Je relis avec délices les ouvrages de Roger CARATINI, la philosophie, chez SEGHERS.

Ici un extrait de l'avant propos du titre 1: L'Histoire, que je livre au fil de l'eau.

"... Les effets de l'expansion économique, à partir des années 50, l'avénement d'une société de consommation de masse, d'un Etat industriel avancé (expression due à l'économiste américain Galbraith), des moyens informatiques qui dégradent la pensée en la simplifiant à outrance et en la faisant circuler à tous les niveaux, ont contribué à détruire le piedestal de la philosophie. Les nouveaux oracles, ce ne sont plus les penseurs abstraits, ce sont les économistes, les hommes politiques, les portes paroles des syndicats, de tous bords et leurs vulgarisateurs, les journalistes. Paradoxamement, la révolution de mai 68, produit partiel de la critique philosophique de l'après guerre, a cloîtré la philosophie dans un ghetto: l'immédiateté impatiente de l'utile a condamné l'hésitation patiente de la réflexion, le tintamare l'emporte sur le silence.

Mais, de même que la libération sexuelle, la contraception et l'avortement n'ont pas tué la passion amoureuse, de même l'économie, la raison d'Etat et le socialisme n'ont pas etteint la passion philosophique. Michel SERRES, Gilles DELEUZE et Michel FOUCAULT ont de zélés disciples, comme jadis ALAIN ou SARTRE; mais leur émergence dans l'actualité de la vie n'est plus comparable: leur pensée a cessé d'être un scandale partagé par tous, elle est devenue une confidence à quelques uns..."