La cour de cassation, première chambre civile, sanctionne des avocats pour démarchage sur internet à la demande d'une association de consommateurs par une décision du 30 septembre 2008 (N° de pourvoi: 06-21400).

La première Chambre avait déjà statué sur la question au moment de la cathastrophe qui avait touché l'usine AZF.

Pour l'exercice, il sera prposé une analyse des deux décisions.

Des avocats ont créé un site internet dédié à une de leur spécialité aprés avoir déclaré leur site à l'ordre qui a pris une délibération pour dire que cette activité relève de leur responsabilité.

Ce site propose des informations ainsi que la possibilité pour les particuliers de participer à des actions collectives ou pour des avocats de trouver support et assistance dans ce type d'action.

Le site prévoit un mécanisme de paiement en ligne.

Plusieurs associations de consommateurs, imputant à la société un acte de démarchage et des mentions publicitaires de nature à induire en erreur ainsi que la stipulation, dans les conditions générales, de clauses abusives, ont introduit une instance, aux fins de faire cesser ces agissements ou supprimer lesdites clauses.

Le Tribunal de Grande Instance a fait droit à la demande des associations de consommateurs.

La Cour d'Appel de Paris a confirmé par une décision du 17 octobre 2006.

La cour de cassation rejette le pourvoi et confirme les décisions antérieures, pour ce faire elle raisonnera en deux temps: Tout d'abord elle estimera avec la Cour d'Appel qu'il résulte des dispositions combinées des articles 66-4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 1er du décret n° 72-785 du 25 août 1972 modifié qu'est prohibé tout démarchage en matière juridique, qu'il s'agisse de l'activité de conseil hors contentieux ou de celle d'assistance et de représentation en justice; dans un second temps et sur les bases du postulat qui précède, la Cours de Cassation a estimé que la Cour d'Appel avait caractérisé le démarchage en tous ses éléments constitutifs et donc justifié sa décision.

L'arrêt commenté semble limpide dans le message qu'il porte: le démarchage y compris sur internet est interdit aux avocats qui offrent des services spécialisés.

Cette décision possède l'autorité d'un arrêt de rejet rendu par la première chambre civile.

Sa portée me semble aller bien au delà de la sanction d'une activité de démarchage strictement délimitée, l'offre de service d'avocats présents sur internet invitant donc implicitement les justiciables à se signaler pour bien cerner leur problèmatiques et y répondre est désormais dans la ligne de mire des justiciers du cyberespace.

A fortiori, les forbans intergalactiques qui opérent dans les coins sombres, entre les lignes des décrets, ceux qui, non avocats, offrent conseils et astruces "gratuites" au justiciables sont concernés par les décisions commentées.

Le Démarchage sanctionné plus rigoureusement par la Cour de Cassation en ce qui concerne l'offre de services juridiques sur internet

Une définition posée d'abord avec une "main de fer dans un gan de velour".

La première Chambre Civile sous la présidence de Monsieur ANCEL avait rendu une décision remarquable le 21 juin 2005 (N° de pourvoi: 03-13633)

Cette affaire venait alors que l'Association d'aide aux victimes d'accidents corporels (AAVAC) avait ouvert un site internet à l'intention des victimes de la catastrophe survenue en septembre 2001 au sein des établissements AZF.

C'est l'Ordre des Avocats du Barreau de Toulouse, estimant que l'offre d'une assistance juridique figurant sur ce site, ainsi que les publicités par voie de tracts et d'articles de presse révélaient que l'AAVAC se livrait à des actes de démarchage en vue de donner des consultations juridiques ou de rédiger des actes, qui avait engagé une action en référé, à laquelle l'UJA et l'ACE sont intervenues volontairement, afin qu'il soit ordonné à l'association de cesser ces pratiques.

La première chambre civile avait donné une définition très rigoureuse du démarchage:

Elle estimait en effet "que le démarchage juridique est défini comme le fait d'offrir ses services en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique ou de provoquer la souscription d'un contrat aux mêmes fins, en se rendant personnellement ou en envoyant un mandataire soit au domicile ou à la résidence d'une personne, soit sur les lieux de travail, de repos, de traitement ou dans un lieux public".

