Par deux règlements communautaires du 2 octobre 2012, la Communauté Economique et Monétaire (CEMAC) de l’Afrique Centrale et l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale (UMAC) ont décidé de réglementer l’octroi de crédits en instituant une réglementation sur le taux effectif global (règlement numéro 01 portant diverses dispositions relatives au taux effectif global et à la publication des conditions de banque) et sur l’usure (règlement numéro 02 portant définition et répression de l’usure dans les états de la CEMAC).

Ces règlements communautaires sont d’importance, quand on sait, en France, le volume du contentieux généré sur le caractère erroné ou non du TEG et le délit d’usure.

Une étude comparative avec la réglementation française et la jurisprudence française, qui ont progressivement défini, à l’aune du code de la consommation (lequel n’existe pas dans les pays de la zone CEMAC), les contours de l’assiette du TEG et des sanctions civiles applicables, pourrait permettre aux acteurs des affaires de la zone CEMAC de comprendre et d’anticiper les futurs contentieux.

 

 

 

I. LA REGLEMENTATION DU TEG EN ZONE CEMAC (Règlement communautaire n° 01) ET EN DROIT FRANÇAIS

 

Le règlement communautaire n° 1 prévoit en ses titres deux et trois la détermination du taux effectif global (A) et les sanctions relatives aux TEG (B)

 

A. La détermination du taux effectif global

 

1. Le choix d’une seule méthode de calcul du TEG

 

Selon l’article 4 du règlement communautaire numéro 01 :

« Le taux effectif global de prêt ou de toute convention établissant un prêt d’argent, de quelque nature que ce soit, est un taux annuel, proportionnel au taux de la période calculée à terme échu. Il est exprimé en pourcentage, avec une exactitude des deux décimales.

Le taux effectif global s’obtient par l’application de la formule précisée en annexe du présent règlement.

Le calcul du taux effectif global est effectué avant la conclusion du contrat de prêt, en se plaçant dans l’hypothèse où le contrat reste valable pendant la durée convenue et pour le prêteur et l’emprunteur remplisse deux obligations respectives dans les délais et aux dates convenues. »

 

Selon l’article R313-1 du Code de la consommation française :

« (…)

II.- Pour les opérations de crédit destinées à financer les besoins d'une activité professionnelle ou destinées à des personnes morales de droit public ainsi que pour celles mentionnées à l'article L. 312-2, le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires. Le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur.

Le taux de période est calculé actuariellement, à partir d'une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur. Il assure, selon la méthode des intérêts composés, l'égalité entre, d'une part, les sommes prêtées et, d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur au titre de ce prêt, en capital, intérêts et frais divers, ces éléments étant, le cas échéant, estimés.

(…)

III.- Pour toutes les opérations de crédit autres que celles mentionnées au II, le taux effectif global est dénommé " taux annuel effectif global " et calculé à terme échu, exprimé pour cent unités monétaires, selon la méthode d'équivalence définie par la formule figurant en annexe au présent article. La durée de la période doit être expressément communiquée à l'emprunteur.

Le taux annuel effectif global est calculé actuariellement et assure, selon la méthode des intérêts composés, l'égalité entre, d'une part, les sommes prêtées et, d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur au titre de ce prêt pour le remboursement du capital et le paiement du coût total du crédit au sens du 5° de l'article L. 311-1, ces éléments étant, le cas échéant, estimés.

Les frais d'acte notarié établis en application du décret n° 78-262 du 8 mars 1978 portant fixation du tarif des notaires ne sont pas pris en compte pour le calcul de ce taux. »

 

En droit français, il existe donc deux calculs de TEG :

– un calcul selon la méthode du taux annuel proportionnel au taux de période pour les crédits professionnels et immobiliers ;

 

– un calcul selon la méthode d’équivalence pour les crédits à la consommation.

 

Par souci de simplification la zone CEMAC, quant à elle, retient une seule méthode de calcul, celle retenue en droit français pour les crédits professionnels et immobiliers.

 

AVANTAGE CEMAC : Une seule méthode de calcul du TEG

 

 

2. Une recherche de clarification de l’assiette du TEG

 

Dans un autre souci de simplification, le règlement communautaire CEMAC a pris le soin de prévoir, en son article 8, deux dispositions que l’on ne peut qu’approuver.

