L’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique « OHADA », créée par le traité de Port-Louis le 17 octobre 1993 (révisé au Québec le 17 octobre 2008) rassemble aujourd’hui, 25 ans après, 17 Etats de l’Afrique autour d’une harmonisation portant sur 10 Actes Uniformes, dont celui sur le droit de l’arbitrage.

 

L’Acte Uniforme initial sur l’Arbitrage du 11 juin 1999, contenait six chapitres : la composition de l’arbitrage, la Cour d’arbitrage, la sentence arbitrale, le recours contre la sentence arbitrale, la portée, la reconnaissance et exécution des sentences arbitrales et les clauses finales. Cet acte uniforme était également accompagné d’un règlement d’application de la cour commune de Justice et arbitrage rendant possible un arbitrage ad hoc et un arbitrage institutionnel devant la CCJA.

 

Le 23 novembre 2017, l’OHADA a révisé l’Acte Uniforme sur l’arbitrage, intégrant officiellement un nouveau chapitre sur la constitution de la Cour d’arbitrage. Cet Acte Uniforme s’applique à toutes les instances d’arbitrage dès lors que le siège du tribunal arbitral est situé dans un État partie au traité OHADA.

 

Le même 23 novembre, L’OHADA a consécutivement révisé le règlement d’arbitrage de la Cour commune de Justice et arbitrage. Il est applicable uniquement lorsque les parties ont choisi de régler leur litige sous l’administration de la CCJA ou lorsqu’une des parties réside ou a son lieu de résidence habituelle sur le territoire d'un ou de plusieurs États membres, ou lorsque le contrat est exécuté ou reste à exécuter, en tout ou en partie, sur le territoire d'un ou plusieurs États membres.

 

La grande innovation de ces réformes de l’arbitrage est assurément constituée par l’arbitrage des investissements visant à impliquer les États dans les procédures arbitrales issues des contrats d’investissements tels les contrats de partenariats public-privé.

 

Mais, cette évolution est-elle suffisante pour constituer une véritable révolution, au point de faire d’entraîner l’adhésion des investisseurs à y recourir le plus massivement possible dans les contrats d’investissements dans les pays-membres de l’espace OHADA ?

 

Pour y répondre, nous aurons, parfois, une approche comparative avec d’autres internationaux d’application comme le règlement d’arbitrage de chambre de Commerce internationale 2012, révisé en 2017 et en application depuis le 1er mars 2017.

 

Ainsi, nous nous attèlerons à démontrer que le nouvel arbitrage des investissements OHADA qui constitue une évolution du droit et de la pratique de l’arbitrage en Afrique (I) constitue en fait une révolution manquée aux plans conceptuel et processuel (II).

 

 

I – L’arbitrage OHADA des investissements : une évolution du droit et de la pratique professionnelle de l’arbitrage en Afrique

 

Les nouvelles règles constituent à la fois une évolution du droit (A) et de la pratique professionnelle (B).

 

A. L’évolution du droit de l’arbitrage par alignement sur les standards internationaux

 

1. L’application du principe de liberté contractuelle tout au long de l’arbitrage

 

1.1. Au stade de la convention d’arbitrage

 

Le principe de liberté contractuelle se manifeste ab initio par la « Convention d’arbitrage ».

Il peut être défini comme «un accord pour soumettre les différends actuels ou futurs à l’arbitrage. Ce concept générique comprend deux formes de base :

a) une clause dans un contrat, par lequel les parties à un contrat s'engagent à soumettre à l’arbitrage les différends qui peuvent surgir en ce qui concerne ce contrat (clause compromissoire) ; ou

b) un accord par lequel les parties à un différend, qui a déjà été soulevée, soumettent le différend à l’arbitrage (accord de soumission) »[1].

 

 

a. indépendance

 

La Convention d’arbitrage est indépendante du contrat principal «sa validité n’est pas affectée par la nullité du contrat, et il doit être interprété conformément à l’intention commune des parties, sans renvoi à une loi nationale» (art. 4 AUA)

Cela est conforme aux normes courantes de l’arbitrage international.

 

b. effets

 

Positivement, la Convention d’arbitrage détermine l’application des législations arbitrales et modalités d’application.

En ce qui concerne l’AUA il s’applique «lorsque le siège du tribunal arbitral est situé dans l’un des États membres» (art. 1 AUA)

La Convention d’arbitrage détermine aussi l’application (ou non) du règlement d’arbitrage de la CCJA, «  lorsqu'un différend d'ordre contractuel, en application d'une convention d'arbitrage, lui est soumis par toute partie à un contrat, soit que l'une des parties a son domicile ou sa résidence habituelle dans un des Etats Parties, soit que le contrat est exécuté ou à exécuter, en tout ou partie, sur le territoire d'un ou de plusieurs Etats Parties.» (art. 2 RACCJA)

En fait, l’AUA et le RACCJA sont d’application subsidiaire car dépendantes de la bonne volonté des parties au contrat. Ces dernières peuvent décider de constituer un tribunal étranger ou de ne pas se référer au RACCJA pour régler leur litige.

