Une ordonnance de référé rendue le 15 décembre par le TGI de Paris confirme la jurisprudence qui responsabilise les promoteurs de sites internet.

Melle Claire K se plaignait de la diffusion d'images choisies d'elle sur le site "rocosifredi.com".

Parmis les moyens soulevés en défense, il était fait état de la qualité d'hébergeur du défendeur qui n'assumait pas de choix éditotrial et collectait des informations automatiquement par le biais de "flux RSS".

La réponse de l'ordonnance est sans ambiguïtés à double titre:

1°) Par d'imunité pour les éditeurs de site;

2°) L'utilisation d'un flux RSS n'exclut pas un choix de l'éditeur.

Attention donc aux altérations de l'image, qui semblent anodines sur internet et sur des espaces "privés".

Le tribunal a cerné ainsi la question:

"C'est en vain que le défendeur soutient qu'il aurait la qualité d'hébergeur du site litigieux et ne pourrait, en conséquence, répondre de cette atteinte que dans les conditions instituées par l'article 6 I - 2 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

II sera, de première part, rappelé que, pour établir que son site n'a plus été accessible à compter du 27 septembre 2008, il a produit des éléments provenant d'une société 1&1 dont il admet lui-même dans ses écritures qu'elle assurait, au bénéfice du site, des prestations de fourniture d'hébergement.

Mehdi K. avait seul, en tout état de cause, la qualité d'éditeur du site litigieux, dès lors que, s'il justifie qu'il a constitué le dit site en recourant à la pratique du balisage automatique de contenus importés de sites sources, selon la technique dite des flux RSS, il ne conteste pas qu'il a effectué lui-même le choix du type de contenus à rechercher ou des catégories de sites sur lesquels les rechercher et ne soutient nullement que des tiers, par exemple des internautes agissant dans un cadre interactif, auraient pris l'initiative de mettre en ligne sur le site litigieux des liens vers d'autres sites.

La présence sur le site litigieux des images de Claire K., au milieu de contenus similaires, résulte donc d'un choix éditorial affirmé dès la page d'accueil du site et consistant à mettre en ligne "des vidéos porno de folie", choix éditorial avec lequel elle est en complète cohérence. Mehdi K. doit donc en répondre, en sa qualité de personne physique fournissant ce service de communication au public par voie électronique."

C'est clair, net et sans bavures... La Cour de Cassation devrait suivre.

Ce qui vaut pour les actrices X devrait valoir pour les autres.

Une décision avec une portée potentielle assez étendue.

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Tribunal de grande instance de Paris Ordonnance de référé 15 décembre 2008

Claire L. dit K. / Mehdi K.

Contenus illicites - vie privée - droit à l'image - responsabilité - éditeur - site internet - flux RSS

FAITS ET PROCEDURE

Vu l'autorisation d'assigner en référé à heure indiquée devant nous accordée le 21 novembre 2008 à Claire L. dite Claire K. ;

Vu l'assignation qu'en suite de cette autorisation et par acte en date du 25 novembre 2008, cette requérante a fait délivrer à Mehdi K., par laquelle il nous est demandé :

à la suite de la diffusion, sur le site internet à caractère pornographique accessible à l'adresse vwww.rocco-siffredi-nu.com, de photos et de vidéos extraits de films interprétés par Claire K. et où elle apparaît nue, accompagnées de commentaires,

au visa des articles 9 et 1382 du code civil,

d'ordonner sous astreinte le retrait du site des photos, vidéos et commentaires litigieux,

le paiement de deux sommes de 30 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral pour l'une et professionnel pour l'autre, outre une somme de 4000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

le paiement de la somme de 239,20 € TTC en remboursement des frais du rapport d'expertise,

une publication judiciaire sur le site sous astreinte,

la condamnation du défendeur aux dépens et le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions en défense par lesquelles Mehdi K. soulève la nullité de l'assignation, l'absence de toute urgence, sa qualité d'hébergeur, l'applicabilité au litige des seules dispositions de la loi du 3 juillet 1985, le défaut de toute atteinte, comme de démonstration du préjudice allégué, fait valoir le caractère exorbitant de la demande de publication judiciaire et l'abus du droit d'agir en justice, poursuivant la condamnation de la demanderesse au paiement des sommes de 2000 € à titre de dommages et intérêts et de 4000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre d'une somme de 350 € en remboursement de frais de constat ;

Après avoir entendu les conseils des parties le lundi 8 décembre 2008 et avoir indiqué que l'ordonnance, mise en délibéré, serait rendue par mise à disposition au greffe le lundi 15 décembre 2008 à 14h00 ;

DISCUSSION

Il résulte d'un constat dressé par un expert du centre d'expertises des logiciels (Celog) en date du 8 octobre 2008 que le site Internet accessible à l'adresse www.rocco-siffredi-nu.com a mis en ligne des photographies sur lesquelles on voit la comédienne Claire K., photographies accompagnées de commentaires et de la possibilité de télécharger une vidéo correspondante.

Sur l'exception de nullité

S'il incombe au juge, en application des dispositions de l'article 12 du code de procédure civile, de donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée, et si le principe à valeur constitutionnelle de la liberté d'expression implique que, lorsque le dommage invoqué trouve sa cause dans l'une des infractions définies par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, le demandeur ne puisse, notamment pour échapper aux contraintes procédurales de cette dernière se prévaloir pour les mêmes faits de qualifications juridiques distinctes restreignant la liberté protégée par cette loi dans des conditions qu'elle ne prévoit pas, c'est en vain, au cas présent, que le défendeur sollicite une telle requalification.

