Cass. Cov. 2ème, 23 oct. 2008

renvoi de l'audience d'orientation, délai supplémentaire au saisi pour former des contestations (oui).

Les faits, la procédure: chronique de la crise ordinaire...

Les époux Y ont été l'objet d'une procédure de saisie immobilière.

A l'audience d'orientation, les défendeurs ont demandé une remise afin de pouvoir constituer avocat.

Le conseil ainsi désigné a déposé des conclusions par lesqulles il sollicitait la mainlevée de la saisie pour défaut de titre exécutoire et, subsidiairement, l'autorisation de procéder à une vente amiable ; un jugement ayant déclaré ces demandes irrecevables et ordonné la vente forcée.

Immédiatement les époux Y forment appel.

La cour non seulement va déclarer recevables les conclusions d'incident déposées au nom de M. et Mme Y... postérieurement à l'audience d'orientation, mais va autoriser les défendeurs à vendre à l'amiable l'immeuble, renvoyer l'affaire à une audience ultérieure et ordonner la suspension de la procédure de saisie immobilière!

Belle victoire!

Bien entendu, les demandeurs n'entendent pas en rester là et introduisent un pourvoi en cassation.

L'axe principal de leur défense est l'article 49 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 qui dispose qu'aucune contestation ne peut être formée postérieurement à l'audience d'orientation.

La solution donnée par la deuxième chambre civile ne souffre pas d'équivoque: il reste possible au défendeur de se défendre même sur la base d'un décret qui simpplifie la procédure!

Par cet arrêt du 23 octobre, la 2e chambre civile de la Cour de cassation écarte trois des quatre myens de cassation par une formule fort claire:

"Mais attendu qu'en cas de renvoi de l'audience d'orientation, les contestations et demandes incidentes formulées au plus tard à l'audience de renvoi sont recevables ; qu'ayant relevé que l'audience d'orientation avait été renvoyée et que M. et Mme Y... avaient déposé à l'audience de renvoi des conclusions contenant une contestation du titre exécutoire et une demande de vente amiable, la cour d'appel a décidé à bon droit que ces contestation et demande étaient recevables"

Par contre la Cour d'appel est sanctionnée en ce qu'elle avait renvoyé l'affaire à une audience ultérieure pour surveiller les conditions de la vente amiable alors que cette prérogative appartient au seul juge de l'exécution.

Commentaire

La décision commentée a une grande portée pratique.

En effet, nous cherchons en pratique à décoder les termes du décret de 2006.

Certains diront que cette solution présente l'inconvénient de remettre en cause la rationalisation de la procédure souhaitée par les auteurs de la réforme de 2006 (D. 27 juill. 2006, n° 2006-936).

D'autres penseront que cette décision est toute simple et remplie de bon sens.

Le renvoi de l'audience d'orientation rend toutes les demandes recevables le jour de l'audience de renvoi!...

En ces temps de récession, la décision risque le faire jurisprudence.

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Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du jeudi 23 octobre 2008

N° de pourvoi: 08-13404

Publié au bulletin Cassation partielle sans renvoi

M. Gillet (président), président

Me Foussard, SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, avocat(s)

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., après avoir fait délivrer à M. et Mme Y... un commandement de payer valant saisie de leur immeuble, les a assignés à comparaître devant un juge de l'exécution, à l'audience d'orientation du 27 juin 2007, aux fins de voir ordonner la vente forcée de l'immeuble ; que cette audience a été renvoyée au 3 juillet 2007 pour permettre à M. et Mme Y... de constituer avocat ; qu'à l'audience de renvoi, ces derniers ont demandé, par conclusions déposées par leur avocat, la mainlevée de la saisie pour défaut de titre exécutoire et, subsidiairement, l'autorisation de procéder à une vente amiable ; qu'un jugement ayant déclaré ces demandes irrecevables et ordonné la vente forcée, ils en ont interjeté appel ;

Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en sa première branche, réunis :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer recevables les conclusions d'incident déposées au nom de M. et Mme Y... postérieurement à l'audience d'orientation du 27 juin 2007, de les autoriser à vendre à l'amiable l'immeuble, de renvoyer l'affaire à l'audience du 12 juin 2008 et d'ordonner la suspension de la procédure de saisie immobilière, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de l'article 49 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006, le juge de l'exécution statue sur les contestations et demandes incidentes formulées par le saisi ; qu'aux termes de l'article 6 de ce même décret, « à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article 49, à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci » ; qu'à cet effet, et en application de l'article 39 du même décret, l'assignation pour l'audience éventuelle prévue à l'article 38 doit comporter « l'indication, en caractères très apparents, qu'à peine d'irrecevabilité, toute contestation ou demande incidente doit être déposée au greffe du juge de l'exécution par conclusions d'avocat au plus tard lors de l'audience » ; que l'audience d'orientation ne peut s'entendre que de l'audience mentionnée dans l'assignation délivrée au débiteur, ainsi qu'il est prévu à l'article 38 ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que M. et Mme Y... ont été assignés pour une audience d'orientation fixée au 27 juin 2007 et que les contestations et demandes incidentes qu'ils ont formulées ne l'ont été que postérieurement à cette date ; d'où il suit qu'en statuant comme ils l'ont fait, pour admettre des contestations et des demandes qui étaient irrecevables, les juges du fond ont violé les articles 6, 38, 39 et 49 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 ;

2°/ que si l'arrêt se fonde sur une circulaire, c'est l'effet d'une erreur dans la mesure où les règles des voies d'exécution ne peuvent résulter que de la loi ou du décret sans pouvoir procéder de circulaires administratives ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des articles 30 et 34, 13 et 21 de la Constitution du 4 octobre 1958, ensemble l'article 12 du code de procédure civile ;

3°/ qu'à supposer même que le juge puisse renvoyer l'examen des questions sur lesquelles il doit statuer à une audience ultérieure, de toute façon, ce renvoi ne peut produire les effets d'un relevé de forclusion à l'égard des contestations ou des demandes incidentes qui n'ont pas été formulées lors de l'audience d'orientation mentionnée dans l'assignation délivrée au saisi ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges du fond ont violé les articles 6, 38, 39 et 49 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 ;

Mais attendu qu'en cas de renvoi de l'audience d'orientation, les contestations et demandes incidentes formulées au plus tard à l'audience de renvoi sont recevables ; qu'ayant relevé que l'audience d'orientation avait été renvoyée et que M. et Mme Y... avaient déposé à l'audience de renvoi des conclusions contenant une contestation du titre exécutoire et une demande de vente amiable, la cour d'appel a décidé à bon droit que ces contestation et demande étaient recevables ;

D'où il suit que le moyen, qui est inopérant en sa deuxième branche, comme s'attaquant à des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'ordonner la suspension de la procédure de saisie immobilière, alors, selon le moyen, que si, dans le cas où la demande tendant à la vente amiable est formulée avant la délivrance de l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation, elle emporte suspension du cours de la procédure, comme le prévoit l'article 53, alinéa 2, du décret, en revanche, en cas d'autorisation de vente à l'amiable donnée après l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation, et à la suite de l'audience d'orientation, elle n'emporte pas suspension de la procédure ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé, par fausse application, l'article 53 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 et, par refus d'application, les articles 2201 du code civil et 49, alinéa 1er, du décret susvisé ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 53, alinéa 2, du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006, la décision qui accueille la demande tendant à la vente amiable de l'immeuble saisi suspend le cours de la procédure ; qu'ayant autorisé une telle vente, la cour d'appel a ordonné à bon droit la suspension de la procédure de saisie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le deuxième moyen, pris en ses trois dernières branches, qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le quatrième moyen :

Vu les articles 54 et 58 du décret du 27 juillet 2006 ;

Attendu que la cour d'appel, après avoir autorisé M. et Mme Y... à vendre l'immeuble saisi à l'amiable, a renvoyé l'affaire à son audience du 12 juin 2008 pour vérifier les conditions de la réalisation de la vente ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'appartenait qu'au seul juge de l'exécution de suivre la procédure postérieure à l'autorisation de la vente amiable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a renvoyé l'affaire à l'audience du 12 juin 2008, l'arrêt rendu le 21 février 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT que le dossier de l'affaire sera transmis au juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Versailles pour être procédé conformément aux dispositions des articles 54 et suivants du décret du 27 juillet 2006 ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille huit.