 

Négativement, la Convention d’arbitrage exclut la compétence des tribunaux et cours d’États pour connaître du litige jugé aux termes de l’arbitrage.

Deux situations sont prévues par l’article 12 de l’AUA :

  •   Lorsqu’un différend, pour lesquels un tribunal arbitral est saisi en vertu d’une convention d’arbitrage, est porté devant un état de la Cour, ce dernier doit, si une des parties le demande, déclarer incompétente ;
  •   Lorsque le tribunal arbitral n’est pas encore saisi, ou si aucune demande d’arbitrage n’a été déposée, la Cour de l’Etat doit également se déclarer incompétents, sauf si la Convention d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicables en l’espèce.

 

Négativement à nouveau, si une des parties refuse ou omet de participer à l’arbitrage, l’arbitrage se poursuit nonobstant ce refus ou un échec (art. 10 RACCJA / art. 6.8 RACCI)

 

 

1.2. Le principe de liberté contractuelle au stade de la révolution du litige

 

a. la reconnaissance d’une phase préalable de résolution avant l’arbitrage

 

Le nouvel Acte Uniforme offre aux parties le droit d'imposer une phase préliminaire de règlement du différend avant tout arbitrage. Dans ce cas, le tribunal arbitral a le pouvoir de vérifier l'effectivité de sa demande avant l’ouverture d’une procédure d’arbitrage. Il a également le pouvoir d'imposer l'achèvement de cette phase préliminaire (art. 8.1. AUA)

 

Cette phase préliminaire peut facilement être couverte par la « médiation ». La médiation OHADA qui « désigne tout processus (…) quelle que soit son appellation, dans lequel les parties demandent à un tiers de les aider à parvenir à un règlement amiable d'un litige, d'un rapport conflictuel ou d'un désaccord (ci-après le « différend ») découlant d'un rapport juridique, contractuel ou autre ou lié à un tel rapport, impliquant des personnes physiques ou morales, y compris des entités publiques ou des Etats » (art. 1 AUM)

 

La médiation est différente de la sentence d’accord-parties, qui se réfère au cas où un arbitre, au cours de la procédure arbitrale, tente de faciliter un règlement directement avec les parties.

 

b. la reconnaissance de la « sentence rendue par consentement des parties » et de la possibilité pour le Tribunal de statuer en « amiable compositeur »

 

La réforme offre aux parties la possibilité de demander au tribunal arbitral de constater ce règlement sous la forme d’une sentence arbitrale rendue par consentement des parties (art. 20 RACCJA)

Ici, la réforme de l’OHADA est beaucoup plus attractive pour les investisseurs que la celle de la CCI parce qu’elle ne dépend que du consentement des parties sans accord du tribunal arbitral.

En effet, dans les règles de la CCI, le règlement doit être enregistré sous la forme d’une sentence rendue par consentement des parties, s’il a été demandé par les parties et si le tribunal arbitral accepte de le faire« » (art. 33 RACCI)

 

Les parties peuvent également autoriser le tribunal arbitral de statuer en «qualité d’amiable compositeur» en faisant référence à l’équité (art. 15 AUA).

Cette possibilité est également admise dans le règelement CCI qui stipule que «le tribunal arbitral doit assumer les pouvoirs de l’amiable compositeur ou statuer ex aequo et bono que si les parties ont accepté de lui donner les pouvoirs» (art. 21 RACCI)

 

 

 

B. L’évolution de la Pratique de l’arbitrage

 

1. Une évolution de la pratique des rédacteurs des accords d’arbitrage

 

a. La détermination du support de la clause d’arbitrage

 

Il peut d’agir soit d’une clause compromissoire contenue soit dans un accord d’investissement international (convention passée entre un Etat importateur de capital et un investisseur étranger); soit dans le code des investissements ou un traité bilatéral ou multilatéral relatif aux investissements

 

b. La détermination du siège du Tribunal arbitral

 

Il s’agit d’un enjeu important dans la mesure où, de la détermination du siège de l’arbitrage dépend l’application de l’Acte uniforme sur l’arbitrage.

 

c. La détermination de l’institution en charge de l’administration des arbitrages d’investissements (recommandé) en lieu et place d’un arbitrage ad’hoc (non recommandé)

 

Le choix devra être porté en principe sur l’administration de l’arbitrage par la CCJA, lorsque l’une des parties a son domicile ou sa résidence dans un Etat-partie au Traité OHADA ou lorsque le contrat s’exécute dans un pays membre de l’OHADA.