Elle indiquait relativement à internet dans le point N°5 du premier attendu du second moyen, "qu'en qualifiant d'acte de démarchage la simple offre de services faite sur un site internet, la cour d'appel a violé les articles 1er du décret du 25 août 1972, 809 du nouveau Code de procédure civile et 66-4 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée".

Mais la Cour de cassation avait finalement sanctionné l'Association de Consommateurs en s'appuyant sur une lecture des faits "ayant constaté que, sur son site internet, l'AAVAC proposait à ses adhérents d'étudier leurs dossiers d'indemnisation, de se prononcer sur les offres transactionnelles faites par les assureurs, de négocier des réparations et de les conseiller sur les voies de recours envisageables, la cour d'appel a caractérisé une situation manifestement illicite de démarchage en vue de donner des consultations juridiques ou de rédiger des actes en matière juridique".

Il était autorisé de penser que la simple offre de services sur internet était licite.

La simple "offre de services" sur internet désormais prohibée?

Poursuivant une lecture "combiné" de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et du décret n° 72-785 du 25 août 1972 la Cour de Cassation pose le principe qu'est prohibé tout démarchage en matière juridique.

La Cour montre ensuite l'étendue de la prohibition dans son spectre le plus large: "qu'il s'agisse de l'activité de conseil hors contentieux ou de celle d'assistance et de représentation en justice, dès lors que ces textes incriminent l'offre en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique, sans distinguer entre les activités de l'avocat, et que l'activité judiciaire d'un avocat implique nécessairement la réalisation de consultations et la rédaction d'actes juridiques.

La Cour opère un virage à 180°.

Désormais, la simple offre semble interdite...?

Une décision risquant de retentir au delà de la profession d'avocat

Ces arrêts sont souvent des décisions d'espèce.

La Cour de Cassation semble donc ne plus considérer la simple offre de service sur internet n'est pas un démarchage.

Elle pourrait laisser penser que la présence sur le net d'un avocat est en elle même suspecte...

La Cour indique en effet: "ayant relevé les termes par lesquels le site offrait les services d'un avocat en vue d'exercer un mandat d'assistance et de représentation en justice en incitant les personnes potentiellement concernées par une action collective à y adhérer, caractérisant ainsi le démarchage en tous ses éléments constitutifs".

Attention donc à la spécialisation affichée et aux messages "push" pour les avocats.

Peut-on y voir un signe envers les offres de services juridiques qui fleurissent sur la toile?

Les associations, les banques, les assurances les sites internet publics et gratuits offrent régulièment des pages qui peuvent s'analyser comme: "le fait d'offrir ses services en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique".

En effet, la version en ligne du dictionnaire juridique ou de la rubrique "bon conseils" offerte par une association, une banque ou une assurance peut relever de cette jurisprudence.

Voilà pourquoi il me semble que l'espace de communication virtuelle offert par la plateforme du CNB est un bon outil.

En effet, tous bénéficient des mêmes outils, des mêmes référencements, de la même lisibilité de base.

Notre déontologie, celle que l'on "digère" le samedi matin à l'école, que l'on touche du doigt avec nos maîtres de stage, qui nous sert de lien lorsque tout a échoué, cette déontologie nous garde.

Comme disait la publicité "Méfiez vous des contrefaçons".

La déontologie des avocats ne se singe pas, est un état d'esprit des gens de robe que quelques heures de cours ou une équivalence ne suffisent pas toujours à transmettre.

Il existe de nombreuses galaxies dans l'univers de la toile.

La Cour de Cassation fera certainement un mouvement de retour pour équilibrer le balancier, en attendant "celui que le gouvernement intersidéral appelle lorsqu'il n'est plus capable de faire face à ses problèmes", l'arbitre suprème a tranché!

Bon dimanche.

