L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 parue au Journal officiel du 26 mars vient reporter le terme des clauses qui sanctionnent l’inexécution de ses obligations par un cocontractant et gérer les astreintes.
C’est l’article 4 de cette ordonnance du 25 mars qui pose le cadre applicable à ce régime dérogatoire applicable en raison de l’état d’urgence sanitaire liée au Covid-19
Seule l’application d’une liste limitative de clauses est visée par cette ordonnance, les autres devant continuer à s’appliquer.
Attention : tout le temps contractuel n’est pas suspendu.
Quelles sont les stipulations contractuelles visées ?
L’esprit du texte vise à ne pas pénaliser le contractant qui n’aura pas pu exécuter son obligation en raison de l’état d’urgence sanitaire imposé en France.
La mise en œuvre des clauses qui sanctionnent l’inexécution des obligations de l’une des parties est donc suspendue pendant une durée donnée.
L’ordonnance dresse une liste limitative des clauses concernées, savoir :
- les astreintes ;
- les clauses pénales ;
- les clauses résolutoires ;
- les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé.
Attention :
- cela ne signifie pas que l’ordonnance supprime la possibilité d’accomplir un acte dont le terme interviendrait pendant cette période ; ce qu’elle permet, c’est de considérer que ne sera pas tardif l’acte qui sera réalisé dans le délai supplémentaire ouvert par cette ordonnance
- le paiement des obligations contractuelles n’est pas suspendu et doit intervenir à la date prévue par le contrat ;
- les dispositions de droit commun continuent à s’appliquer si leurs conditions sont réunies (notamment celles concernant la force majeure, v. C. civ., art. 1218)
Quel régime juridique leur est applicable ?
L’ordonnance paralyse l’effet de ces clauses en instaurant un report de terme.
Ces clauses sont en effet « réputées n'avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant (l’état d’urgence sanitaire) »
Quelle est la période prise en compte ?
Les actes visés sont ceux qui auraient dû être accomplis pendant l’état d’urgence sanitaire, soit à compter rétroactivement du 12 mars 2020.
A contrario, cela permet d’exclure les délais situés hors de cette période de référence, soit :
- les délais dont le terme est échu avant le 12 mars 2020 ;
- les délais dont le terme est fixé plus d’un mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire.
À quand la reprise du cours contractuel « ordinaire » ?
L’ordonnance prévoit que le temps contractuel reprendra son cours pour les stipulations en cause un mois après la fin de cet état d’urgence. (Ord. n° 2020-306, 25 mars 2020, art. 4).
Sachant que rien n’empêche, bien évidemment, le débiteur d’exécuter son obligation avant ce terme.
Comment vont être gérées les astreintes ?
Deux situations :
- soit l’astreinte avait commencé à courir avant la déclaration d’état d’urgence sanitaire : dans ce cas, « le cours des astreintes et l'application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant (l’état d’urgence sanitaire) » (Ord. n° 2020-306, 25 mars 2020, art. 4) ; auquel cas, leur cours reprendra un jour après la fin de l’état d’urgence ;
- soit l’astreinte aurait dû commencer à courir pendant l’état d’urgence sanitaire : dans cette hypothèse, elle est suspendue.
Comment gérer les résiliations et dénonciations prévues pendant une période donnée dans le contrat ?
L’ordonnance prévoit que : « Lorsqu'une convention ne peut être résiliée que durant une période déterminée ou qu'elle est renouvelée en l'absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période ou ce délai sont prolongés s'ils expirent durant (l’état d’urgence sanitaire) de deux mois après la fin de cette période » (Ord. n° 2020-306, 25 mars 2020, art. 5).
En résumé, pour bénéficier d’un report de terme contractuel, il faut remplir deux types de condition :
- rationae materia : liste des clauses visées par l’ordonnance (v. supra) ;
- rationae temporae : les clauses concernées doivent arriver à échéance pendant l’état d’urgence, soit entre le 12 mars 2020 et une date de fin non encore définie ; avec cette précision apportée par le rapport au président de la République de l’ordonnance : « en toute hypothèse, lorsque les mesures précédentes ont été prononcées avant le 12 mars 2020, le juge ou l’autorité administrative peut y mettre fin s’il est saisi » (Ord. n° 2020-306, 25 mars 2006, rapport au président de la République).
Attention à ne pas confondre les délais !!
Il faut bien distinguer :
- la période prise en compte pour cette prorogation : le + 1 mois : est visée ici, la période de référence pendant laquelle la prorogation va s’appliquer, soit entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire (ex : si la fin de l’état d’urgence est le 24 mai 2020, comme actuellement prévu, les actes/mesures visés sont ceux qui auraient dû être accompli jusqu’au 25 juin 2020) ;
- la temporalité pour accomplir ces actes : le + 2 mois : il s’agit ici d’un report de terme, c’est-à-dire d’un décalage de deux mois du délai pour accomplir cet acte après la fin de cet état d’urgence + 1 mois (ex : si la fin de l’état d’urgence est le 24 mai 2020, les actes visés sont ceux qui auraient dû être accompli jusqu’au 25 août 2020).
La circulaire du 26 mars 2020, NOR : JUSC2008608C, propose quelques illustrations de mise en œuvre de ce dispositif exceptionnel.
Ainsi, est présenté l’exemple d’un contrat dont l’exécution était prévue le 20 mars. S’il est stipulé une clause résolutoire en cas d’inexécution et que le débiteur n’exécute pas le contrat à la date prévue, la circulaire énonce que « dès lors que l’exécution devait intervenir durant la période juridiquement protégée prévue à l’article 1er de l’ordonnance, la clause résolutoire ne produira pas son effet. Elle le produira en revanche si le débiteur n’a toujours pas exécuté son obligation dans le mois qui suit la fin de la période juridiquement protégée prévue à l’article 1er de l’ordonnance, soit dans les deux mois suivant la cessation de l’état d’urgence ».
Par ailleurs, l’article 5 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 dispose, pour une convention dont la résiliation ou la dénonciation avant renouvellement doit intervenir pendant la période d’état d’urgence sanitaire allongée du délai d’un mois, que la résiliation/dénonciation ne peut être réalisée avant un délai de deux mois courant à compter de la fin de ladite période.
Là encore, la circulaire du 26 mars 2020 précise les modalités d’application de cette disposition.
L’exemple suivant est proposé : « Un contrat a été conclu le 25 avril 2019 pour une durée d’un an. Il contient une clause prévoyant que le contrat sera automatiquement renouvelé sauf si l’une des parties adresse une notification à son cocontractant au plus tard un mois avant son terme. Chaque partie avait donc jusqu’au 25 mars pour s’opposer au renouvellement. Ce délai ayant expiré durant la période juridiquement protégée prévue à l’article 1er de l’ordonnance, le contractant pourra encore s’opposer au renouvellement du contrat dans les deux mois qui suivent la fin de cette période, soit dans les trois mois qui suivent la cessation de l’état d’urgence »
Mais pour le reste, le temps contractuel continue à suivre son cours.
Maître Guillaume BOYER-FORTANIER
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