 

Compte tenu des enjeux qui font l’objet d’accords d’investissements, nous ne saurions que trop déconseiller aux rédacteurs d’opter pour l’arbitrage des investissements ad’hoc.

 

d. La détermination de la « clause d’arrangement » ou phase préalable à l’arbitrage

 

L’attention des rédacteurs devra désormais être portée sur la « phase préalable à l’arbitrage » inclue dans le nouveau dispositif. Cette phase préalable, permettant une sortie de crise par médiation ou par transaction devra être favorisée.

A notre avis, une phase préalable d’une durée de 6 mois ne sera pas un luxe afin de permettre aux parties de trancher le litige par voie de négociation ou de médiation.

 

e. La détermination de « Tiers Funders »

 

Dans le cadre de l’arbitrage des investissements, les parties peuvent prévoir de recourir à des « Tiers Funders » qui fournissent les fonds pour poursuivre les arbitrages d’investissement en contrepartie d’une participation financière dans le résultat de l’affaire.

 

f. L’identification des protections accordées par les Etats ou les personnes publiques

 

Quelques-unes des protections les plus souvent sollicitées et sources de contentieux sont énumérées ci-après.

 

1°) la Protection contre l’expropriation : Cette garantie vise à protéger l’entreprise « contre toute mesure de nationalisation, d’expropriation ou de réquisition sur toute l’étendue du territoire national, sauf pour cause d’utilité publique, légalement prévue  (Article 4 du Code des investissements du Sénégal)

 

2°) le traitement juste et équitable (DONE) : il correspond au standard minimum de traitement des étrangers, concept ancien de droit international coutumier garantissant aux étrangers un système de justice juste et efficace (une conception récemment reprise par le CIRD, Loewen Group Inc. C. Etats-Unis, 26 juin 2003, § 125)

 

3°) le traitement national : c’est une des règles fondatrices de l'OMC qui se base sur le principe de l'égalité de traitement pour les étrangers et les nationaux. Il ne s’applique qu’une fois le bien ou le service admis sur le marché intérieur du pays. Les droits de douane ne constituant pas un obstacle.

 

4°) le traitement de la nation la plus favorisée (NPF) : Egalement issu des Accords de l’OMC, il interdit à ses pays membres, en principe, d’établir de discrimination entre leurs partenaires commerciaux de sorte que si l’un des Etats accorde à un autre une faveur spéciale (en abaissant, par exemple, le droit de douane perçu sur un de ses produits), il doit le faire pour tous les autres pays membres de l’OMC.

5°) la clause de la nation la plus favorisée est également un des principes fondamentaux du GATT (puis de l'OMC). Il repose sur l'égalité de traitement entre les pays membres de l'organisation : « Les pays ne peuvent pas, en principe, établir de discrimination entre leurs partenaires commerciaux ». Ainsi, si l’un des Etats accorde à quelqu’un une faveur spéciale (en abaissant, par exemple, le droit de douane perçu sur un de ses produits), il devra le faire pour tous les autres membres de l’OMC.

 

6°) la liberté de transférer les fonds consiste pour l’Etat d’accueil à accorder à l’investisseur la liberté de transférer (rapatrier), tout ou partie du capital investi et de son produit

 

A ce niveau, l’on en saurait que trop conseiller aux investisseurs de solliciter des Etats la renonciation au privilège d’inexécution contenu dans l’Acte Uniforme sur les Voies d’exécution en vertu duquel l’Etat et ses démembrements sont insaisissables (art. 30 AUPSRVE). Etant rappelé qu’il a été jugé que l’immunité d’exécution dont bénéficiait l’Etat en vertu de cet article était d’ordre public[2].

 

 

2. Une évolution dans la pratique des arbitres 

 

a. L’intégration de principes directeurs du procès

 

a. 1. L’égalité de traitement

 

Ce principe signifie que les parties sont considérées également et chaque partie doit être donné pleine possibilité de présenter ses arguments (art. 9 AUA).

Même si une partie est un étranger, si le tribunal arbitral est situé dans l’un des Etats de l’OHADA, ce principe garanti «l’égalité des armes» au cours de la procédure d’arbitrage.

Elle peut être rapprochée des interdictions faites aux arbitres de connaître des litiges impliquant leur pays d’origine, ou de rester indépendant et impartial aux parties (art. 7 AUA)

 

a.2. la célérité de la procédure

 

Plusieurs dispositions de l’AUA et règlement d’application de de la Cour commune de Justice et d’arbitrage sont faites pour accélérer la procédure afin de donner une « solution rapide » au litige au cours de l’arbitrage.