________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________

Cour de cassation

chambre civile 1

Audience publique du mardi 30 septembre 2008

N° de pourvoi: 06-21400

Non publié au bulletin Rejet

M. Bargue (président), président

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Boullez, avocat(s)

--------------------------------------------------------------------------------

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches, tel qu'il figure au mémoire en demande et est annexé au présent arrêt :

Attendu que plusieurs avocats ont constitué une société à responsabilité limitée, dénommée " Class action. fr ", ayant pour objet l'exploitation d'un site internet, intitulé " class action, le site français des actions collectives ", offrant une aide et assistance technique aux avocats en matière d'organisation procédurale et de gestion des " class actions " et tendant à permettre à tout avocat de mettre en ligne une action collective introduite pour le compte d'une ou plusieurs personnes ainsi qu'à tout intéressé d'être informé de l'existence de cette action collective et de s'y joindre par une simple inscription en indiquant ses coordonnées et en payant en ligne la partie fixe des honoraires ; que plusieurs associations de consommateurs, imputant à la société un acte de démarchage et des mentions publicitaires de nature à induire en erreur ainsi que la stipulation, dans les conditions générales, de clauses abusives, ont introduit une instance, à laquelle sont intervenus les avocats concernés, aux fins de faire cesser ces agissements illicites ou supprimer lesdites clauses ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 17 octobre 2006) retient, notamment, que l'offre de services proposée constitue un acte de démarchage juridique illicite et interdit, sous astreinte, la collecte en ligne de mandats de représentation en justice ;

Attendu que, d'abord, l'arrêt énonce, à bon droit, qu'il résulte des dispositions combinées des articles 66-4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 1er du décret n° 72-785 du 25 août 1972 modifié qu'est prohibé tout démarchage en matière juridique, qu'il s'agisse de l'activité de conseil hors contentieux ou de celle d'assistance et de représentation en justice, dès lors que ces textes incriminent l'offre en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique, sans distinguer entre les activités de l'avocat, et que l'activité judiciaire d'un avocat implique nécessairement la réalisation de consultations et la rédaction d'actes juridiques ; qu'ensuite, ayant relevé les termes par lesquels le site offrait les services d'un avocat en vue d'exercer un mandat d'assistance et de représentation en justice en incitant les personnes potentiellement concernées par une action collective à y adhérer, caractérisant ainsi le démarchage en tous ses éléments constitutifs, ce qui rendait recevable l'action des associations de consommateurs agréées en cessation de ces agissements illicites, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Class action. fr, MM. X..., Y..., Z..., A..., B... et Mme C... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne, ensemble, la société Class action. fr, MM. X..., Y..., Z..., A..., B... et Mme C... à payer à l'ADEIC, la CLCV, l'Association pour l'information et la défense des consommateurs salariés, l'UFC Que choisir et l'UFCS la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille huit.

________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________

Cour de cassation

chambre civile 1

Audience publique du mardi 21 juin 2005

N° de pourvoi: 03-13633

Non publié au bulletin Rejet

Président : M. ANCEL, président

--------------------------------------------------------------------------------

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que l'Association d'aide aux victimes d'accidents corporels (AAVAC) a ouvert un site internet à l'intention des victimes de la catastrophe survenue en septembre 2001 au sein des établissements AZF ; qu'estimant que l'offre d'une assistance juridique figurant sur ce site, ainsi que les publicités par voie de tracts et d'articles de presse révélaient que l'AAVAC se livrait à des actes de démarchage en vue de donner des consultations juridiques ou de rédiger des actes, l'Ordre des avocats au barreau de Toulouse a engagé une action en référé, à laquelle l'UJA et l'ACE sont intervenues volontairement, afin qu'il soit ordonné à l'association de cesser ces pratiques ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'AAVAC reproche à l'arrêt attaqué (Toulouse, 10 février 2003) d'avoir déclaré recevable l'action dirigée à son encontre, alors, selon le moyen, que la demande en référé tendant à faire cesser un trouble manifestement illicite ne peut être formée, à peine d'irrecevabilité, qu'à l'encontre de l'auteur du trouble invoqué ; que dans ses conclusions d'appel, elle avait fait valoir que son site internet ayant été alloué temporairement à l'association "La Maison des victimes", seule cette dernière association pouvait être tenue pour responsable du contenu de cet espace ; qu'en se fondant sur le contenu du site internet pour déclarer recevable l'action en référé, prétexte pris qu'il s'agissait du site de l'AAVAC, sans répondre au moyen tiré de la mise à disposition de ce site à une association distincte, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 du nouveau Code de procédure civile et 6-1 de la CEDH ;