 

Cet article définit ainsi le taux de période : « Le taux de période est calculé actuariellement, à partir d’une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l’emprunteur. Il assure, selon la méthode des intérêts composés, l’égalité entre, d’une part, les sommes prêtées et d’autre part, la totalité des versements dus par l’emprunteur au titre de ce prêt, en capital, intérêts et frais divers, connue à la date de conclusion du prêt, y compris :

les commissions et rémunérations de toute nature payées ou dues à des intermédiaires intervenus dans l’octroi du prêt. Ces frais, commissions ou rémunérations sont inclus dans le calcul même lorsqu’ils correspondent à des débours réels ;

les primes d’assurance et les frais de constitution des garanties dont les prêts sont assortis. »

 

Cette définition reprend, en la complétant, la définition du droit français, tentant ainsi d’en améliorer les lacunes.

 

En effet, l’article L. 313-1 du Code de la consommation prévoit que :

 

« Dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.

[…] ».

 

La jurisprudence a précisé que cette définition inclut notamment :

- Les frais de notaire et d’inscription hypothécaire (Civ. 1ère, 30 mars 2005, pourvoi n° 02-11.171) ;

- Les frais de souscription de parts sociales (Civ. 1ère, 6 déc. 2007, pourvoi n° 05-17.842) ;

- Les frais payés à une société de cautionnement mutuel (Civ. 1ère, 9 déc. 2010, pourvoi n° 09-14977).

 

S’agissant des frais d’assurance, la jurisprudence française admet leur intégration dans le TEG lorsque l’assurance est érigée par la banque en condition sine qua none d’obtention du prêt.

 

Cette condition est généralement remplie pour l’assurance décès-invalidité, sauf si elle est expressément stipulée facultative dans l’acte de prêt.

 

En revanche, s’agissant de l’assurance incendie, la jurisprudence, après quelques hésitations, est désormais beaucoup plus exigeante et refuse quasi-systématiquement de l’inclure dans le calcul du TEG.

 

Qu’en sera-t-il en application du règlement CEMAC, qui inclut expressément dans le TEG les frais d’assurance ?

 

S’agit-il de l’assurance décès-invalidité ? De l’assurance incendie ? Des deux ?

 

 

Concernant le taux de période, le règlement communautaire est  plus appréciable que la définition qui en donnée dans le code de la consommation lequel prévoit, à propos des frais à prendre en compte pour sa détermination, que « ces éléments [sont], le cas échéant, estimés. »

 

Le règlement CEMAC, quant à lui, fait référence à la notion beaucoup plus précise de frais « connus à la date de conclusion du prêt ».

 

Une autre innovation, et ce n’est pas la moindre, est prévue au dernier alinéa de l’article 8 du règlement communautaire n° 01 en ces termes:

 

« Le ministre en charge des finances peut préciser par arrêté pris en application du présent règlement, après avis conforme de la BEAC, la liste des commissions et frais bancaires entrant dans le calcul du TEG. »

 

La possibilité est donc donnée aux différents ministres des finances des pays de la zone CEMAC de réglementer la liste de commissions et frais bancaires entrant dans le calcul TEG, de manière à prévenir les contentieux.

 

L’on ne saurait qu’exhorter ces ministres à saisir cette opportunité de manière coordonnée, afin d’éviter au sein de ces pays qui sont également parties au traité OHADA, que des frais retenus pour le calcul du TEG au Gabon par exemple ne le soient pas au Cameroun…

 

Enfin l’article 9 du règlement communautaire prévoit expressément que :

« ne sont pas pris en compte dans le calcul du taux effectif global d’un prêt, les impôts et taxes payées, ainsi que les frais suivants :

– les frais payables par l’emprunteur du fait de l’inexécution d’une quelconque de ses obligations figurant dans le contrat de prêt ;

– les faits de transferts de fonds, ainsi que les frais relatifs au maintien d’un compte destiné à recevoir les prélèvements effectués au titre de l’amortissement en principal du prêt, du règlement des intérêts et des autres charges, sous réserve que ces frais ne soient pas anormalement élevés. »

À ce niveau, si l’on ne peut que souscrire à l’exclusion des frais précités dans l’assiette du calcul du TEG, l’on peut tout aussi regretter que règlement communautaire ait créé une notion aux contours fort incertains tels que la notion de « frais anormalement élevés »

 

À partir de quel moment les frais pourront-ils être considérés comme anormalement élevés ? Quels critères retiendront les juges saisis d’une demande de réintégration de frais dans le calcul du TEG ? Devront-ils réintégrer uniquement la quote-part des frais anormalement élevés ?

