Parmi les nombreuses mesures prises par le gouvernement pour aider les entreprises à faire face aux difficultés occasionnées par la crise sanitaire du coronavirus, deux ordonnances ont été adoptées le 25 mars 2020 en droit des structures, parfaitement complémentaires l’une de l’autre. L’une concerne l’adaptation des règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes et des autres documents et informations (Ordonnance n° 2020-318 du 25 mars 2020). L’autre portant adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé (Ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020).
Ces deux ordonnances fournissent respectivement des informations assez précises sur les structures concernées et sur l’étendu des mesures.
STRUCTURES CONCERNEES
Les structures concernées par les modifications des règles de tenue des assemblées générales sont :
• les sociétés civiles et commerciales ;
• les masses de porteurs de valeurs mobilières ou de titres financiers ;
• les groupements d’intérêt économique et les groupements européens d’intérêt économique ;
• les coopératives ;
• les mutuelles, unions de mutuelles et fédérations de mutuelles ;
• les sociétés d’assurance mutuelle et sociétés de groupe d’assurance mutuelle ;
• les instituts de prévoyance et sociétés de groupe assurantiel de protection sociale ;
• les caisses de crédit municipal et caisses de crédit agricole mutuel ;
• les fonds de dotation ;
• les associations et les fondations.
ETENDU DES MESURES
I/ Délais prorogés.
1. Arrêté des comptes annuels des sociétés anonymes à directoire et à conseil de surveillance :
L’article L. 225-68, alinéa 5, du code de commerce prévoit qu’après la clôture de chaque exercice et dans le délai fixé par décret en Conseil d’État – ce délai est de trois mois à compter de la clôture de l’exercice selon l’article R. 225-55 du même code – le directoire présente au conseil de surveillance, aux fins de vérification et de contrôle les document relatifs aux comptes annuels et le cas échéant les comptes consolidés, accompagnés du rapport de gestion et du rapport sur le gouvernement d’entreprise.
L’ordonnance du 25 mars 2020 permet de proroger de trois mois ce délai de trois mois. La plupart des sociétés clôturant leur compte au 31 décembre de l’année précédente, le délai de présentation des comptes au conseil de surveillance est le 31 mars. Il est ainsi reporté, pour les sociétés concernées, au 30 juin.
Il faut noter que cette disposition ne s’applique pas aux sociétés qui ont désigné un commissaire aux comptes lorsque celui-ci a émis son rapport sur les comptes avant le 12 mars 2020. Aussi cette disposition de l’ordonnance du 25 mars 2020 est applicable aux seules sociétés clôturant leurs comptes entre le 31 décembre 2019 et l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.
2. Établissement des comptes des sociétés commerciales en liquidation amiable :
Selon l’article Le L. 237-25 du code de commerce « le liquidateur, dans les trois mois de la clôture de chaque exercice, établit les comptes annuels au vu de l’inventaire qu’il a dressé des divers éléments de l’actif et du passif existant à cette date et un rapport écrit par lequel il rend compte des opérations de liquidation au cours de l’exercice écoulé ». Ce délai est prorogé de trois mois.
Cette disposition est applicable aux seules sociétés clôturant leurs comptes entre le 31 décembre 2019 et l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020.
3. Approbation des comptes de toutes les personnes morales de droit privé :
Cette disposition s’applique à toute personne morale quelle qu’en soit sa forme juridique ainsi qu’aux entités dépourvues de personnalité morale. Chaque année, l’assemblée générale doit être réunie dans un délai déterminé pour approuver les comptes et les documents qui y sont joints le cas échéant. Ces délais imposés par des textes législatifs ou réglementaires ou par les statuts, sont prorogés de trois mois.
Ces prorogations « ont pour but de prendre en compte la situation des sociétés et entités pour lesquelles les travaux d’établissement des comptes et/ou d’audit étaient en cours au moment de l’entrée en vigueur des mesures administratives et qui ne pourraient pas être achevés dans des délais compatibles avec la tenue de l’assemblée générale, dans la mesure où les documents comptables peuvent ne plus être accessibles. Ce faisant, ces mesures permettent le report de l’approbation des comptes par les actionnaires dès lors que le commissaire aux comptes a été empêché de mener à bien sa mission d’audit des comptes dans le contexte de l’épidémie ».
Néanmoins cette prorogation ne s’applique pas aux groupements ayant désigné un commissaire aux comptes lorsque celui-ci a émis son rapport sur les comptes avant le 12 mars 2020. Elle est applicable aux groupements clôturant leurs comptes entre le 30 septembre 2019 et l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
4. Établissement des documents prévisionnels :
L’article L. 232-2, alinéa 1er, du code de commerce impose aux sociétés commerciales de grande taille l’établissement de documents prévisionnels, en sus des documents comptables classiques (comptes de résultats). Précisément, dans les sociétés comptant 300 salariés ou plus ou dont le montant net du chiffre d’affaires est égal à 18 millions d’euros, le conseil d’administration, le directoire ou les gérants sont tenus d’établir une situation de l’actif réalisable et disponible et du passif exigible, un compte de résultat prévisionnel, un tableau de financement et un plan de financement prévisionnel. Les délais d’établissement de ces documents comptables sont précisés à l’article R. 232-3 du code de commerce : le plan de financement et le compte de résultat prévisionnels sont établis au plus tard à l’expiration du quatrième mois qui suit l’ouverture de l’exercice en cours ; le compte de résultat prévisionnel est, en outre, révisé dans les quatre mois qui suivent l’ouverture du second semestre de l’exercice.
