Vous faites construire, vous payez votre prêt tous les mois, et là, catastrophe, votre constructeur dépose le bilan. Le chantier est à l'arrêt, plus personne ne répond, et vous, vous continuez à payer pour un projet qui n'aboutira peut-être jamais.

Heureusement, la loi pense à vous dans ce cas-là. Il y a l'article L. 313-44 du Code de la consommation. C'est un peu technique, mais ça peut vraiment vous sortir d'affaire. On vous explique tout simplement, parce que dans ces moments-là, on n'a pas envie de se prendre la tête avec des termes compliqués.

L'article L. 313-44 du Code de la consommation c'est quoi ?

Cet article permet au juge de bloquer temporairement votre prêt immobilier si votre construction a un gros problème. Et la faillite de votre constructeur, c'est un sacré problème !

Comment ça marche ?

Il y a quelques conditions pour que ça marche :

  • Vous devez avoir un prêt spécial pour des travaux (construction, agrandissement, rénovation).
  • Il doit y avoir un souci avec les travaux. La faillite du constructeur, c'est un souci !

Le rôle du tribunal qui prononce la suspension du prêt

Attention, vous ne pouvez pas arrêter de payer votre prêt comme ça. Ce serait trop simple ! C'est le juge qui doit dire si vous pouvez bloquer le prêt ou non.

La notion de "contestation ou accidents" est assez large. Ça peut être des malfaçons graves, un abandon de chantier, des retards importants... et bien sûr, la liquidation judiciaire du constructeur. Le juge va analyser votre situation et déterminer si elle justifie vraiment une suspension.

La mise en cause de votre banque

Autre chose importante : votre banque doit être au courant. Vous devez donc assigner votre banque devant le Tribunal pour obtenir la suspension du prêt.

Pourquoi ? Parce que si vous ne payez plus, ça la concerne directement. Elle ne touchera plus vos remboursements pendant un certain temps, ce qui ne l'arrange pas.

La faillite du constructeur : un gros problème

Revenons à la faillite. C'est quand une entreprise a tellement de dettes qu'elle ne peut plus payer. Le tribunal décide alors de la liquider, ce qui veut dire arrêter l'activité et vendre ce qu'elle possède pour rembourser les personnes à qui elle doit de l'argent.

La Liquidation Judiciaire du Constructeur : Un "Accident" Majeur

Parlons maintenant de la liquidation judiciaire en elle-même. C'est quoi exactement ? C'est la procédure qui intervient quand une entreprise est dans une situation financière tellement catastrophique qu'elle ne peut plus payer ses dettes. Le tribunal prononce alors la liquidation, ce qui signifie généralement l'arrêt de l'activité et la vente des actifs pour rembourser les créanciers.

Quel impact sur votre projet de construction ?

L'impact est immédiat et brutal. Le chantier s'arrête net. Les ouvriers ne viennent plus, les matériaux ne sont plus livrés, et vous vous retrouvez avec une maison à moitié construite. Dans certains cas, vous avez déjà payé des acomptes importants qui risquent de partir en fumée.

Vous vous dites sûrement : "Mais j'ai une garantie de livraison !" Oui, normalement, tout constructeur doit souscrire une garantie de livraison à achèvement (GLA) qui est censée prendre le relais en cas de défaillance. Mais entre le moment où le constructeur fait faillite et la mise en œuvre effective de cette garantie, il peut se passer pas mal de temps. Et pendant ce temps-là, vous continuez à payer votre prêt pour... rien.

Pourquoi la liquidation est-elle un motif légitime de suspension de paiement du prêt ?

C'est assez logique quand on y réfléchit. Vous avez souscrit un prêt pour financer la construction de votre maison. Si la maison n'est pas construite (ou ne le sera peut-être jamais), pourquoi devriez-vous continuer à rembourser le prêt ? Ça n'aurait aucun sens.

Le législateur a compris ça et a prévu cette possibilité de suspension du prêt pour rétablir un peu d'équilibre. Vous ne payez plus le prêt tant que la situation n'est pas clarifiée. Ça vous laisse le temps de voir comment les choses vont évoluer : est-ce que la garantie de livraison va jouer ? Est-ce qu'un autre constructeur va reprendre le chantier ? Est-ce que vous allez devoir tout annuler ?

Procédure et Démarches pour Demander la Suspension du Prêt

Bon, maintenant que vous comprenez le principe, comment on fait concrètement pour obtenir cette suspension ? Parce que c'est bien beau de savoir que ça existe, mais encore faut-il savoir comment s'y prendre.

1°) Saisir le tribunal compétent

Première étape : il faut saisir le tribunal judiciaire. C'est lui qui est compétent pour prendre cette décision de suspension. Vous ne pouvez pas simplement envoyer un courrier à votre banque en disant "je suspends mes paiements". Non, il faut passer par la case tribunal, avec une vraie procédure en bonne et due forme.