 

Autant de questions qui permettent de craindre une résurgence du contentieux spécifique aux frais intégré dans le calcul du TEG.

 

AVANTAGE CEMAC : Une plus grande lisibilité des frais devant faire partie du TEG et une possibilité d’arrêter cette liste au niveau de chaque ministère de l’économie. Attention cependant à la notion de « frais anormalement élevés »

 

 

3. Détermination du calcul du TEG en fonction du type de crédit

 

Les articles 10 à 14 du règlement communautaire viennent préciser les méthodes de calcul du TEG.

 

Ainsi :

- dans le cas d’un prêt à taux fixe, le taux d’intérêt pour la détermination du TEG correspond au taux nominal fixé pour toute la durée du prêt (article 10) ;

- pour le prêt à taux variable, le TEG est calculé au moment de la conclusion du contrat en considérant que le taux et les perceptions diverses demeurent fixes jusqu’au terme du contrat de prêt ; le TEG est recalculé à chaque modification du taux ou du niveau des perceptions afférentes au prêt et notifié expressément à l’emprunteur (article 11).

 

Le règlement communautaire distingue également le calcul du TEG entre les découverts en compte (article 12), les opérations d’escompte (article 13), les prêts subordonnés à la constitution d’une épargne préalable (article 14).

 

Cette distinction similaire est également faite en Droit français mais de manière moins exhaustive[1].

 

En revanche, en Droit français, en cas de prêt à taux variable, seul le TEG pour la première année de remboursement doit être fournie à l’emprunteur (Civ. 1ère, 20 déc. 2007, n° 06-14.690).

 

L’exigence de communication annuelle du TEG prévue par le règlement CEMAC, en cas de prêt à taux variable, a l’avantage de garantir une meilleure information de l’emprunteur et aussi, de permettre à la banque de rectifier une éventuelle erreur dans son TEG, l’année suivante.

 

Cependant, reste en suspens la question des frais à intégrer dans le TEG communiqué chaque année. Tous les frais payés par l’emprunteur dès l’origine ? Ou uniquement les frais qui seront payés pendant l’année concernée ?

 

AVANTAGE CEMAC : Une meilleure information de l’emprunteur et possibilité pour la Banque de rectifier une erreur sur le TEG l’année suivante pour les prêts à taux variable.

 

4. L’institutionnalisation des autorités de contrôle des TEG au sein de la zone CEMAC

 

Le règlement communautaire prévoit que tout établissement de crédit détermine semestriellement un TEG moyen par catégories de crédit qu’il est tenu de déclarer ensuite au Conseil national du crédit.

 

Ledit Conseil, qui centralise dans chaque État les données et informations relatives au TEG, calcule et publie périodiquement (par semestre) au journal officiel de l’État ou dans un journal d’annonces légales, les TEG moyens nationaux par secteur et par catégorie de prêt.

 

Par comparaison, le Conseil national du crédit serait donc l’équivalent de la Banque de France. Cette dernière publie trimestriellement les seuils de l’usure.

 

Il convient de rappeler que tous les Conseils nationaux de crédit de chaque pays de la zone CEMAC travaillent en toute collaboration avec la BEAC qui assure la centralisation des données recueillies par les Conseils nationaux du crédit et calcule périodiquement (par semestre) les taux régionaux.

 

AVANTAGE DROIT FRANÇAIS : Une publication trimestrielle du taux de l’usure est préférable à une publication semestrielle pour rassurer les investisseurs étrangers.

 

 

 

 

B. Les sanctions relatives au TEG

 

1. La sanction pénale

 

Le règlement communautaire n° 1 qualifie d’infraction le manquement aux règles relatives au TEG.

 

L’article 17 punit d’une amende forfaitaire de 3 000 000 FCFA : « Toute infraction aux dispositions du présent Règlement concernant le calcul du TEG, l’information écrite y relative à porter à la connaissance de l’emprunteur par l’établissement assujetti, les déclarations au Conseil National du Crédit ».

 

La sanction peut être prononcée par le CNC ou l’autorité judiciaire (après avis du CNC).

 

En Droit français, ce n’est que l’absence du TEG et non le caractère erroné qui est puni d’une amende de 150.000 € (article L. 313-2 du Code de la consommation).

 

AVANTAGE DROIT FRANÇAIS : Seule l’absence de TEG et non son caractère erroné est pénalement réprimé

 

 

2. La sanction civile

 

Beaucoup plus intéressante pour l’emprunteur est la sanction civile.

