Crim., 3 nov. 2020, n°19-81.627

Absence d’effet interruptif d’une plainte avec constitution de partie civile non signée

Aux termes de l’articles 65 de la loi du 29 juillet 1881, les infractions de presse (diffamations et injures, notamment) sont prescrites lorsque s’est écoulé un délai de plus de trois mois à compter du jour où elles ont été commises (ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite, s’il en a été fait).

Concrètement, cela veut dire que la personne qui s’estime victime d’une injure ou d’une diffamation doit engager les poursuites dans ce délai de trois mois, sauf à voir son action déclarée irrecevable en raison de l’acquisition de la prescription (laquelle ôte aux faits poursuivis tout caractère répréhensible).

En ce qu’elle constitue une exception péremptoire et d'ordre public, la prescription de l’action publique doit même être relevée d'office par le juge, à condition toutefois que les parties soient invitées à en débattre (v. par ex., Crim., 23 juin 2015, n°14-83.836, Publié au bulletin).

Elle peut être proposée à tous stade de la procédure, y compris même pour la première fois devant la Cour de cassation, sous la seule condition que cette Cour trouve dans les constatations des juges du fond les éléments nécessaires pour lui permettre d'en apprécier la valeur (v. par ex., Crim., 14 oct. 2014, n°13-84.635, Inédit).

Au cas de l’espèce, les propos poursuivis avaient été mis en ligne, le 27 juin 2015.

Une plainte avec constitution de partie civile a ultérieurement été déposée pour diffamation publique envers un particulier, le 17 septembre 2015 : c’est-à-dire valablement dans le délai de trois mois susvisé.

Néanmoins, aucune signature ne figurait sur cette plainte.

La chambre criminelle de la Cour de cassation affirme que cette plainte « imparfaite » n’interrompt pas valablement le cours de la prescription.

Le seul moyen de régulariser cette situation a posteriori aurait été que le versement de consignation prévu à l’article 88 du code de procédure pénale soit effectué dans le délai de trois mois, permettant ainsi à la partie plaignante de confirmer sa volonté de se constituer partie civile : ce qui ne fut pas le cas en l’espèce.

Pour conclure, il faut rappeler que lorsque la plainte est régulière et qu’il n’existe aucun problème de signature :  d'une part, son dépôt, à la suite duquel est valablement versée la consignation susvisée, interrompt la prescription de l'action publique ; d'autre part que cette prescription est suspendue de la date du dépôt de la plainte à celle du versement de la consignation dans le délai imparti (Crim., 30 mars 2016, n°15-81.606, Publié au bulletin).

La poursuite des infractions de presse est une matière particulièrement technique qui nécessite l'assistance d'un professionnel du droit aguerri pour mener l'action à son terme.

https://www.courdecassation.fr/decision/5fca2c3af58f461c14b50548