Par un arrêt du 24 janvier 2023, la chambre criminelle de la Cour de cassation est venue rappeler les limites admissibles de la liberté d'expression d'un opposant politique, dans le contexte d'une campagne électorale marquée par une polémique.

Au cours d'un reportage télévisé, traitant d'un projet de lotissement controversé, un membre d'une liste d'opposition, engagé contre le plan local d'urbanisme (PLU), avait observé que  l'adjoint au maire chargé de l'urbanisme, en fin de mandat, était propriétaire d'un logement situé dans la zone géographique concernée. 

Déjà évoquée par la presse locale, cette controverse amenait l'opposant politique à suggérer que l'élu de la municipalité ait pu penser à convaincre ses collègues de l'intérêt de ce projet, étant lui-même directement intéressé par l'opération d'urbanisation.

L'opposant politique a été cité par acte d'huissier devant le tribunal correctionnel pour des propos qualifiés de diffamatoires par l'adjoint à l'urbanisme. Suivant vicissitudes procédurales, l'opposant politique était finalement condamné pour diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public.

Pour entrer en voie de condamnation, la cour d'appel avait relevé le caractère diffamatoire des propos, en refusant à l'opposant politique le bénéfice de la bonne foi, dès lors qu'elle voyait dans ses propos une attaque personnelle, excessive, sans mesure ni prudence, ne reposant sur aucune base factuelle, faute pour l'intéressé d'avoir participé aux votes du projet débattu.

Au visa de l'article 10 de la Convention européenne, la Cour de cassation censure les juges du fond : le propos incriminé reposait sur une base factuelle suffisante dès lors que l'adjoint au maire était effectivement propriétaire d'une partie des terrains concernés par le projet de lotissement.

Il était donc légitime de s'interroger sur son implication dans ledit projet : l'opposant politique était resté dans les limites admissibles de la liberté d'expression, dans le contexte d'une campagne électorale marquée par une polémique concernant ce projet controversé.

Une telle solution s'accorde volontiers avec la jurisprudence de la Cour européenne qui juge avec constance que, lorsque les déclarations sont formulées au cours d’un débat politique animé au niveau local, les intéressés doivent jouir d’une grande liberté de critique, même en l’absence de base factuelle claire.

Le droit de la presse est une matière particulièrement technique, qui nécessite l’assistance d’un professionnel du droit aguerri, tant pour mener une action à son terme, que pour être défendu utilement en cas de poursuites.