Généralement, c'est dans le cadre d'une action en justice plus large que vous allez demander cette suspension. Par exemple, si vous assignez le liquidateur judiciaire ou l'assureur de la garantie de livraison pour obtenir l'achèvement de votre maison, vous pouvez en même temps demander au juge de suspendre votre prêt en attendant l'issue du litige.

2°) Les preuves à apporter :

Le juge ne va pas vous croire sur parole. Il faut lui apporter des preuves solides de la situation. Ça inclut :

  • Le jugement de liquidation judiciaire du constructeur
  • Votre contrat de construction
  • Votre contrat de prêt
  • Des photos du chantier à l'arrêt et idéalement un PV de constat d’abandon du chantier dressé par un commissaire de justice
  • Tous les échanges que vous avez eus avec le constructeur, le liquidateur, la banque

Plus votre dossier est complet, plus vous avez de chances que le juge vous donne raison rapidement.

La présence indispensable d’un avocat

Ce n'est pas le genre de démarche qu'on peut faire seul dans son coin. Vous allez avoir besoin d'un avocat en droit bancaire, et si possible un qui s'y connaît en droit immobilier et en droit de la construction. Ces procédures sont techniques, avec des délais à respecter et des arguments juridiques précis à développer.

Un bon avocat va non seulement vous aider à monter votre dossier, mais aussi à anticiper les contre-arguments de la banque (qui ne va probablement pas être ravie de cette suspension) et à négocier éventuellement une solution amiable si c'est possible.

Oui, ça a un coût. Mais comparé aux sommes que vous risquez de perdre si vous continuez à payer votre prêt pour un projet qui n'aboutira peut-être jamais, c'est un investissement qui vaut largement le coup.

Les Conséquences de la Suspension du Contrat de Prêt

Admettons que le juge vous donne gain de cause et ordonne la suspension de votre prêt. Qu'est-ce que ça change concrètement pour vous ?

C'est l'effet principal et le plus visible : vous arrêtez de rembourser votre prêt. Plus de prélèvement mensuel, plus d'échéances qui viennent plomber votre budget. Ça vous permet de souffler un peu financièrement pendant cette période compliquée.

Attention toutefois : suspension ne veut pas dire annulation. Vous ne remboursez plus temporairement, mais la dette existe toujours.

En revanche, vous devrez continuer à régler les frais d’assurance du prêt suspendu.

Durée de la suspension : "jusqu'à la solution du litige"

La suspension dure "jusqu'à la solution du litige". Mais ça veut dire quoi exactement ? Ça peut être plusieurs choses :

  • Le chantier reprend avec un nouveau constructeur et se termine : là, vous recommencez à payer votre prêt normalement
  • La garantie de livraison joue et votre maison est finalement achevée : même chose, le prêt reprend
  • Vous arrivez à un accord transactionnel avec tous les intervenants (assureurs, banque, etc.) : le prêt peut être ajusté en fonction de l'accord

Dans le pire des cas, le projet est définitivement abandonné : là, il faudra voir avec la banque ce qui se passe (remboursement anticipé avec les indemnités d'assurance, renégociation, etc.)

En pratique, cette période de suspension peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années dans les cas les plus compliqués. C'est long, c'est stressant, mais au moins vous n'avez pas à payer pour rien pendant ce temps-là.

Que faire si votre constructeur est en liquidation judiciaire ?

Vous venez d'apprendre que votre constructeur est en liquidation judiciaire, ou vous sentez que ça sent mauvais (retards importants, chantier au ralenti, difficultés à joindre les interlocuteurs). Voici ce qu'il faut faire – et surtout, ce qu'il ne faut PAS faire.

1°) Ne pas cesser les paiements sans décision judiciaire

C'est la première tentation : "Je ne paie plus ma banque, ils n'ont qu'à se débrouiller !" Grosse erreur. Si vous arrêtez de payer votre prêt sans avoir obtenu une décision de justice, vous vous mettez en défaut de paiement. Ça va plomber votre dossier bancaire, votre cote de crédit, et votre banque pourrait vous réclamer le remboursement anticipé de la totalité du prêt avec des pénalités.

Tant que vous n'avez pas une décision du juge qui suspend officiellement le prêt, vous devez continuer à payer.