 

Le double-régime de la prescription

 

Selon l’article 17 du règlement, les contestations sont portées sur requête écrite de l’emprunteur ou par le secrétaire générale de la COBAC dans un délai d’un an :

 

- à compter de la date du contrat en cas d’absence d’indication du TEG ;

- ou du jour où l’erreur a été révélée, en cas de TEG erroné.

 

L’on peut cependant s’interroger sur la prescription raccourcie s’agissant d’une action en nullité traditionnellement régie par la prescription quinquennale.

 

L’on peut aussi s’interroger sur le double régime de la prescription.

 

Il est évident qu’en cas d’absence de TEG, l’emprunteur peut en bones pater familias s’en apercevoir. A moins qu’il ne soit analphabète ou illettré (ce qui n’est pas forcément un cas d’école) ou qu’il ne sache pas identifier la mention du TEG.

 

Dans ce cas, les établissements de crédit auront tout intérêt à s’assurer, au-delà de la simple obligation d’information contractuelle, d’émettre un document spécifique certifiant que l’emprunteur a bien pris connaissance du TEG indiqué.

 

En ce qui concerne l’erreur du TEG, en optant pour le point de départ de la prescription à la date de révélation de l’erreur sur le TEG, le règlement communautaire entérine la solution de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation, plus favorable à l’emprunteur (Civ.1ère, 7 mars 2006, n° 04-10.876).

 

Toutefois, il aurait été encore plus simple d’adopter la solution française prévoyant un seul régime de prescription (quinquennale) applicable aux défauts/erreurs de TEG et de faire partir le délai de prescription à compter de la révélation de l’erreur ou de la date à laquelle l’emprunteur aurait pu se rendre compte de l’absence de TEG.

 

La sanction civile proprement dite

 

L’article 19 du règlement communautaire dispose que : « l’absence d’indication écrite du TEG ou l’indication d’un TEG erroné n’entraîne pas la nullité du contrat de prêt ou de la stipulation d’intérêt. Le taux d’intérêt légal est appliqué à compter de la date du prêt. »

 

Or, selon la jurisprudence française, la sanction civile du TEG est la nullité de la clause d’intérêt conventionnel et leur substitution du taux légal (Civ. 1ère, 21 janv. 1992, n° 90-18116 ; Civ. 2ème, 26 octobre 2004, pourvoi n° 02-17.781 ; Civ. 1ère, 5 juillet 2006, pourvoi n° 04-17.265 ; Civ. 1ère, 27 février 2007, pourvoi n° 04-20.779 ;  Civ. 1ère 13 mars 2007, pourvoi n° 05-20.111).

 

Partant, même sans retenir la nullité de la stipulation conventionnelle, le règlement CEMAC parvient à la même sanction : la substitution du taux légal au taux d’intérêt conventionnel !

 

AVANTAGES DROIT FRANÇAIS : Une meilleure protection de l’emprunteur par la prescription quinquennale et une meilleure protection du prêteur lorsque l’emprunteur est commerçant, le point de départ de la prescription partant toujours du jour de la signature du contrat

 

AVANTAGES CEMAC : Une meilleure protection du prêteur par une prescription beaucoup plus courte qu’en droit français ;Une meilleure  de l’emprunteur  car la sanction est toujours la substitution du taux légal alors qu’en France, pour les prêts immobiliers la déchéance du droit aux intérêts conventionnels peut être totale ou seulement partielle, dans la proportion fixée par le juge, art. L. 312-33 c. conso)

 

 

 

 

II. LA REGLEMENTATION DE L’USURE EN ZONE CEMAC (Règlement communautaire n° 2) ET LE DROIT FRANÇAIS

 

De manière fort logique, à la suite de l’adoption de la réglementation du TEG dans l’espace CEMAC, il a été adopté, le même jour, le règlement numéro 02 portant définition et répression de l’usure dans les pays de la zone CEMAC.

