Le 1er Conseil de modernisation des politiques publiques, publié le 12 décembre dernier sucite des interrogations.

Le Conseil propose un "examen de la possibilité de déjudiciariser le divorce par consentement mutuel, qui pourra être réalisé devant les notaires lorsque l'ensemble des conditions du divorce fait l'objet d'un accord entre les époux".

Le rapport précise toutefois qu' "en cas de litige, le recours au juge sera toujours possible " et que "dans tous les cas, les époux pourront toujours recourir aux services d'un avocat".

Comme si des valeurs comme la liberté ou la famille pouvaient être ramenée à un débat corporatiste et à des valeurs matérielles désincarnées...

L'esprit doit vivifier le droit, mais l'esprit de ceux qui l'on construit jusqu'à ce jour!

Le dernier ouvrage de Droit de la Famille écrit dans la collection DALLOZ ACTION sous la direction de Monsieur Pierre MURAT cite dans une introduction magnifique une pensée du doyen Jean CARBONIER "sur l'océan tumultueux des familles, vous avez jeté la nappe lumineuse et pacifiante du droit".

Le nouveau divorce par consentement mutuel n'a pas eu le temps de se mettre en place que l'on songe déjà à supprimer le passage devant un magistrat...

Cette procédure avait atteint un bel équilibre: un avocat se penchait sur les aspects familliaux et patrimoniaux, un notaire vendait ou rédigeait des conventions avec l'aide des parties et de leurs conseils lesquels portaient le fruit de ce travail à un juge pour lui proposer de défaire le lien du mariage.

Les notaires n'ont pas encore pris la mesure de l'obligation de liquider les successions dans les délais légaux que l'on suggère de leur confier l'ensemble du divorce.

Plusieurs idées me viennent:

Il faut savoir qu'un divorce par consentement mutuel qui dégénère est la pire des complexités et des sources de responsabilités, y compris pour les notaires...

Tout un chacun n'a pas les moyens de divorcer à l'amiable dans un salon feutré...

La passerelle vers un divorce par consentement mutuel est parfois le fruit de concertations en présence ou non des conseils.

Sans parler de la sacralité et de la solenité qui doit procéder au dénouement d'une union qui a choisit d'être consacrée par la loi, le juge, techniquement, est de mon point de vue le meilleur des censeurs des reins et des coeurs et le plus apte a apprécier les techniques liquidatives mises en oeuvre... Il faut rappeller que les conventions soumises ne sont pas toujours homologuées...

Les justiciables qui voudront divorcer à "l'économie" seront-ils apte à faire avancer une procédure devant l'inertie d'un seul interlocuteur, hors du contrôle d'un magistrat?

Plusieurs questions également:

Le divorce est-il "banalisé" à ce point que le recours à un juge pour le défaire pourrait dans l'esprit du législateur devenir un choix "par défaut"?...

Comme la liberté devient l'exception du droit pénal avec les peines planchers et doit être "par défaut" spécialement motivée, le divorce se passera-t-il du contrôle judiciaire de "la volonté libre et éclairée des époux", ce contrôle n'intervenant que "par défaut"?

Quels chemins notre magnifique droit civil est-il en train de prendre?

C'est à se demander s'il existe encore des écoles de droit dans notre pays, si des juristes boivent encore le même lait sur les bancs de la faculté avant de devenir, légistes, conseils ou magistrats...

C'est à se demander si les juristes ne sont pas consultés "par défaut" et si les valeurs pour lesquelles certains de nos pères sont morts ou pour lesquelles nous combatons parfois ne sont pas en train de devenir des pièces de musée?

Si l'on peut être mis en cause devant un Tribunal de police sous la foi d'un radar sans même avoir la photo de soi pour prouver l'accusation, alors pourquoi ne pas se faire divorcer par une borne internet?

Il faut arrêter ce délire scientiste!

Mon Maître, le regretté Professeur Jean - Louis BISMUTH disait: "la lettre serait morte si elle n'était pas vivifiée par l'esprit".

La liberté doit rester le principe: ceux qui choisissent de s'unir par le mariage doivent savoir que leur divorce sera contrôlé par un magistrat professionnel qui représente à lui seul, par sa robe, l'institution judiciaire toute entière!

Après tout, ceux qui souhaitent vivre en couple ont un large choix pour donner une forme jurdique à leur famille.

L'esprit du divorce est un construit.

Il est très dangereux de mettre des bombes dans les édifices, ces construits fussent-ils juridiques ou symboliques.

Le droit n'est qu'une fiction figée qui aurra toujours un décalage avec la pratique...

Le "reality droit" est un danger.

La justice ne doit pas être sommaire, elle doit être lente, lumineuse, pacificatrice et protectrice de nos idéaux.

Ne faisons pas l'économie de nos valeurs ou nous deviendrons pires que ceux que nous combatons!

Le principe qui consiste à mettre ces valeurs acquises comme un référentiel "par défaut" est dangereux.

La mélodie juridique qui souffle ces temps ci ne m'est pas toujours agréable:

Ami entends - tu...?