Le projet de loi d’urgence sanitaire faisait état d’ordonnances visant à pallier les conséquences économiques et financières causées par la situation actuelle.
Une ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l’urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale a été publiée au Journal officiel du 28 mars 2020.
Cette ordonnance, dans ses dispositions afférentes aux procédures collectives, allonge les délais applicables en pareilles procédures.
Elle modifie en profondeur les dispositions applicables au droit des entreprises en difficulté et la notion centrale d’état de cessation des paiements.
L’ordonnance prévoit son application aux procédures en cours.
I. L’appréciation de la date de cessation des paiements.
En son article premier, l’ordonnance dispose que l’état de cessation des paiements est apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020.
Cette appréciation est applicable jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
Cette disposition présente l’intérêt, d’une part, de permettre au débiteur concerné de solliciter une mesure de mandat ad hoc ou de conciliation, d’autre part, de laisser au mandataire/conciliateur désigné le soin de transmettre sans délai les relevés de créances résultant d’un contrat de travail aux organismes sociaux concernés, et, enfin, elle couvre toute déclaration tardive du débiteur concerné (laquelle l’exposerait à des sanctions).
II. Le recours aux procédures préventives favorisé.
L’ordonnance dispose que lorsqu’il en a besoin, le débiteur peut demander une conciliation. Cette possibilité lui est ouverte, au même titre que celle de demander l’ouverture d’une procédure collective, et permet ainsi de prévenir tout engorgement ultérieur des tribunaux.
Pour ce faire, le débiteur remet les documents nécessaires au greffe du Tribunal de Commerce par tout moyen. La grande majorité des Tribunaux de Commerce ont mis en place une boite aux lettres dédiée relevée quotidiennement ou la demande peut également se faire par email.
Le demande d’ouverture peut également être faite depuis le portail d’accès aux 134 Tribunaux de Commerce sur le site www.tribunaldigital.fr.
Un questionnaire d’auto-évaluation a été mis à disposition en ligne pour tenter d’aiguiller au mieux le chef d’entreprise sur la procédure la plus adéquate.
Cependant rien ne vaut l’intervention d’un avocat spécialisé dans la matière qui sera vous accompagner tout au long de la procédure, vous orienter sur le bon choix du mandataire au regard de votre secteur d’activité, de la nature des créances concernées et de votre personnalité, afin qu’une relation de confiance mutuelle s’installe et que la restructuration envisagée s’opère de la meilleure manière qu’il soit.
Une fois le dossier déposé, le Président du tribunal peut recueillir les observations du demandeur par tout moyen. Actuellement la totalité des entretiens sont menés par conférence téléphonique.
Le juge ne peut refuser de désigner un mandataire ou un conciliateur au motif que la situation du débiteur s’est aggravée postérieurement au 12 mars 2020.
Lorsque l’accord ne met pas fin à l’état de cessation des paiements, ce dernier est apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020.
Il est précisé que cela se fait jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
III. La prolongation des procédures et des plans.
A. La prolongation de la procédure de conciliation.
La période légale de la procédure de conciliation (4 mois +1), visée au deuxième alinéa de l’article L. 611-6 du Code de commerce, est prolongée de plein droit d’une durée de trois mois courant à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
Cette durée de trois mois commençant à courir à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire permet aux débiteurs et créanciers de bénéficier d’un délai hors période d’urgence et de confinement.
De même, une nouvelle procédure de conciliation sera possible immédiatement.
B. La prolongation de la période d’observation.
L’ordonnance prévoit le prolongement de la durée la période d’observation, jusqu’à l’expiration de la période d’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois, en sus d’une durée égale à celle de la période de l’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois ; est concernée par cette prolongation celle que fixe la cour d’appel conformément à l’article L. 661-9 du Code de commerce.
Enfin, l’ordonnance prévoit l’inapplicabilité de la période qui permet au tribunal, au plus tard deux mois après le jugement d’ouverture, de poursuivre la période d’observation (visée à l’article L. 631-15 du Code de commerce). Pour autant, le Tribunal bénéfice toujours du droit d’ordonner la cession partielle de l’activité ou de prononcer la liquidation judiciaire en cas de redressement manifestement impossible.
C. La prolongation des plans.
En son article 2, l’ordonnance prévoit la prolongation, de plein droit, des durées afférentes au plan, au maintien de l’activité et à la liquidation judiciaire simplifiée, jusqu’à l’expiration de la période d’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois, en sus d’une durée égale à celle de la période de l’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois.
Cette prolongation essentielle permet aux débiteurs de se retrouver dans l’impossibilité d’exécuter les conditions du plan du fait des conséquences financières de la fermeture engendrée par l’état d’urgence sanitaire.
L’ordonnance, outre la prolongation de plein droit, prévoit une prolongation dite sur requête :
- Sur requête du commissaire à l’exécution du plan : jusqu’à l’expiration du délai de trois mois à compter de la date de fin de l’état d’urgence sanitaire, le Président du Tribunal de Commerce peut prolonger ces plans dans la limite d’une durée équivalente à celle de l’état d’urgence sanitaire augmentée de trois mois.
- Sur requête du ministère public : la prolongation peut toutefois être prononcée pour une durée maximale d’un an.
- Après l’expiration du délai de trois mois à compter de la date de fin de l’état d’urgence sanitaire, et pendant un délai de six mois : sur requête du ministère public ou du commissaire à l’exécution du plan, le Tribunal de Commerce peut prolonger la durée du plan pour une durée maximale d’un an.
D. La prolongation des délais de procédure imposés aux organes de la procédure.
L’ordonnance dispose également que, jusqu’à l’expiration du délai de trois mois suivant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, le Président du tribunal de commerce, statuant sur requête de l’administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire, du liquidateur ou du commissaire à l’exécution du plan, peut prolonger les délais qui sont imposés à ces derniers d’une durée équivalente à celle de la période de l’état d’urgence sanitaire augmentée de trois mois.
E. La prolongation des délais de couverture des créances.
Afin de permettre aux administrateurs, mandataires ou liquidateurs judiciaires d’observer les délais imposés par l’AGS, l’ordonnance dispose une prolongation des délais de couverture relatifs aux créances salariales visés aux articles 2°, b), c), d) et 5° de l’article L. 3253-8 du Code de travail.
Cette prolongation a lieu jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la date de la fin de l’état d’urgence sanitaire et pour une durée égale à celle de la période d’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois.
Elle concerne donc les créances résultant de la rupture de contrats de travail intervenant en suite d’un plan de sauvegarde, de redressement ou de cession, ou du maintien provisoire de l’activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire, ou, enfin, lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l’activité.
Maître Guillaume BOYER-FORTANIER
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