Mais attendu que l'arrêt attaqué relève non seulement que l'AAVAC était titulaire du site hébergeant l'offre de service litigieuse, mais aussi qu'elle était l'auteur de cette offre d'aide juridique précisément destinée à ses adhérents ; que la cour d'appel ayant répondu aux conclusions, le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses cinq branches :

Attendu que l'AAVAC fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré fondée l'action engagée à son encontre, alors, selon le moyen :

1 / que seule est sanctionnée l'activité de consultation juridique ou de rédaction d'actes sous seing privé par des personnes non légalement autorisées ; que tout en constatant qu'aucun document produit n'établissait l'existence de consultations juridiques personnalisée, la cour d'appel qui a cependant considéré que l'activité de l'AAVAC constituait un trouble manifestement illicite, n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et par suite violé les articles 54 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée et 809 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / qu'une simple offre potentielle de conseils personnalisés effectuée sur un site internet n'est pas assimilable à l'établissement effectif d'une consultation juridique par une personne non autorisée ;

qu'en procédant à une telle assimilation pour qualifier de trouble illicite l'offre de conseil, la cour d'appel a violé l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée ;

3 / que la cour d'appel ne pouvait sans se contredire affirmer à la fois qu'aucun document n'était produit établissant l'existence de consultations juridiques personnalisées et qu'il appartenait à l'AAVAC de démonter que l'auteur de la consultation était membre d'une profession juridique réglementée ; que ce faisant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

4 / qu'en mettant à la charge de l'AAVAC la preuve de ce que les consultations auraient été établies par un membre d'une profession juridique réglementée, alors qu'il appartenait aux demandeurs de démontrer que les conseils auraient été donnés par des personnes non autorisées, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du Code civil et 809 du nouveau Code de procédure civile ;

5 / que le démarchage juridique est défini comme le fait d'offrir ses services en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique ou de provoquer la souscription d'un contrat aux mêmes fins, en se rendant personnellement ou en envoyant un mandataire soit au domicile ou à la résidence d'une personne, soit sur les lieux de travail, de repos, de traitement ou dans un lieux public ; qu'en qualifiant d'acte de démarchage la simple offre de services faite sur un site internet, la cour d'appel a violé les articles 1er du décret du 25 août 1972, 809 du nouveau Code de procédure civile et 66-4 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir constaté qu'il n'était pas démontré que l'AAVAC avait effectivement prodigué des conseils personnalisés à ses adhérents, l'arrêt attaqué retient, sans contradiction, ni violation de la loi par fausse application, que le trouble dont il convenait d'ordonner la cessation ne résidait pas dans l'exercice consommé d'une activité illicite de consultation juridique, mais résultait de faits constitutifs d'un démarchage en vue de donner des consultations juridiques ; que, d'autre part, en application des dispositions générales de l'article 66-4 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, le démarchage en matière juridique est interdit ; qu'enfin, ayant constaté que, sur son site internet, l'AAVAC proposait à ses adhérents d'étudier leurs dossiers d'indemnisation, de se prononcer sur les offres transactionnelles faites par les assureurs, de négocier des réparations et de les conseiller sur les voies de recours envisageables, la cour d'appel a caractérisé une situation manifestement illicite de démarchage en vue de donner des consultations juridiques ou de rédiger des actes en matière juridique ; que le moyen, qui manque en fait en ses deux premières branches et qui est inopérant en ses troisième et quatrième griefs, est mal fondé en sa dernière branche ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'Association aide aux victimes d'accidents corporels (AAVAC) aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille cinq.