 

A. La définition de l’Usure

 

L’article 3 du règlement communautaire prévoit que : « constitue un prêt usuraire, tout prêt ou convention dissimulant un prêt d’argent consenti, en toute matière et par toute personne, à un taux effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de plus de 33 %, le taux effectif global moyen pratiqué au cours du semestre précédent par les établissements de crédit pour les opérations de même nature comportant des risques analogues. »

 

L’article 6 du règlement prévoit que : « les prêteurs doivent porter à la connaissance des emprunteurs, les seuils des taux d’intérêt maximum correspondant aux prêts qu’ils leur proposent. »

 

L’article 7 du même règlement disposent que : « le taux effectif global de chaque prêt est librement débattu entre l’emprunteur et le prêteur sous réserve de respecter le plafond fixé conformément à l’article 3 ci-dessus. Il doit être écrit. »

 

En Droit français, l’article L. 313-3 du Code de la consommation (repris à l’article L. 313-5-1 du Code Monétaire et financier pour les découverts en compte prévoit que : « Constitue un prêt usuraire tout prêt conventionnel consenti à un taux effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de plus du tiers, le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit et les sociétés de financement pour des opérations de même nature comportant des risques analogues, telles que définies par l'autorité administrative après avis du Comité consultatif du secteur financier.(…) »

 

Alors qu’en Droit français, on a recours à la notion de : « plus du tiers » pour déterminer le seuil de l’usure, le droit communautaire CEMAC retient la notion de « plus de 33 % » ce qui revient au final à la notion de plus du tiers par un simple calcul mathématique : 100/3 = 33,33.

 

La réglementation communautaire a sans doute voulu qualifier le délit d’usure de manière chiffrée dans un souci de clarté, sans se démarquer en réalité la définition française.

 

Plus discutable, en revanche, est la libre discussion instaurée sur le TEG entre l’emprunteur et le prêteur.

 

L’on sait que concrètement, seul l’établissement de crédit détient les outils pour apprécier le calcul du TEG. L’on voit mal comment un emprunteur, qui peut être un particulier, pourrait (librement) débattre de la détermination du TEG.

 

En revanche, un emprunteur de mauvaise foi pourrait tout à fait reprocher à son banquier un taux qui lui aurait été imposé sans débat préalable ou sans débat « libre », ce qui est très souvent le cas en pratique.

 

Il y a tout lieu de considérer que le règlement communautaire a créé une nouvelle obligation en droit bancaire à la charge du banquier qui est celle de débattre sur le TEG.

 

AVANTAGE DROIT FRANÇAIS : La libre discussion du TEG instaurée dans la zone CEMAC nous paraît sujette à contentieux.

 

 

B. Les sanctions de l’Usure

 

1. La sanction pénale

 

L’article 9 du règlement numéro 02 prévoit que : « Quiconque aura consenti à autrui un prêt usuraire ou apporté sciemment, à quelque titre et de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, son concours à l’obtention ou à l’octroi d’un prêt usuraire, est puni d’une peine d’emprisonnement de un à six mois et d’une amende forfaitaire de 3 000 000 de franc CFA.

En cas de récidive, la peine d’emprisonnement est de six mois à un an et l’amende forfaitaire est doublée. »

 

Il s’agit donc d’une peine principale lourde.

 

Une peine complémentaire est ensuite prévue à l’article 10 qui poursuit en ces termes: « (…) le tribunal peut ordonner la fermeture provisoire de l’entreprise, disposant de la personnalité morale ou non, qui s’est livrée ou dont les dirigeants se sont livrés à des opérations usuraires, assorties de la nomination d’un administrateur ou d’un liquidateur. »

 

Surtout, l’article 11 étend les sanctions aux dirigeants des personnes morales reconnues coupables d’usure en disposant que : « sont passibles des peines visées à l’article 9 ci-dessus et éventuellement des mesures fixées à l’article 10 du présent règlement, ceux qui, chargés à un titre quelconque de la direction ou de l’administration d’une entreprise, société, association, coopérative ou autre personne morale, laissent sciemment toute personne soumise à leur autorité ou à leur contrôle contrevenir aux dispositions du présent règlement relatives à l’interdiction des prêts usuraires. »

 

Il faudra cependant, en ce qui les concerne, établir l’élément intentionnel spécial[2] de ces dirigeants, pour engager leur responsabilité.

 

En droit français l’article L. 313-5 du Code de la consommation prévoit que : « Quiconque consent à autrui un prêt usuraire ou apporte sciemment à quelque titre et de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, son concours à l'obtention ou à l'octroi d'un prêt usuraire ou d'un prêt qui deviendrait usuraire au sens de l'article L. 313-3 du fait de son concours est puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 300 000 euros.

