Le crédit à la consommation est un mécanisme potentiellement risqué, qui requiert vigilance et transparence. Il est donc essentiel que l’emprunteur ne soit pas induit en erreur par le prêteur. C’est dans cette logique que le législateur a instauré un encadrement rigoureux de la publicité en matière de crédit, notamment aux articles L. 312-5 à L. 312-11 du Code de la consommation. Certaines informations doivent impérativement y figurer, tandis que d’autres sont expressément interdites. Le non-respect de ces dispositions expose le prêteur à des sanctions pénales (contravention de 5e classe – art. R. 341-1 du même code), bien que les contentieux restent rares sur ce fondement.
Un arrêt de la Cour de cassation en date du 2 avril 2025 (n° 24-13.257) s’inscrit précisément dans ce cadre juridique.
L’association CNL (CONFEDERATION NATIONALE DU LOGEMENT), agréée pour représenter les consommateurs, avait assigné en référé la société CONFORAMA afin qu’elle cesse la diffusion d’une publicité illicite relative à une offre de crédit. Elle demandait également la publication d’un communiqué judiciaire et une provision pour le préjudice subi par les consommateurs.
Toutefois, la cour d’appel de Rennes, dans un arrêt du 24 octobre 2023, a débouté l’association, qui a alors formé un pourvoi en cassation.
Un rejet partiel du pourvoi par la Cour de cassation
En premier lieu, la Cour rejette le grief concernant l’irrecevabilité de certaines demandes portant sur de nouvelles campagnes publicitaires. Elle confirme que celles-ci, distinctes de la publicité initialement contestée, nécessitaient une appréciation juridique et factuelle propre, et ne constituaient ni un complément ni une conséquence directe de l’action première. Elles devaient donc être écartées comme demandes nouvelles.
En second lieu, l’association reprochait à la cour d’appel d’avoir refusé de qualifier les manquements allégués de trouble manifestement illicite. Les juges avaient estimé que les mentions obligatoires (article L. 312-6) figuraient bien, même si leur lisibilité pouvait prêter à discussion – une question trop complexe pour être tranchée en référé. Là encore, la Cour de cassation valide cette position.
Mais une cassation sur le défaut de reconnaissance du trouble illicite
En revanche, sur le troisième moyen, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel. Elle rappelle que le juge des référés peut prescrire des mesures conservatoires même en présence d’une contestation sérieuse (article 835 du Code de procédure civile). Elle insiste aussi sur les exigences formelles des articles L. 312-8 et L. 312-9 du Code de la consommation, qui imposent notamment l’encadré obligatoire contenant les données clés du crédit.
En l’espèce, même si l’offre litigieuse portait sur une formule « 5 fois sans frais », donc sans coût apparent pour le consommateur, la Cour estime que toute irrégularité formelle dans la publicité d’un crédit constitue en elle-même un trouble manifestement illicite. Dès lors, le raisonnement des juges du fond, qui exigeaient la preuve d’une désinformation effective, est jugé contraire au droit.
Un rappel utile du droit en vigueur, même pour les crédits dits "gratuits"
Au-delà de l’enjeu juridique immédiat, cette décision réaffirme que les règles relatives à la publicité du crédit à la consommation s’appliquent y compris aux offres dites "sans frais". Le formalisme n’est pas une simple option : il s’agit d’une garantie de lisibilité et de protection pour le consommateur.
Cette jurisprudence rappelle donc aux professionnels du crédit qu’ils doivent respecter scrupuleusement les dispositions du Code de la consommation, sous peine de voir leurs campagnes suspendues en référé, même en l’absence de dommage prouvé.
Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS
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