 

Certains de ceux qui peuvent être énumérés ci-après :

  •   Si la Convention d’arbitrage ne définit pas de limitation dans le temps, le mandat du tribunal arbitral ne peut dépasser six (06) mois à compter de la date à laquelle le dernier nommé arbitre a accepté sa nomination (art. 11 AUA) ;
  •   Là où il existe une Convention d’arbitrage, aucune juridiction de l’Etat n’est compétente (art. 12 AUA) et la décision de la juridiction de l’État sur sa compétence en l’espèce ne peut excéder quinze jours (art. 13 AUA) ;
  •   la standardisation d’un délai de trente (30) jours pour permettre à la Cour de désigner un arbitre en cas de carence des parties (art. 3 du RACCJA) ou pour l’intimé de répondre à la demande d’arbitrage (art. 6 RACCJA / art. 5 du RACCI) ou pour le demandeur qui souhaite répliquer à une demande reconventionnelle (art. 7 de la RACCJA / art. 5 RACCI) ;
  •   la tenue de la réunion de cadrage doit avoir lieu au plus tard que quarante-cinq (45) jours à compter de la date de réception du dossier (art. 15 RACCJA).

 

 

 

b. la surveillance du principe d’indépendance de la Cour commune de Justice et d’arbitrage du tribunal arbitral

 

La réforme permet une séparation claire entre la CCJA et le tribunal arbitral qu’il appartiendra désormais aux arbitres de surveiller afin de préserver le tribunal arbitral des soupçons de dépendance à l’égard du Centre.

 

En effet, la CCJA n’est pas une juridiction ; elle ne règle pas les litiges. Le rôle de la Cour est l’administration de la procédure arbitrale (article 1 RACCJA) qui consiste, notamment à :

  • Veiller à la constitution du tribunal arbitral, en cas de discordance des parties concernant la nomination des arbitres (Art. 3 RACCJA) ;
  • Statuer sur les pourvois relatifs aux exceptions de compétence soulevées par les juridictions nationale en application d’une clause compromissoire (art. 13 AUA) ;
  • Déterminer le siège de l’arbitrage si la Convention d’arbitrage ne le prévoit pas (art. 13 RACCJA) ;
  • Procéder à l’examen formel des projets des sentences (art. 23 RACCJA).

 

En revanche, le tribunal arbitral est la juridiction de jugement qui statue sur le litige et rend la sentence. Il est seul compétent pour statuer sur sa propre compétence, ainsi que sur toutes les questions concernant l’existence ou la validité de la Convention d’arbitrage (art. 13 AUA).

 

 

 

 

 

II – L’arbitrage des investissements OHADA, une révolution manquée aux plans conceptuels et processuels

 

L’introduction de l’arbitrage des investissements constitue une amorce de révolution qui se trouve au final manquée, au plan conceptuel, de par l’absence de réglementation conceptuelle du droit des investissements OHADA (A) et au plan processuel, de par l’absence des mesures de publicité dans les procédures d’arbitrage OHADA (B)

 

 

A. Une révolution manquée au plan conceptuel

 

L’article 3 de l’AUA stipule que : «arbitrage peut être fondée sur une convention d’arbitrage ou sur un instrument concernant un investissement, en particulier un code d’investissement ou d’un traité d’investissement bilatéral ou multilatéral."

 

Cependant l’AUA ne pose aucune définition des notions clés, procédant par des généralités qui rendent imprécis son champ d’application matériel (1) à défaut d’une absence de réglementation uniforme du droit des investissements (2).

 

 

1. l’imprécision du champ d’application matériel de l’arbitrage des investissements

 

a. La variété et la variabilité des notions d’investisseur et d’investissement dans les pays de l’espace OHADA

 

 

Nous savons que l’arbitrage des investissements confère au tribunal arbitral le pouvoir de juger le comportement de l'état d’accueil envers un investisseur étranger dans l’exercice de ses droits souverains prévus par la loi, un traité ou contrat, à la lumière de la coutume et des usages du droit commercial international[3].

 

Or, en l’absence de définition claire des notions « d’investisseur » et « d’investissement » par l’OHADA il convient de se reporter aux définitions hétérogènes données par les Etats-mêmes.