En outre, le tribunal peut ordonner :

1° La publication intégrale, ou par extraits, de sa décision, aux frais du condamné, dans les journaux qu'il désigne, ainsi que l'affichage de cette décision dans les conditions prévues à l'article 131-35 du code pénal ;

2° La fermeture, provisoire ou définitive, de l'entreprise dont l'une des personnes chargées de l'administration ou de la direction est condamnée en application de l'alinéa premier du présent article, assortie éventuellement de la nomination d'un administrateur ou d'un liquidateur ;

3° L'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-27 du code pénal, soit d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, soit d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. Ces interdictions d'exercice ne peuvent excéder une durée de cinq ans. Elles peuvent être prononcées cumulativement.

En cas de fermeture, le tribunal fixe la durée pendant laquelle le délinquant ou l'entreprise doit continuer à payer à son personnel les salaires, indemnités et rémunérations de toute nature auxquels celui-ci avait droit jusqu'alors ; cette durée ne saurait excéder trois mois.

La prescription de l'action publique en ce qui concerne le délit visé au premier alinéa ci-dessus court à compter du jour de la dernière perception, soit d'intérêt, soit de capital. »

 

Le droit français prévoit donc des peines complémentaires plus importantes que le droit communautaire CEMAC qui ne prévoit que la fermeture provisoire de l’entreprise.

 

Cette précaution peut s’expliquer par la volonté des pays de la zone CEMAC de créer un environnement plus favorable aux établissements de crédit, alors qu’en Europe, l’explosion de la bulle financière a conduit à une répression accrue des pratiques bancaires abusives.

 

AVANTAGE CEMAC : Une répression moins accrue du délit d’usure

 

2. La sanction civile

 

L’article 12 du règlement prévoit qu’en cas de prêt usuraire, « les perceptions excessives sont imputées de plein droit sur les intérêts normaux échus et, pour le surplus, s’il y a lieu, sur le capital de la créance. Si la créance est éteinte en capital et intérêts, les sommes indûment perçues seront restituées avec intérêts légaux calculés au jour où elles auront été payées. »

 

En Droit français, l’article L.313-4 du Code de la consommation prévoit, de la même manière que : « Lorsqu'un prêt conventionnel est usuraire, les perceptions excessives au regard des articles L. 313-1 à L. 313-3 sont imputées de plein droit sur les intérêts normaux alors échus et subsidiairement sur le capital de la créance.

Si la créance est éteinte en capital et intérêts, les sommes indûment perçues doivent être restituées avec intérêts légaux du jour où elles auront été payées. »

 

Il n’y a ici point d’innovation en la matière.

 

Il ne nous reste plus qu’à envisager la question de la prescription du délit d’usure.

 

L’article 13 du règlement n° 2 indique que le délai de prescription court « à compter du jour de la dernière perception, soit d’intérêts, soit de capital, ou de la dernière remise de la chose se rattachant à l’opération usuraire. »

 

Cependant, il ne définit pas le délai de prescription délictuelle.

 

Il laisse ainsi à chaque Etat membre de la CEMAC le soin d’appliquer son droit de procédure pénale et les règles de prescription délictuelle[3].

 

Une telle solution ne milite pas en faveur d’une intégration régionale et pourrait même être source de difficultés.

 

Il aurait peut-être fallu prévoir avec ce règlement communautaire, un délai de prescription commun pour ce délit, aux fins d’harmonisation. Délai de prescription qui serait ensuite repris et intégré par chaque pays dans sa législation interne.

 

AVANTAGE DROIT FRANÇAIS : Une plus grande lisibilité sur la prescription du délit d’usure

 

CONCLUSION

 

La réglementation de la zone CEMAC ne peut qu’être saluée dans un contexte de globalisation et de développement des économies de l’Afrique centrale.

 

Si l’on approuve dans la majorité les règlements communautaires, on peut cependant leur formuler les griefs suivants :

 

– la publication semestrielle des TEG par les CNC et la BEAC ;

– le double régime de prescription civile pour le TEG erroné et l’absence de TEG ;

– l’absence de réglementation communautaire sur la prescription délictuelle en matière de délit d’usure qui mériterait d’être harmonisé.

 

Il s’agit malgré tout d’une avancée considérable qui a pris le pas de la jurisprudence française en la matière, afin de prévenir au maximum les contentieux en matière de contestation de crédit et notamment des taux d’intérêt ; Contentieux technique qui, malgré tout, ne manquera pas de faire parler de lui devant les juridictions de la zone CEMAC.

 


[1] Article L. 313-1 du Code de la consommation

[2] Dol spécial

[3] Conformément au principe de légalité des délits et des peines et celui de la constitutionnalité de la loi pénale