L’ordonnance du 25 mars 2020 proroge de deux mois ce délai. Cette disposition est applicable aux documents relatifs aux comptes ou aux semestres clôturés entre le 30 novembre 2019 et l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
II/ Organisation et fonctionnement assouplis.
1. Pour les organes collégiaux d’administration, de surveillance ou de direction :
Le recours aux moyens de télécommunication de visioconférence et télécommunication est assoupli pour tous les organes, conseil d’administration, conseil de surveillance, comité de direction... Ce recours est autorisé sans qu’une clause des statuts ou du règlement intérieur soit nécessaire à cet effet ni ne puisse s’y opposer et pour tout type de décision, y compris celles relatives à l’arrêté ou à l’examen des comptes annuels.
Néanmoins les moyens techniques mis en œuvre pour assurer la tenue de la réunion doivent permettre l’identification des membres de ces organes et garantir leur participation effective. Ainsi il est nécessaire que « ces moyens transmettent au moins la voix des participants et satisfont à des caractéristiques techniques permettant la retransmission continue et simultanée des délibérations ».
Par ailleurs, l’ordonnance étend et assouplit le recours à la consultation écrite. Les clauses contraires des statuts ou du règlement intérieur s’opposant à ce mode de consultation sont neutralisées. Toutefois la consultation écrite ne doit pas faire l’impasse sur la collégialité des délibérations. Les membres de l’organe concerné doivent obligatoirement avoir disposé du temps nécessaire pour échanger leurs opinions.
2. Pour les assemblées générales :
• La convocation de l’assemblée :
Lorsqu’une structure est tenue de procéder à la convocation d’une assemblée d’actionnaires par voie postale, aucune nullité de l’assemblée n’est encourue du seul fait qu’une convocation n’a pas pu être réalisée par voie postale en raison de circonstances extérieures à la société.
Ce mode de fonctionnement étant généralement réservé aux sociétés cotées, et dans la mesure où l’ordonnance n’apporte pas de précision concernant les autres formes de structures, il serait prudent de considérer que ces dernières restent soumises aux règles habituelles
• L’information des membres de l’assemblée :
L’ordonnance étend et facilite, dans tous les groupements de droit privé, l’exercice dématérialisé du droit de communication dont les membres des assemblées jouissent préalablement aux réunions de ces dernières. L’ordonnance prévoit ainsi que « cette communication peut être valablement effectuée par message électronique, sous réserve que le membre indique dans sa demande l’adresse électronique à laquelle elle peut être faite ».
• La participation à l’assemblée :
L’ordonnance autorise la tenue des assemblées sans que leurs membres ni les autres personnes ayant le droit d’y assister n’assistent à la séance que ce soit physiquement ou par des moyens de visioconférence ou de télécommunication. L’assemblée aura alors lieu à huis clos.
« Cette mesure est nécessaire pour permettre aux assemblées de statuer sur les décisions relevant de leur compétence, dont certaines sont essentielles au fonctionnement des groupements, et dont l’ajournement pourrait avoir des conséquences significatives sur le financement de ces groupements, leurs membres et, dans le cas des sociétés cotées, les marchés financiers ».
Même si cette mesure est de nature à soustraire aux membres leurs droits de poser des questions orales ou de modifier les projets de résolutions en séance, elle n’a pas d’effet sur leurs autres droits tel que le droit de vote ou de poser des questions écrites et le droit de proposer l’inscription de points ou de projets à l’ordre du jour.
Le recours à la visioconférence et aux moyens de télécommunication est d’une part, autorisé pour les structures qui n’y avaient pas droit, telles les sociétés en nom collectif, et d’autre part assoupli pour les structures qui y sont autorisées. Ainsi, les conditions exigées pour le vote par visioconférence sont neutralisées notamment celle qui conditionne la validité du vote par l’existence d’une clause statutaire. En tout état de cause, il est important que la visioconférence soit de bonne qualité et en état de garantir l’intégrité des débats.
• La consultation écrite pour la prise de décision collective par les membres :
Cette possibilité est ouverte aux structures qui ne sont pas en principe autorisées à faire recours à ce mode alternatif de participation (telles que les SARL pour les approbations des comptes annuels. Pour les structures où ce mode alternatif de participation est déjà prévu par la loi, l’ordonnance la rend possible sans qu’une clause des statuts ou du contrat d’émission soit nécessaire à cet effet ou puisse s’y opposer.
Pour les structures ayant déjà procédé aux formalités de convocation avant la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance en vue d’une assemblée appelée à se tenir après cette date, ces formalités n’ont pas à être renouvelées et celles qui restent à accomplir doivent l’être. Si la structure décide de faire application de la possibilité de tenir une assemblée hors la présence de ses membres à la séance ou de l’un des modes alternatifs de participation dont le recours est assoupli par l’ordonnance elle doit en informer les associés, soit par voie de communiqué dans les sociétés cotées, soit par tous moyens permettant d’assurer l’information effective des membres dans les autres sociétés.
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