 

Les tableaux établis ci-après permettent de mettre en valeur cette hétérogénéité :

 

 

 

 

 

 

 

Sénégal

Côte d'Ivoire

INVESTISSEMENT

Capitaux employés par toute personne, physique ou morale, pour l’acquisition de biens mobiliers, matériels et immatériels et pour assurer le financement des frais de premier établissement ainsi que les besoins en fonds de roulement, indispensables à la création ou l’extension d’entreprises

les capitaux employés par toute personne, physique ou morale, pour l’acquisition de biens mobiliers, matériels et immatériels et pour assurer le financement des frais de premier établissement ; ainsi que les besoins en fonds de roulement, indispensables à la création ou à l’extension d’entreprises ;

INVESTISSEUR

Toute personne, physique ou morale, de nationalité sénégalaise ou non, réalisant dans les conditions définies dans le cadre du présent Code, des opérations d’investissement sur le territoire du Sénégal.

toute personne, physique ou morale, de nationalité ivoirienne ou non, réalisant dans les conditions définies dans le cadre du présent Code, des opérations d’investissement sur le territoire de la Côte d’Ivoire ;

 

 

 

 

RDC

INVESTISSEMENT

Investissement direct :
tout investissement relevant du champ d’application de la présente loi envisagé par une entreprise nouvelle ou existante visant à mettre en place une capacité nouvelle ou à accroître la capacité de production de biens ou de prestation de services, à élargir la gamme des produits fabriqués ou des services rendus, à accroître la productivité de l’entreprise ou à améliorer la qualité des biens ou des services.

Investissement étranger direct (I.E.D) :
 tout investissement dont la participation étrangère dans le capital social d’une entreprise dans laquelle l’investissement réalisé est au moins égale à 10 %.

INVESTISSEUR

Investisseur direct :
toute personne physique ou morale, publique ou privée effectuant un investissement direct en République Démocratique du Congo

Investisseur étranger direct :
toute personne physique n’ayant pas la nationalité congolaise ou ayant la nationalité congolaise et résidant à l’étranger et toute personne morale publique ou privée ayant son siège social en dehors du territoire congolais, et effectuant un investissement direct en République Démocratique du Congo

 

 

 

 

Niger

INVESTISSEMENT

Investissement
capital employé par toute personne physique ou morale, pour
l'acquisition de biens mobiliers, immobiliers, matériels et immatériels et pour assurer le
financement des frais de premier établissement, ainsi que le besoin en fonds de
roulement rendus nécessaires à l'occasion de la création d'entreprises nouvelles ou
d'opérations de modernisation

Investissement de capitaux provenant de l'étranger :
 les apports en capitaux, biens ou prestations provenant de l'étranger et donnant droit à des titres sociaux dans toute entreprise établie au Niger à condition que lesdits apports ne soient pas des placements en portefeuille. Les réinvestissements de bénéfices de l'entreprise qui auraient pu être exportés

Investissement productif:
tout investissement permettant l'exercice d'une activité, qu'elle soit: - de production ; - de conservation ; - de transformation d'une matière première, d'une matière d'œuvre ou de produits semi-finis en produits finis; - de prestations de services.

INVESTISSEUR

toute personne, physique ou morale, de nationalité nigérienne ou non, réalisant dans les conditions définies dans le cadre du présent Code, des opérations d'investissement sur le territoire du Niger

 

 

 

 

 

Ce bref aperçu appelle quelques observations :

  • Le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Niger ont opté pour une définition globale de l’investisseur sans discrimination à l’égard de l’étranger ;
  • Seuls le Sénégal et la Côte d’Ivoire ont envisagé la notion d’investissement de manière globale sans distinction des capitaux étrangers ;
  • La RDC a opté pour une distinction nette entre l’étranger (investisseur ou investissement) et le national en mettant l’accent sur le caractère « direct » de l’investissement ;
  • Si le Niger envisage également séparément l’investissement national et celui provenant de capitaux étrangers, il est le seul à définir explicitement l’investissement productif

 

On aboutit ainsi à une variété et variabilité des concepts très différents de la conception générale qui a prévalu dans la rédaction de l’AUA et du RACCJA.

 

b.. L’intérêt oublié de la définition d’une compétence matérielle exclusive de la CCJA sur les codes des investissements

 

L’article 3 de l’AUA prévoit que l’arbitrage des investissements s’applique à un instrument concernant les investissements comme "un code d’investissement ou d’un traité bilatéral ou multilatéral d’investissement » et l’article 3 du RACCJA dispose que : « la Cour peut également administrer des procédures arbitrales fondées sur un instrument relatif aux investissements, notamment un code des investissements ou un traité bilatéral ou multilatéral relatif aux investissements. (…) »

 

Or, « qui trop embrasse mal étreint », comme le dit l’adage.

 

En effet, face à la variété des traités bilatéraux et multilatéraux et la multiplicité des parties et des intérêts en présence, le règlement d’arbitrage de la CCJA aurait été plus efficace en circonscrivant sa compétence exclusive aux seuls Codes des investissements conclus dans l’espace OHADA.

