles relatives à la déclaration initiale.
Par ailleurs, la renonciation peut être faite au bénéfice d’un ou plusieurs créanciers professionnels dont les droits sont nés postérieurement à la déclaration d’insaisissabilité.
A l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, il existe deux catégories de créanciers : ceux qui ont conservé le droit de saisir l’immeuble et ceux qui ont perdu ce droit.
La Cour de cassation retient que :
- la mission du liquidateur est d’assurer la défense de l’intérêt collectif des créanciers,
- le liquidateur est dépourvu de qualité en vue de défendre individuellement un créancier ou même un groupe de créanciers : le droit de poursuite de la collectivité des créanciers n’est pas aligné sur celui que le droit commun reconnaît à un créancier quelconque ou à un groupe de créanciers,
- le liquidateur ne représente pas les créanciers qui ont accès à un gage qui n’est pas commun à tous les créanciers,
- si l’immeuble ne fait pas partie du gage commun des créanciers, le liquidateur est privé de l’action destinée à vendre ce bien, car elle ne tend pas vers la défense du gage commun,
- tout créancier ayant conservé le doit de saisir l’immeuble peut, malgré l’ouverture de la procédure collective, saisir l’immeuble pour se faire payer, sans être soumis aux règles de la procédure collective,
- s’il s’en abstient, ce créancier s’expose à la prescription de sa créance.
C’est ainsi qu’elle a jugé que :
- le juge-commissaire excède ses pouvoirs en autorisant le liquidateur à procéder à la vente aux enchères d’un immeuble, objet d’une déclaration notariée d’insaisissabilité (Cass. Com. 28 juin 2011), qui est opposable au liquidateur, et peut être soulevée par le débiteur malgré son dessaisissement, dès lors que coexistent des créanciers ayant le droit de saisir et d'autres ayant perdu ce droit,
- l'immeuble insaisissable par le liquidateur échappe à l'effet réel de la procédure collective (Com. 13 mars 2012, n° 10-27.087),
- le créancier, auquel la déclaration notariée est inopposable, conserve, pendant la liquidation judiciaire, le droit de saisir l'immeuble (Com. 5 avr. 2016, n° 14-24.640 ), parce que l'immeuble ne fait pas partie du périmètre des biens affectés par la procédure collective, de sorte qu’il n’a pas à être autorisé par le juge-commissaire, la saisie de l'immeuble n'étant pas une opération de la procédure de liquidation judiciaire,
- l'effet interruptif de prescription de la déclaration de créance n'est pas prolongé jusqu'à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire et prend fin à la date de la décision ayant statué sur la demande d'admission, de sorte qu’il appartient au créancier inscrit, auquel la déclaration d'insaisissabilité est inopposable, d’exercer son droit de poursuite à fin d’échapper à la prescription de sa créance (com., 12 juillet 2016, n° 15-17.321 (FS-P+B)).
La vente du bien affecté par cette clause peut être effectuée par le débiteur en liquidation judiciaire ou les créanciers auxquels la clause d’insaisissabilité est inopposable.
Le débiteur, dont le bien échappe à l’emprise de la procédure collective, doit pouvoir le vendre dans la mesure où le dessaisissement qui l’affecte ne concerne pas ce bien.
L’incapacité générale qui lui interdit de disposer de ses biens est cantonnée à la protection du gage commun des créanciers, ce qui exclut précisément le bien grevé de la clause d’insaisissabilité.
Du jour de la vente du bien, et pendant une durée d’un an, le prix échappe au gage commun des créanciers (auxquelles l’insaisissabilité est opposable) et donc à la liquidation judiciaire.
Le débiteur pourra affecter le prix de vente au paiement des créanciers auxquels la clause d’insaisissabilité est inopposable.
En l’absence de remploi dans les conditions strictement définies par la loi, l’insaisissabilité cesse de produire ses effets, de sorte que la procédure de liquidation judiciaire pourra appréhender le prix.
Les créanciers auxquels l’insaisissabilité est inopposable ont le droit de saisir l’immeuble.
