Riposte graduée!

Les médias évoquent en choeur la lutte contre les pirates informatiques!

Il est question aussi de la mansuétude du gouvernement qui contraventionnalise un délit puni de trois ans d'emprisonnement comme si le transfert d'un débat judiciaire à une autorité qui sanctionnera comme les radars au bord de la route relevait d'une démarche plus démocratique et plus efficace...

Une contravention alors que le véhicule et le conducteur ne sont pas identifiés, c'est contraire à l'article 3 de la CEDH, le fichage systématique et les sanctions telles qu'elles sont présentées sont aussi choquants.

Même les USA n'ont pas osé un tel dispositif !

C'est dire !

L'urgence est déclarée sur la proposition de loi favorisant la création, la protection de la création sur internet.

L'urgence des réactions est là également!

On part du postulat qu'il est techniquement possible de savoir qui est physiquement sous une identité informatique (adresse IP), on assimile la coupure d'un accés internet à une résiliation de contrat entre une personne physique identifiée et un bailleur, le texte commenté permet des fichages d'internautes et des sanctions.

Le dispositif repose sur les "titulaires de droits" qui sous la responsabilité d'agents assermentés mettront en oeuvre une "risposte graduée" contre des machines, assimilées à des internautes français.

Le dispositif permettra un fichage considérable de ces internautes.

Les entreprises tremblent car leurs clients qui téléchargent des logiciels libres risquent d'êtres stigmatisés sans débat judiciaire à cause d'une cybersurveillance qui les dénoncera automatiquement aux ayant droits ou plutôt aux sociétés de gestion et à la nouvelle autorité indépendante qui remplacera le juge.

Les justiciables frémissent car les traces de machines enregistrées à leurs noms seront signalées à cette même autorité et non à la CNIL.

Les créateurs de "myspace" qui vendent directement leurs oeuvres se demandent à quels saints se vouer...

Il en va de même pour les éditeurs de nouvelles formules de jeux en ligne et pour l'ensemble des créatifs de la nouvelle économie qui auraient des velléités de vouloir poursuivre une activité en France.

Un récent livre de Thoomas FRIEDMAN " La terre est plate" montre que tout ce qui n'a pas de valeur ajoutée peut et est délocalisé.

Il faut promouvoir et protéger le génie et l'inventivité français.

Ce n'est pas en appuyant sur le frein, en pleine crise, que nous pouvons faire cela.

Surtout pas au prix d'une économie sur les libertés fondamentales.

Un billet sur ce blog présentait la tendance actuelle qui semble aller vers une délégation à des machines de certaines tâches réservées pour l'instant aux hommes (policiers, gendarmes, magistrats etc...).

'Vite et bien, ce n'est pas possible" disait mon grand père: il avait raison le brave homme!

D'autres publications étaient là pour monter combien les nouvelles technologies exposent les libertés individuelles que nous défendons comme avocats.

Régulièrement des commentaires d'arrêts ont été proposés depuis 1996, d'abord effectués dans des chroniques judiciaires classiques reprises à la rubrique "droit de l'informatique" de bibliographies qui servent de référence, puis directement sur ces pages.

Enfin, nous avions attiré l'attention sur la politique curieuse du ministère de la culture.

Je plaide donc coupable si l'on considère qu'il est libertaire de plaider pour un respect de la procédure et de la convention européenne des droits de l'homme (6ème amendement de la constitution US).

Le droit d'auteur ou les autres droits de propriété intellectuelle ne peuvent de mon point de vue servir de "cheval de Troie" à une politique sécuritaire consistant à "pendre haut et court" de supposés pirates "oeil de verre et jambe de bois" sans les juger.

Le commentaire de Saraswati est édifiant à cet égard.

En effet, il est faux de raisonner en disant que si les sources et la diffusion d'oeuvres arguées de contrefaçon est difficile à enrayer par les moyens de "lutte" judiciaire car la technique rend l'indentification des sources et des fraudeurs délicate, il sera plus simple de trouver les sources et d'identifier les fraudeurs en supprimant... le juge!

Lundi 27 octobre dernier se tenait à Paris un séminaire organisé par l'Institut de Recherches en Propriété Intellectuelle, sous l'égide de la Chambre de commerce de Paris, le titre: 'Contrefaçon sur internet, les enjeux

La synthèse des débats sera publiée et leur lecture appaisée sera certainement profitable au lecteur sensibilisé par ces questions.

En ce qui concerne le présent billet, il sera question de la présentation d'un projet de loi qui est actuellement en discussion à l'assemblée nationale.

Projet dont il semble important pour un avocat qui ne prête plus un serment d'allégence aveugle aux lois, de formuler un commentaire.

Il s'agit du projet de loi "favorisant la protection et la création sur internet".

Le rapport du sénateur Michel THIOLLIERE est ainsi résumé:

"Réunie le mercredi 22 octobre 2008 sous la présidence de

M. Jacques Legendre, président, la commission des affaires culturelles a examiné le

rapport de M. Michel Thiollière sur le projet de loi favorisant la diffusion et la

protection de la création sur Internet.