 

D’une part, d’un point de vue pratique, la plupart des pays membres de l'OHADA ont déjà adopté des codes des investissements : Cameroun, Côte d’Ivoire, Comores, RDC, Niger, Sénégal, etc. Ces codes d’investissements accordent des allègements et garanties financières pendant de nombreuses années aux investisseurs étrangers.

Par exemple, le Code de Comores des investissements[4] adopté le 31/08/2007 offre notamment à l’investisseur étranger la garantie de transfert des capitaux et la garantie de transfert des rémunérations. Dans le même temps, les Comores sont parties à d’autres traités bilatéraux ou multinationaux prévoyant d’autres garanties substantielles et devant être soumis en cas de litige à d’autres centres d’arbitrages tels que le CIRDI.

 

D’autre part, d’un point de vue stratégique, cela aurait circonscrit la saisine, de la CCJA permettant le développement d’un contentieux spécialisé tout en évitant une concurrence peu opportune avec le CIRDI qui a développé en la matière une compétence reconnue et une jurisprudence foisonnante et source de droit international.

 

Enfin, d’un point de vue de la technique législative, la réforme aurait pu s’inspirer des principes OHADAC prévoyant une compétence spéciale pour la « juridiction caribéenne » (art.6 de la Loi modèle OHADAC relative au DIP : « ARTICLE 6 DOMAINE GÉNÉRAL DE LA JURIDICTION.1. Les tribunaux caribéens ont juridiction sur les procédures engagées en territoire caribéen entre Caribéens, entre étrangers et entre Caribéens et étrangers selon ce qui est établi par la présente loi et par les Traités et conventions internationaux auxquels la Caraïbe est partie. […]»)

 

Animé de cet élan, l’on pourrait réécrire l’article 2 du RACCJA comme suit :

 

Article 2Mission de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage

 2.1 (…) La Cour peut également est exclusivement compétente pour administrer des procédures arbitrales fondées sur un instrument relatif aux investissements, notamment un code des investissements conclu entre un Etat partie au présent Traité et un investisseur que ce dernier soit considéré comme national ou étranger en application de la législation nationale de l’Etat partie, y compris pour les engagements souscrits avant l’entrée en vigueur du présent règlement dès lors que la clause compromissoire n’a pas encore donné lieu à application par l’une ou l’autre des parties.  ou un traité bilatéral ou multilatéral relatif aux investissements.(…)

 

 

2. l’absence d’Acte uniforme relatif au droit des investissements et l’absence de prévisibilité d’une jurisprudence arbitrale des investissements

 

Le Traité OHADA ne considère pas le droit des investissements comme une matière relevant de son champ d’application matériel. Au demeurant, les investissements directs étrangers représentent une partie solide du produit intérieur brut dans les États de membres de certaines OHADA. Ainsi, selon la Banque mondiale en 2016[5], l’IDE a représenté les pourcentages suivants du PIB des États membres de ces l'OHADA :

 

Bénin

1,9 %

Cameroun

0,4 %

République centrafricaine

1,8 %

Tchad

5,8 %

Comores

1,3%

Congo, Rép. dém.

3,8%

Congo, Rep.

25,6%

Côte d’Ivoire

1,3%

La Guinée équatoriale

0,5%

Gabon

4,9%

La Guinée

18,4%

 

Pour sûr, les arbitres seraient plus confortables en s’appuyant sur un droit uniforme des investissements qu’en se référant au cas par cas, soit aux accords d’investissement, soit aux coutumes, soit aux définitions extérieures au droit OHADA.

De la même manière, ils ne peuvent pas s’appuyer sur la jurisprudence des tribunaux d’Etats en matière d’investissements dans le but de maintenir ou d’établir une jurisprudence stable et prévisible.

 

Il s’ensuit que les sentences résultant de l’arbitrage des investissements entre les différents pays membre du traité OHADA peuvent facilement être diverses, contradictoires, instables et imprévisibles.

 

Or, l’objectif de stabilité et de prévisibilité est bien l’un des piliers de l’arbitrage des investissements comme l’a souligné un auteur[6]: «bien que les arbitres désignés dans le cadre de traité relatif aux investissements ne sont pas officiellement liés par la jurisprudence de la même manière que les juges de Common Law, il existe de manière informelle, mais puissante, un système du précédent qui contraint les arbitres à tenir compte des sentences préalablement publiées et à stabiliser le droit des investissements internationaux. ».

 

 

 

B. Une révolution manquée au plan processuel, par l’absence d’aménagement de règles de publicité et de transparence pour l’arbitrage des investissements

 

Alors que les règles de transparence de l’arbitrage des investissements ont été adoptées par la CNUDCI pour l’arbitrage des investissements (1), la réforme OHADA en choisissant la confidentialité comme règle pour tous ses arbitrages, a véritablement handicapé la saisine de la CCJA en la matière (2).

