Notification d'un redressement fiscal, forme, signature du fonctionnaire, oui, sanction du défaut - nullité du redressement.

CE - 7 novembre 2008

A l'heure ouù il est question de dématérialiser tous les échanges, et de déléguer la justice administrative à des radars ou à des ordinateurs, l'administration vient encore de se faire rappeller à l'ordre par e Conseil d'Etat.

Une décision claire de sens: si la notification d'un redressement fiscal ne porte pas la signature d'un fonctionnaire, bonne vieille signature, l'administration devra rembourser l'impôt perçu!

Trop beau pour ne pas être signalé.

La portée involontaire de cette décision est qu'il devrait y avoir un vent de recherche dans les procédures et surtout une diffusion au public des cas dans lesquels il est impossible de s'accomoder un email!

Bonne journée.

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Conseil d'État

N° 291188

Inédit au recueil Lebon

10ème sous-section jugeant seule

M. Tuot, président

M. Yves Salesse, rapporteur

M. Boucher Julien, commissaire du gouvernement

SCP TIFFREAU, avocat

lecture du vendredi 7 novembre 2008

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 mars et 8 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Marie A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 31 décembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 29 novembre 2001 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande en décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1989 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Salesse, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Tiffreau, avocat de M. Jean-Marie A,

- les conclusions de M. Julien Boucher, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis au juge du fond que, pour contester en appel le rejet des sa réclamation tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge pour 1989, M. A soutenait que la notification du redressement ne portait pas la signature du fonctionnaire qui l'avait établie ; qu'en répondant à ce moyen qu'aucun texte n'exigeait que la copie de cette notification fut signée, la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à un moyen qui n'était pas inopérant ; que M. A est fondé à en demander l'annulation pour ce motif ;

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : « l'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation » ; qu'aux termes de l'article 376 de l'annexe II au code général des impôts applicable à l'année d'imposition en litige : « Seuls les fonctionnaires titulaires ou stagiaires, appartenant à des corps de catégorie A et B peuvent, dans le ressort du service auquel ils sont affectés, fixer des bases d'imposition ou notifier des redressements » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que si la notification de redressement, adressée à M. A pour ses revenus de l'année 1989 et qui a conduit aux impositions supplémentaires en litige, portait la mention du nom d'un inspecteur, ce document, qui n'était revêtu d'aucune signature manuscrite, était dénué de valeur ; que, par suite, M. A est fondé à soutenir que les impositions qu'il conteste ont été établies à la suite d'une procédure irrégulière et que, dès lors, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris lui en a refusé la décharge ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 31 décembre 2005 de la cour administrative d'appel de Paris et l'article 3 du jugement du 29 novembre 2001 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : M. A est déchargé du supplément d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l'année 1989.

Article 3 : L'Etat versera à M. A une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Marie A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.