La commission a souscrit à la logique essentiellement pédagogique et

préventive du projet de loi. Guidée par la recherche du meilleur équilibre possible

sur un sujet délicat, elle a adopté, néanmoins, 50 amendements qui s'articulent autour

des objectifs suivants :

1°/ Rendre la Haute Autorité irréprochable et efficace

Il s'agit :

- d'accorder la personnalité morale à la Haute autorité pour la diffusion des

oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) ;

- de compléter et encadrer le régime des incompatibilités de fonctions

applicable à ses membres ;

- de soumettre ses membres, à l'instar de ses agents, au secret professionnel ;

- de lui permettre, d'une part, de faire appel à des experts, et, d'autre part, de

solliciter pour avis d'autres autorités ou organismes extérieurs et d'être consultée par ces

mêmes autorités ou organismes.

2°/ Mettre la Haute Autorité au service des pouvoirs publics

La commission des affaires culturelles propose de :

- consolider ses attributions et sa légitimité : elle pourra ainsi attirer

l'attention des pouvoirs publics sur d'éventuelles adaptations nécessaires des textes

législatifs ou réglementaires, être consultée par le Parlement ou le Gouvernement sur

toute question relative à ses domaines de compétence, ou encore jouer un rôle au niveau

international ;

- prévoir la remise d'un rapport annuel au Parlement et au Gouvernement sur

son activité, l'exécution de ses missions et de ses moyens, ainsi que le respect de leurs

obligations et engagements par les professionnels des différents secteurs concernés.

3°/ Mieux concilier les droits des créateurs et ceux des internautes :

- prévoir la possibilité d'une sanction alternative à celles prévues par le

projet de loi. Pour Michel Thiollière : « si, et seulement si, l'évolution des technologies

permet d'atteindre l'objectif de protection des oeuvres, et donc d'empêcher de les

pirater, tout en permettant le maintien de certains services supplémentaires, notamment

de messagerie ou de consultation d'Internet, l'HADOPI pourra alors opter pour cette

mesure » ;

- 10 -

- étendre la saisine de la Haute Autorité aux éditeurs de logiciels et aux

entreprises de communication audiovisuelle ;

- sécuriser les internautes par une information renforcée :

* l'obligation de surveillance l'accès de l'abonné à Internet et les sanctions

possibles en application du projet de loi devront faire l'objet d'une mention « claire et

lisible » dans les contrats d'abonnement ;

* les fournisseurs d'accès à Internet devront également informer régulièrement

tous leurs abonnés sur les dangers du piratage ;

* ils devront enfin leur proposer au moins un des moyens de sécurisation de

l'accès à Internet figurant sur la liste des moyens agréés par l'HADOPI, dont

l'installation permet de faire valoir la clause d'exonération de responsabilité prévue en

cas de décision de sanction ;

- sensibiliser les élèves, dans le cadre des enseignements scolaires, aux risques

liés aux usages d'Internet et aux dangers du piratage des oeuvres culturelles pour la

création.

4°/ Adapter les obligations pesant sur les opérateurs de communications

électroniques :

- charger la Haute Autorité d'évaluer les expérimentations conduites par les

professionnels en matière de technologies de reconnaissance des contenus et de

filtrage, conformément aux engagements pris par les professionnels concernés dans le

cadre des « Accords de l'Élysée », et d'en rendre compte dans son rapport annuel ;

- parallèlement, supprimer la référence explicite à un « filtrage des

contenus », parmi les prérogatives confiées au président du Tribunal de Grande Instance

en vue d'ordonner la suspension d'un contenu portant atteinte à un droit d'auteur ou à un

droit voisin.

5°/ Rétablir l'équilibre du texte : traduire les engagements des

professionnels, dans le cadre des « Accords de l'Élysée », en faveur du

développement de l'offre légale :

- confier à l'HADOPI une mission première d'encouragement au

développement de l'offre commerciale légale, au-delà de la simple observation de cette

offre ;

- prévoir que cette Haute Autorité peut attribuer, sur leur demande, un label

aux services proposant une offre commerciale légale de contenus culturels en ligne, afin

de renforcer la visibilité de cette offre et d'améliorer l'information de l'internaute ;

- fixer un cadre juridique aux engagements pris par les professionnels en

ce qui concerne la révision de la « chronologie des médias » (il s'agit des règles

définissant l'ordre et les délais dans lesquels l'exploitation d'une oeuvre

cinématographique peut intervenir sur les différents supports). Ce nouveau dispositif met

en avant la concertation professionnelle. Toutefois, l'amendement permet aux pouvoirs

publics d'étendre les accords entre professionnels lorsque ceux-ci sont suffisamment

représentatifs du secteur d'activité concerné. En outre, dans le cas particulier de la vidéo

et de la vidéo à la demande, un délai réglementaire s'appliquera de plein droit à défaut

d'accord professionnel ayant pu être étendu à l'ensemble des opérateurs, afin de

sécuriser le délai de ces modes d'exploitation.

La commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi amendé, les

groupes socialiste et communiste républicain et citoyen ne prenant pas part au vote."