 

1. les règles de transparence adoptée par la CNUDCI

 

Afin de protéger les investisseurs et dans le but d’informer le public et conformément à l’intérêt public du contentieux de l’investissement, la CNUDCI a édicté un règlement de transparence du 16 décembre 2013.

 

a. information du public au début de la procédure

 

La CNUDCI offre au public la possibilité d’être informé sur l’arbitrage des investissements dès le début la procédure.

Le référentiel de toutes les informations en vertu des règles de la CNUDCI est le Secrétaire général de l’ONU.

Au début et après avoir été informé par les parties, le référentiel met promptement à la disposition du public les renseignements concernant les noms des parties au différend, le secteur économique concerné et le traité en vertu duquel la demande est faite.

 

b. documents mis à la disposition du public

 

Selon les règles de la CNUDCI (art. 3), les documents suivants peuvent être communiqués au public : la notification d’arbitrage ; la réponse à la notification d’arbitrage ; l’instruction de la demande, la défense et des autres déclarations ou conclusions par écrit de l’autre partie au différend ;  un tableau qui répertorie tous les documents relatifs aux documents susmentionnés et les rapports d’experts et déclarations de témoins, si un tel tableau a été élaboré pour la procédure, mais pas les documents eux-mêmes ;  les observations écrites par la tierce partie (ou Parties au traité) et par des tiers, les transcriptions des audiences, lorsqu’ils existent ; les ordonnances, décisions et prix du tribunal arbitral.

 

c. la publicité des débats

 

L’article 6 du règlement de la CNUDCI prévoit que «audiences consacrées à la production d’éléments de preuve ou des arguments oraux (« auditions ») sont publiques».

Toutefois, comme indiqué supra l’article 7 précité énumère les exceptions à cette publicité par les renseignements confidentiels ou protégé ou encore l’intégrité de la procédure d’arbitrage

 

 

2. l’incompatibilité du principe de confidentialité de l’arbitrage édicté par la CCJA avec la procédure actuelle d’arbitrage des investissements

 

a. L’application inévitable du règlement de la CNUDCI aux règlements des arbitrages des investissements administrés par la CCJA

 

Le règlement de transparence s’applique :

 

- Soit à l’arbitrage entre investisseurs et États engagé conformément au Règlement d’arbitrage de la CNUDCI en vertu d’un traité prévoyant la protection des investissements ou des investisseurs (le “traité”)* conclu le 1er avril 2014 ou après cette date, à moins que les parties au traité n’en décident autrement ;

- Soit dans le cas d’arbitrages entre investisseurs et États engagés conformément au Règlement d’arbitrage de la CNUDCI en vertu d’un traité conclu avant le 1er  avril 2014, lorsque: a) Les parties à l’arbitrage (les “parties au litige”) conviennent de son application à l’arbitrage; ou b) Les parties au traité ou, dans le cas d’un traité multilatéral, l’État du demandeur et l’État défendeur sont convenus après le 1er  avril 2014 de son application.

A notre connaissance, aucun des pays de l’espace OHADA n’ayant émis de réserves à la Convention sur la Transparence, cette dernière de par sa portée générale, a vocation à s’appliquer à l’ensemble des pays de l’espace OHADA.

 

b. Le dispositif de confidentialité actuel

 

L’article 18 de l’AUA stipule que : « les délibérations du tribunal arbitral doivent être confidentielles » Ce principe est également repris par le RACCJA considérant cette confidentialité comme un avantage pour les parties à l’arbitrage.

En réalité, il n’y a aucune uniformité sur la portée du principe de la confidentialité de la demande entre les pays et institutions arbitrales internationales[7]. Ainsi, alors que certains pays ont opté pour la confidentialité légale qui peut être soit, une confidentialité explicite dans les audiences de la Cour et sur les sentences (Hong Kong et la Nouvelle-Zélande) soit, une confidentialité implicite (Angleterre et Singapour) ; d’autres pays n'imposent aucune obligation légale de confidentialité (par exemple, Suède et États-Unis.)

 

L'OHADA pour sa part, prévoit bien une confidentialité légale sans limiter sa portée, notamment en ce qui concerne l’arbitrage des investissements.

Il aurait été plus adéquat de prévoir une exception à ce principe de manière à inscrire la CCJA dans les nouveaux standards de l’arbitrage des investissements.

A défaut, les règles de conflits de lois prévues par le règlement de transparence CNUDCI trouveront ici application :

  • En cas de conflit entre le Règlement sur la transparence et le règlement d’arbitrage applicable, le Règlement sur la transparence prévaut (art. 1 du RTCNUDCI)
  • Dans le cas contraire, les parties pourront toujours opter pour l’application des règles de transparence.

