1. Principe de la subrogation de la société HEINEKEN dans les droits de la banque

 La subrogation est un mécanisme juridique qui permet à une personne ayant payé la dette d'autrui (ici, la société HEINEKEN) de se substituer aux droits du créancier initial (la banque) à l'encontre du débiteur ou de la caution.

Cette subrogation peut être légale ou conventionnelle, mais elle requiert que la dette éteinte soit licite, certaine et liquide, et que le paiement ait été effectué par une personne ayant un intérêt légitime à éteindre la dette d'autrui, sans qu'il soit nécessaire que le payeur soit lui-même débiteur : si un paiement a été fait par quiconque ayant un intérêt légitime à l'effectuer, ce qui implique que l'obligation éteinte soit licite ; elle doit être aussi certaine et liquide ( Cass. 1 e civ. 12-7-2006 n° 1290 : RJDA 1/07 n° 65 ), cette solution jurisprudentielle s'imposant car, à défaut, le paiement n'aurait pas eu lieu, alors qu'il ne peut éteindre qu'une dette exigible et dont le montant nominal est versé ( C. civ. art. 1342, al. 2 et 1343, al. 1) ;

Ainsi, une fois la banque désintéressée, HEINEKEN, en tant que subrogée, se trouve titulaire de l'ensemble des droits et prérogatives de la banque contre les cautions dirigeantes, dans la limite des sommes effectivement versées pour éteindre la dette.

2. Recours de la société HEINEKEN contre les cautions dirigeantes

a. Étendue du recours subrogatoire

La société HEINEKEN, subrogée dans les droits de la banque, peut exercer les mêmes actions que la banque aurait pu engager contre les cautions dirigeantes. Elle pourra ainsi réclamer le paiement de la dette garantie, dans la limite de ce qu'elle a elle-même payé pour le compte du débiteur principal qui est la société en liquidation judiciaire.

Ce recours subrogatoire ne peut toutefois s'exercer qu'à hauteur du paiement effectivement réalisé.

b. Nature des indemnités réclamées (majoration de 7 % et indemnité de recouvrement)

L’indemnité de 7 % du capital restant dû

 La validité d'une clause d'indemnité ou de majoration (telle qu'une indemnité de 7 % du capital restant dû) dépend du fait qu'elle n’aggrave pas la situation du débiteur ou des cautions du seul fait de l’ouverture d’une procédure collective ou d’un événement extérieur à leur comportement contractuel. Les clauses d’indemnité qui ne sont dues qu’en cas de défaut de paiement ou de procédure collective sont susceptibles d’être considérées comme inopposables ou non valides si elles rompent l’égalité entre les créanciers, ou si leur application est automatique du seul fait de la procédure.

Si l’indemnité de 7 % est prévue au contrat de cautionnement et n’est pas automatique du seul fait d’une procédure collective, elle pourra être exigée par HEINEKEN, subrogée aux droits de la banque, dans la limite du droit de la banque initiale.

L’Indemnité de recouvrement

 La jurisprudence et la doctrine distinguent les clauses d’indemnité de recouvrement selon qu’elles s’appliquent ou non du seul fait de l’ouverture d’une procédure collective. Si la clause d’indemnité de recouvrement est générale (c’est-à-dire applicable indépendamment d’une procédure collective ou d’une défaillance liée à celle-ci), elle est en principe valable et opposable aux cautions, à condition qu’elle n’aggrave pas la situation du débiteur ou de la caution du seul fait de la procédure collective.

Ainsi, la clause qui met à la charge du débiteur ou de la caution des frais supplémentaires du seul fait de la procédure collective est inopposable.

3. Limites et exceptions au bénéfice de la subrogation

a. Bénéfice de subrogation et perte des droits ou sûretés

 La caution (ou ici, la société HEINEKEN subrogée) ne peut agir utilement que dans la mesure où le créancier initial (la banque) n’a pas, par sa faute, fait disparaître les droits ou sûretés auxquels la caution pouvait prétendre. Si, par le fait du créancier, la caution ne peut plus être subrogée dans les droits, hypothèques et privilèges, elle peut être libérée de son engagement : "La caution est libérée de son engagement, lorsque, par le fait du créancier, elle ne peut plus être subrogée dans les droits, hypothèques et privilèges du créancier dont celui-ci était titulaire (C. civ. art. 2314)."

b. Charge de la preuve et préjudice

La caution qui invoque l’extinction de son engagement doit établir que la subrogation a été rendue impossible par le fait du créancier, mais il revient au créancier (ici, HEINEKEN subrogée) de prouver que le droit dans lequel la caution n’a pu être subrogée n’aurait été pour elle d’aucun avantage ("Il appartient à la caution qui invoque l’extinction de son engagement d’établir que la subrogation a été rendue impossible par le fait du créancier (Cass. 1 e civ. 13-11-1996 n° 1823 : RJDA 3/97 n° 396), mais il revient au créancier qui prétend que le droit dans lequel la caution n'a pu être subrogée n'aurait été pour elle d'aucun avantage de le prouver (Cass. 3 e civ. 4-12-2002 précité ; Cass. com. 21-3-2006 n° 04-20.325 : RJDA 7/06 n° 833 ; Cass. 1 e civ. 3-7-2013 n° 12-21.126).

4. Conclusions pratiques pour la société HEINEKEN

• HEINEKEN, subrogée dans les droits de la banque, peut agir contre les cautions dirigeantes pour obtenir le paiement du solde du capital restant dû et des indemnités contractuellement prévues, à condition que ces indemnités ne soient pas inopposables du fait de la procédure collective ou de clauses abusives

• La clause d’indemnité de 7 % du capital et l’indemnité de recouvrement sont valides et opposables si elles n’aggravent pas la situation des cautions du seul fait d’une procédure collective et s’appliquent dans des situations de défaut de paiement ou d’action en recouvrement classiques.

• En cas de contestation par les cautions, HEINEKEN devra prouver que la perte d’un droit préférentiel n’a pas causé de préjudice aux cautions, si celles-ci invoquent la décharge pour perte de subrogation.

5. Quelles sont les limites opposables à HEINEKEN par les cautions dirigeantes ?

Les cautions dirigeantes, en leur qualité de personnes physiques, peuvent opposer à HEINEKEN le caractère manifestement disproportionné de leur engagement, conformément à l’article L. 341-4 du Code de la consommation (applicable jusqu’au 1er janvier 2022), ou à l’article 2297 du Code civil pour les cautionnements conclus après cette date.

La jurisprudence admet que ces règles s’appliquent également aux dirigeants cautions, même s’ils sont considérés comme « avertis ». De plus, le devoir de mise en garde s’applique en faveur de la caution non avertie.

Le brasseur qui s'est porté caution d'un prêt bancaire consenti à l'exploitant d'un débit de boissons est intervenu dans le cadre de son activité professionnelle de brasseur et de fournisseur du fonds de commerce a bien la qualité de créancier professionnel, de sorte que les moyens tirés du formalisme et des obligations de fond imposés par le Code de la consommation lui sont opposables. Par suite, le gérant du débit de boissons qui s'est porté, à son tour, caution envers le brasseur peut lui opposer le caractère disproportionné de son engagement.

Vous êtes associé ou dirigeant d’une société en liquidation judiciaire. En cas d’assignation ou de défense contre Heineken devant le tribunal de commerce, joignez Maître Guillaume PIERRE.

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