L'exposé des motifs du projet de loi commence par expliquer qu'il est (encore) question de déjudiciariser.

En effet au civil, le juge de la mise en état a vu ses pouvoirs d'investigations augmenter pour établir la preuve d'une contrefaçon à l'heure de l'élargissement de l'Union.

Une jurisprudence se cherche sur la loyauté de la preuve et sur l'application de l'immunité des "hébergeurs" au sens de la loi nouvelle.

Au pénal, plus que jamais, sous l'effet de l'application de la théorie de l'épuisement du droit "le chic risque le choc"! (voir notes de doctrine sous l'arrêt de la CJCE HARLAUER).

Tout cela semble trop compliqué pour le projet de loi.

La solution, comme ailleurs est trouvée à l'engorgement des tribunaux: déjudiciariser!

Donc le projet de loi commenté déjudiciarise et même dépénalise.

La nouvelle justice se privtise à tel point que l'ensemble du dispositif s'appuie sur les dénonciations des titulaires de droits qui alimentent un fichier gigantestque en forme de "black list"...

Le texte a une vocation à s'appliquer dans un domaine limité: "les oeuvres musicales et audiovisuelles françaises".

Il suppose de notre point de vue pour pouvoir être mis en oeuvre qu'un certain nombres de points soient définis:

- quel ext le rôle de la CNIL dans la collecte des données que permettrait ce projet de loi.

- quelle est la liste des sites internets interdits (qui sont les "méchants et les gentils");

- quels sont les moyens qui existent pour identifier sans coup férir un internaute et une machine;

- quels sont les moyens qui permettent de détecter les téléchargements autorisés par leurs auteurs de ceux interdits;

- quelle est la norme applicable aux matériels hard et soft que l'on doit mettre sur les machines;

- quelles sont les polices d'assurances qui couvriront les utilisateurs en cas d'utilisation de la machine en dépit de l'implémentation des normes techinques imposées par la loi;

- quelle procédure permettra, au besoin en référé de faire cesser le trouble causé à l'usager qui sera sanctionné sans débat par la nouvelle autorité indépendante...

Car il s'agit bien de sanctions comme celles qui sont prononcées automatiquement par les radars sur le bord de la route.

Il est question de "riposte graduée".

Tout d'abord l'internaute "fiché" reçevra un email lui demandant de cesser ses activités.

Puis, si son antispam a mis le message à la corbeille, comme tout bon antispam, il recevra une lettre recommandée;

S'il ne comprend pas, persuadé d'avoir téléchargé librement à cause de 'l'hébergeur" qui fait de la publicité sur sa plateforme: "très bon produit, source validée, paiement sécurisé, téléchargement libre..." , la sanction tombera: coupure de l'accés internet, ou pire, ralentissemement du réseau.

Je vois là les vendeurs de jeux ou de programmes en ligne frémir...

Ce seront eux, bien entendu les responsables à la fin de la journée!

Pour cela peut être que des entreprises mieux avisées que d'autres ont proposé une procédure de "transaction"?

Procédure qui n'est pas définie dans ses détails, relativement aux droits de la défense!

Le texte du projet propose une réécriture des articles L 331-12 à L 331-36 du code de la propriété intellectuelle.

Le débat sur la contrefaçon est trop difficile sutout trop long, mais toujours comme disait mon grand papa: "impossible d'arriver avant d'être parti"!

En effet, le juge parisien serait engirgé si, comme le proposent les projets actuels, toute la propriété intellectuelle était concentré à Paris.

Au lieu de former le juge de province et de mettre en place des formations d'experts par exemple autour de la question centrale amenée par Monsieur Hubert BITAN du "le maître du programme" dans la reproduction en ligne d'oeuvre, la solution proposée est simple: supprimer le juge a priori!

Bref, "on sanctionne d'abord, on discute ensuite"!

Il semble légitime de penser aprés la crise actuelle qui montre la défiance des actionnaires envers la "bulle internet" que les entreprises quyi mettent des freeware en ligne ne souhaitent pas porter in fine la responsabilité du "fichage" de leurs clients...

Internet était d'abord un espace d'échanges gratuit et public.

La "nouvelle économie" (en faillite) souhaite en faire un espace privatif, payant et surveillé...

La confiance n'exclut pas le contrôle, certes, mais de là à changer également les régles élémentaires de la protection des libertés individuelles il y a un pas!

Le nouvel article 331-6 du CPI "confie à la commission de protection des droits la compétence pour mettre en oeuvre le mécanisme de prévention et de sanction du piratage".

Les magistrats qui y siègeront se comporteront certes comme des magistrats, mais il ne siègeront plus pour les dossiers qui viendront en justice pour établir, le cas échéant un téléchargement légal!

Pensant au bonheur du débat judiciaire il me vient un vers de la chanson de Jacques Dutonc:

"De grâce, monsieur le promoteur, ne coupez pas mes fleurs".

Les machines sont incapables aujourd'hui de rendre la justice sans le contrôle du juge.

Les solutions négociées existent.

Les solutions judiciaires sont lentes mais elles sont de mon point de vue la clé d'une réponse structurée au phénoméne.

Le texte doit évoluer.