Crim., 3 nov. 2020, n°19-81.627

Conséquences de l’insertion d’un lien hypertexte renvoyant vers une publication diffamatoire

En droit pénal de la presse, le point de départ du délai de prescription de l’action publique doit être fixé à la date du premier acte de publication (L. 29 juill. 1881, art. 65) : cela veut dire que la personne qui s’estime victime d’une injure ou d’une diffamation doit engager les poursuites dans les trois mois qui suivent le propos litigieux, sauf à voir son action déclarée irrecevable en raison de l’acquisition de la prescription.

Par principe, le point de départ de la prescription est le jour de la publication du propos : lorsqu'il s'agit d'une publication nouvelle ou d'une réimpression, la prescription ne remonte pas au jour de la première publication, mais au jour de chacune de ces publications nouvelles (Crim., 8 janv. 1991, n°90-80.593).

Ces principes valent également pour ce qui concerne la diffusion d'une publication sur Internet : 

  • lorsque des poursuites pour diffamation et injures publiques sont engagées à raison de la diffusion sur le réseau internet, d'un message figurant sur un site, le point de départ du délai doit être fixé à la date du premier acte de publication – c’est-à-dire celle à laquelle le message a été mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs du réseau (Crim., 16 oct. 2001, n°00-85.728) ;
  • une nouvelle mise à disposition du public, d'un contenu précédemment mis en ligne sur un site internet dont le titulaire a volontairement réactivé ledit site sur le réseau internet, après l'avoir désactivé, constitue une nouvelle reproduction autonome (Crim., 7 févr. 2017, n°15-83.439).

Au cas de l’espèce, la Cour de cassation vient affirmer que l'insertion d'un lien hypertexte qui renvoie directement à un écrit qui a été précédemment mis en ligne par un tiers sur un site distinct, constitue une reproduction de ce texte, qui fait courir un nouveau délai de prescription – principe qu’elle avait déjà appliqué par le passé (v. égal., Crim., 2 nov. 2016, n°15-87.163).

Pour autant, l’insertion d’un lien hypertexte renvoyant vers un contenu diffamatoire ne suffit pas, à elle-seule, à caractériser un délit imputable à l’auteur de cette nouvelle publication : les juges doivent alors examiner le contexte extrinsèque, en recherchant notamment si l'auteur du lien a approuvé le contenu litigieux, l'a seulement repris ou s'est contenté de créer un lien, sans reprendre ni approuver ledit contenu, s'il savait ou était raisonnablement censé savoir que le contenu litigieux était diffamatoire et s'il a agi de bonne foi (v. égal., CEDH, 4 déc. 2018, n°11257/16, Magyar Jeti Zrt c/ Hongrie). 

La poursuite des infractions de presse est une matière particulièrement technique qui nécessite l'assistance d'un professionnel du droit aguerri, tant pour mener une action à son terme, que pour être défendu utilement.

https://www.courdecassation.fr/en/decision/5fca49320668fb1db7f7e919