2°) Consulter un avocat pour suspendre votre prêt

On l'a déjà dit, mais on le répète : prenez rapidement rendez-vous avec un avocat spécialisé en droit bancaire. Plus vous attendez, plus la situation risque de se compliquer. Un avocat va pouvoir :

  • Analyser précisément votre situation et vos contrats
  • Vous dire si vous êtes éligible à la suspension du prêt
  • Vérifier que la garantie de livraison est bien en place et comment la déclencher
  • Vous représenter devant le tribunal pour obtenir la suspension de votre prêt

3°) Informer votre banque

Même si vous n'avez pas encore de décision de justice, prévenez votre banque de ce qui se passe. Envoyez-lui un courrier recommandé avec accusé de réception expliquant la situation : liquidation judiciaire du constructeur, chantier à l'arrêt, votre intention de demander la suspension du prêt.

Ça ne va pas résoudre le problème immédiatement, mais au moins vous aurez informé tous les acteurs. Certaines banques peuvent être compréhensives et accepter un aménagement temporaire de vos échéances en attendant la décision du juge. D'autres seront plus rigides. Dans tous les cas, gardez une trace écrite de tous vos échanges.

La distinction avec d'autres dispositifs de protection de l'emprunteur

L'article L. 313-44 n'est pas le seul outil de protection dont vous disposez. Il est important de comprendre les différences pour savoir comment articuler vos recours.

  • La garantie de livraison à achèvement (GLA) : C'est une assurance obligatoire que doit souscrire le constructeur. En cas de défaillance, elle est censée prendre le relais pour terminer votre maison. C'est votre première ligne de défense. La suspension du prêt via l'article L. 313-44 vient en complément pour vous éviter de payer pendant que la GLA se met en place.
  • L'article L. 313-40 du Code de la consommation : Celui-ci concerne plutôt l'annulation du contrat de vente ou de prestation de services quand le bien n'est pas livré. C'est différent de la suspension prévue à l'article L. 313-44. L'un annule rétroactivement, l'autre suspend temporairement.
  • Les recours contre le constructeur défaillant : Vous pouvez aussi engager la responsabilité du constructeur pour inexécution du contrat, obtenir des dommages et intérêts, etc. Mais si le constructeur est en liquidation judiciaire, il n'a généralement plus un sou. C'est pour ça qu'on se tourne vers les garanties et assurances.
  • L'assurance dommages-ouvrage : Attention, c'est différent ! L'assurance dommages-ouvrage couvre les malfaçons et désordres qui apparaissent après la réception des travaux. Elle ne joue pas en cas de non-achèvement du chantier.

Bref, vous avez potentiellement plusieurs recours à actionner en parallèle.

FAQ : Questions Fréquemment Posées

Puis-je arrêter de payer mon prêt si mon constructeur fait faillite ?

Non, pas comme ça, du jour au lendemain. Vous devez d'abord obtenir une décision de justice ordonnant la suspension du prêt sur la base de l'article L. 313-44. Si vous arrêtez de payer sans cette décision, vous vous mettez en défaut et vous risquez gros (fichage bancaire au FICP, déchéance du terme du prêt, etc.). Continuez à payer en attendant la décision du juge, même si c'est difficile.

Qu'est-ce que l'intervention du prêteur signifie ?

Ça signifie que votre banque va être partie à la procédure judiciaire. C'est nécessaire puisque la suspension du prêt la concerne directement. Elle va pouvoir présenter sa position. Mais sa présence ne vous empêche pas d'obtenir la suspension si votre situation le justifie.

Combien de temps dure la suspension du prêt ?

Ça dépend vraiment de votre situation. La loi dit "jusqu'à la solution du litige", ce qui est assez vague. Ça peut être quelques mois si la garantie de livraison se met en place rapidement et qu'un nouveau constructeur termine les travaux. Ça peut être un ou deux ans si c'est plus compliqué (contentieux avec l'assureur, recherche d'un nouveau constructeur, expertise contradictoire, etc.). Dans les cas les plus extrêmes, ça peut traîner encore plus longtemps. Le juge peut aussi fixer des étapes et prévoir des points réguliers pour voir où en est la situation.

Est-ce que je vais perdre les sommes déjà remboursées sur mon prêt ?

Non, les sommes que vous avez déjà remboursées ne sont pas perdues. Pendant la suspension, vous ne payez plus, mais la dette reste. Si le projet aboutit finalement (grâce à la garantie de livraison), vous reprenez le remboursement du prêt. Si le projet est abandonné, il faudra voir comment le prêt est apuré (avec les indemnités d'assurance normalement), mais les sommes déjà payées sont déjà payées – elles ont servi à rembourser une partie du capital emprunté.

Qui va payer les intérêts pendant la suspension ?

Pendant la suspension du prêt, les intérêts peuvent continuer à courir (sauf si le juge en décide autrement). Ça dépend de la décision du tribunal. Dans certains cas, le juge peut ordonner que les intérêts soient également suspendus. Dans d'autres cas, ils continuent à s'accumuler– ils seront réglés plus tard selon l'issue du litige. C'est un point à clarifier avec votre avocat et à surveiller dans la décision du juge.