C’est le statut de l’immeuble, objet de la déclaration notariée, qui justifie qu’il ne puisse être saisi que par ces créanciers.
Ces créanciers pourront être payés par le prix de vente de l’immeuble, mais dans cette limite.
Ils pourront également envisager la saisie de l’immeuble acquis en remploi, tout comme pratiquer des mesures d’exécution sur le prix de vente de l’immeuble.
* L’insaisissabilité légale
La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a retenu le principe d’une insaisissabilité de droit, en cas de procédures collectives.
L’insaisissabilité légale s’applique aux créances professionnelles nées après la publication de la loi Macron, soit celles nées à compter du 08.08.2015, la loi ayant été publiée le 07.08.2015.
C’est ainsi qu’elle concerne les créances professionnelles résultant de contrats conclus à compter du 8 août 2015 dans le cadre de procédures collectives ouvertes à partir de cette date.
Cela exclut naturellement les procédures ayant fait l’objet d’un jugement d’ouverture avant le 8 août 2015, quand bien même dans le cadre de la période d’observation en cours à cette date, elles feraient postérieurement l’objet d’une conversion en une autre procédure collective.
Pour les procédures collectives ouvertes jusqu’au 7 août 2015, les résidences principales des entrepreneurs n’étant pas insaisissables, elles n’échappent pas aux poursuites qu’un liquidateur entendrait engager, sauf clause d’insaisissabilité.
Les créances non professionnelles, quelle que soit leur date de naissance, ne sont pas concernées par l’insaisissabilité légale affectant la résidence principale.
Concernant les créances professionnelles antérieures au 8 août 2015, l’insaisissabilité légale n’apparaît pas devoir leur être étendue.
L'insaisissabilité légale concerne uniquement les personnes physiques immatriculées à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou qui exercent une activité professionnelle agricole ou indépendante, soit :
- les commerçants immatriculés au registre du commerce,
- les artisans immatriculés au répertoire des métiers,
- les agriculteurs,
- les professions libérales.
Sont insaisissables les droits immobiliers où le débiteur a fixé sa résidence principale, c’est-à-dire le lieu où il réside habituellement.
En cas d’utilisation mixte d’un immeuble à usage professionnel et de résidence principale, seule cette deuxième partie est insaisissable.
Les dispositions de l’article L 526-1 du code de commerce qui énoncent que : « les droits d'une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de la personne. » illustrent, dans le droit des entreprises en difficulté, un principe nouveau et dérogatoire suivant lequel le patrimoine soumis à la procédure collective a un caractère variable.
Cette règle est en contradiction avec l'article 2285 du Code civil, qui énonce que « les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers».
La procédure collective n’a plus la personne pour sujet mais un patrimoine pour objet.
Les règles de la procédure collective s’appliquent ainsi de manière différente en fonction des droits des créanciers à l’égard du patrimoine du débiteur.
En cas d’existence de créances professionnelles postérieures au 7 août 2015, l'immeuble où est fixée la résidence principale est insaisissable du chef de ces créances.
Le bien immobilier cesse d'être un élément du gage commun.
En l’absence de renonciation par le débiteur à cette insaisissabilité légale, les droits relatifs à ce bien, en ce qui concerne la partie affectée à la résidence principale, sont donc hors procédure collective.
Le liquidateur, dont le domaine d’intervention est circonscrit à la défense de l'intérêt collectif des créanciers, ne peut entreprendre aucune action concernant ces droits immobiliers.
A l’inverse, les créanciers auxquels cette insaisissabilité est inopposable peuvent agir.
Ils doivent même, semble-t-il, le faire s’ils veulent éviter la prescription susceptible d’affecter leur créance.
Ces créanciers ne sont, pour ces créances, pas concernés par les règles de l’arrêt des voies d’exécution ou encore l’arrêt du cours des inscriptions de sûretés.
Le débiteur peut renoncer à cette insaisissabilité.
Les droits immobiliers réintègrent alors le périmètre de la procédure collective.
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