 

c. Le relatif effet de la réforme OHADA sur la compétence du CIRDI pour les arbitrages relatifs aux investissements conclus dans l’espace OHADA

 

La faiblesse de la réforme, au regard notamment des règles de publicités qui prévalent aujourd’hui en matière d’arbitrage des investissements, laisse en réalité très peu de chances au centre d’arbitrage de la CCJA de devenir le référentiel pour les contentieux des investissements dans l’espace OHADA, contrairement au CIRDI.

 

c.1. Application du règlement de transparence de la CNUDCI au CIRDI

 

Le Règlement de la CNUDCI sur la transparence dans l'arbitrage entre investisseurs et États fondé sur des traités (Règlement de la CNUDCI sur la transparence) peut être appliqué à une affaire CIRDI en vertu d'un accord entre les États parties à un traité d'investissement ou d'un accord entre les parties au litige, et le CIRDI peut être désigné en qualité de dépositaire des documents concernant l'affaire[8].

 

c.2. Mécanismes de publicités propres au CIRDI

 

Le Centre a prévu un certain nombre de mécanismes de publicités qui lui sont propres que ce soit dans son Règlement administratif et financier ou dans la Convention CIRDI ou son Règlement d’arbitrage.

A ce titre, de façon non exhaustive, le CIRDI publie les informations relatives :

  • à l'enregistrement des requêtes d'arbitrage et de conciliation ;
  • aux demandes présentées dans le cadre des recours post-sentence ;
  • à certains autres documents avec le consentement des parties (les décisions du tribunal, les ordonnances de procédure, les conclusions des parties, les transcriptions et les procès-verbaux des audiences, etc.) (art. 22(2) du Règlement administratif et financier) ;
  • à la tenue des rôles des instances en ligne (« Procedural Details ») (art. 23 du Règlement administratif et financier) ;
  • aux sentences avec le consentement des parties et si les parties ne consentent pas à la publication de la sentence, des « extraits du raisonnement juridique adopté par le tribunal », dans les meilleurs délais après le prononcé de la sentence (art. 48(4) de la Convention CIRDI et article 48(4) du Règlement d'arbitrage).

______________________________________________

 

CONCLUSION

 

Si l’on doit saluer la mise en place de l’arbitrage des investissements dans l’espace OHADA, l’on ne peut que relever les insuffisances de son contenu.

 

De facto, la réforme qui constitue assurément une évolution du droit et de la pratique de l’arbitrage n’a pas suffisamment préparé le Centre d’arbitrage de la CCJA à devenir le référentiel des arbitrages issus des investissements dans l’espace OHADA voire dans l’espace subsaharien.

 

A l’heure de la mise en place de la zone de libre-échange continentale, de l’agenda 2063 de l’Union africaine, l’OHADA a l’opportunité de devenir par son centre, le référentiel africain de l’arbitrage. C’est pourquoi, l’on ne peut que souhaiter « une réforme de la réforme » plus ambitieuse.

 

Le projet « d’Acte Uniforme sur les contrats de partenariats public-privé » viendra peut-être donner un contenu au droit des investissements OHADA et compléter l’AUA ou le RACCJA.

 

En attendant, disons le tout de go, l’essentiel du contentieux de l’arbitrage des investissements dans l’espace OHADA continuera à être administré par le Centre International pour le règlement des différends investissements (CIRDI). D’autant que, la plupart des Codes d’investissements des pays membres de l’espace OHADA prévoient le recours au CIRDI dès lors que l’investisseur est étranger…

 


[1] Cours sur le règlement des différends, l’arbitrage Commercial International, Module 5.2. Arbitrage de la Convention, UNITED NATIONS CONFERENCE ON TRADE et investissements, New York et Genève 2005

 

[2] CA, Littoral, n° 120/REF, 18-9-2000 : CDC c/ Sté Fresh Food Cameroon, Ohadate J-07-72)

[3] http://internationalarbitrationlaw.com/about-Arbitration/international-disputes/Investment-Arbitration/

[4] http://www.Comores-commerce.org/politique-commerciale/textes-reglementaires/

[5] https://Data.worldbank.org/Indicator/BX.KLT.DINV.WD.gd.ZS

[6] Fordham International Law Journal, Volume 30, numéro 4 2006, Article 3, précédent et contrôle en matière d’arbitrage investissement traité, Tai-Heng Cheng

[7] Confidentialité dans l’arbitrage Commercial International : le substrat ou la poudre aux yeux ? Kluwer arbitrage Blog 21 février 2017 Milot Samuel (National Academy of Legal Studies and Research, Université de droit de NALSAR, Hyderabad)

 

[8] Ordonnance de procédure n° 2 dans BSG Resources Limited c. la République de Guinée (Affaire CIRDI n° ARB/14/22).