Les intérêts consacrés par la loi du 29 juillet 1881 sont en effet, différents de ceux visés par l'article 9 du code civil et la violation invoquée repose sur des éléments distincts d'un délit de presse, dès lors que Claire K. se contente, dans son assignation, de relever le caractère "graveleux et très offensant" à son égard des commentaires accompagnant ce qu'elle indique caractériser une diffusion de son image sans son autorisation, et que les dits commentaires ne constituent nullement la diffamation alléguée, au sens de l'article 29, alinéa 1er de la loi sur la liberté de la presse, puisque, se référant aux situations des oeuvres de fiction dont des extraits sont diffusés, ce caractère fictif, clair aux yeux de tous les internautes, exclut donc l'imputation d'un fait précis dont la vérité pourrait être prouvée.

L'exception sera, en conséquence, rejetée.

Sur l'urgence

Le défendeur soutient que la diffusion litigieuse a cessé depuis le 27 septembre 2008, de sorte que, la condition d'urgence n'étant pas satisfaite, le juge des référés serait incompétent.

Il doit être relevé que l'alinéa 2 de l'article 9 du code civil autorise le juge des référés, en cas d'urgence, à prendre toute mesure de nature à empêcher ou faire cesser les atteintes que ce texte prévoit. L'urgence est par principe caractérisée du fait même de l'existence de l'atteinte, sauf à ce que celle-ci ait cessé au moment où le juge est saisi.

C'est ce que démontre le défendeur au cas présent, qui produit d'une part, une lettre et des pièces provenant de son fournisseur d'hébergement, la société 1&1, desquelles il résulte que Mehdi K. a demandé la "résiliation du nom de domaine" litigieux le 22 septembre 2008 et que, compte tenu de délais techniques, celle-ci a été effective au 27 septembre suivant, date des dernières consultations du site, et, d'autre part, un constat d'huissier en date du 5 décembre 2008 démontrant que le site internet n'était plus accessible à cette date.

Ces pièces versées en défense sont corroborées par le rapport produit en demande, l'expert l'ayant rédigé n'ayant été, le 8 octobre 2008, en mesure d'accéder au site que par le biais de pages caches encore présentes sur le moteur de recherche Google, lesquelles représentaient le résultat de la dernière consultation effective du site par le moteur de recherche, réalisée le 26 septembre précédent (rapport, page 9), soit la veille de sa suppression effective, ainsi qu'il résulte de ce qui précède.

Il est donc démontré que les images litigieuses ne sont plus en ligne sur le site depuis le 27 septembre 2008 et n'étaient plus consultables que par la copie qu'en avait conservée un tiers à la présente instance, des actes duquel le défendeur ne saurait répondre.

Il n'y a lieu à référé sur la base de l'article 9, alinéa 2, du code civil. La demande tendant à faire cesser les atteintes alléguées par le retrait des images litigieuses sera donc rejetée.

Sans l'indiquer expressément, Claire K., qui ne limite pas sa réclamation aux mesures propres à faire cesser l'atteinte, ne peut cependant fonder ses demandes indemnitaires que sur les dispositions de l'article 809, alinéa, du code de procédure civile, lesquelles ne requièrent pas la condition d'urgence. Seules ces demandes aux fins de dommages et intérêts et de publication judiciaire seront donc examinées, la créance invoquée à leur soutien résultant d'une violation du droit à l'image.

Sur le droit à l'image

Il résulte des dispositions de l'article 9 susvisé que toute personne, fût-elle mannequin ou comédien professionnel, dispose sur son image et sur l'utilisation qui en est faite d'un droit exclusif qui lui permet de s'opposer à la publication de celle-ci sans son autorisation, laquelle est expresse et spéciale.

Il n'est nullement soutenu, en défense, que Claire K aurait autorisé la mise en ligne, à partir du site litigieux, des images et vidéos sur laquelle elle apparaît et est reconnaissable.

S'il est exact que ce droit à l'image, qui découle également de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, peut céder devant les nécessités de l'information du public et de la liberté d'expression, garanties à l'article 10 de la même convention, dans le cadre de l'équilibre qu'il revient au juge de dégager entre ces principes d'égale valeur dans une société démocratique en vertu du second alinéa du dit article, c'est en vain, au cas présent, que le défendeur soutient que les mises en ligne litigieuses seraient couvertes par la liberté d'informer et le droit de libre critique, alors qu'elles ne s'inscrivent dans aucun débat d'intérêt général ni ne prétendent à la moindre analyse critique des prestations d'une comédienne, mais caractérisent seulement l'utilisation d'images extraites d'oeuvres cinématographiques à destination du grand public détournées de leur sens et dénaturées, par leur mise en ligne dans le contexte d'un site qui se propose de mettre à disposition des "vidéos porno de folie" (rapport Celog, page 8).

Le défendeur soutient par ailleurs que, toutes les images litigieuses de la demanderesse, fixes ou animées, provenant d'extraits de films tournés par Claire K. en qualité d'actrice, celle-ci ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article 9 du code civil mais ne pourrait agir que sur le fondement des droits reconnus aux artistes interprètes par le code de la propriété intellectuelle.

S'il est indéniable que la demanderesse ne pourrait demander cumulativement et à raison des mêmes faits le bénéfice de ces deux régimes de protection, elle reste, en revanche, libre de choisir à son action un de ces deux fondements, qui protègent des intérêts distincts et supposent la mise en oeuvre de moyens de défense spécifiques, étant précisé, d'une part, que s'il était établi que l'artiste-interprète avait autorisé la reproduction litigieuse de son image conformément aux dispositions des articles L 212-3 et suivants du code de la propriété intellectuelle, elle ne saurait plus se prévaloir d'une atteinte au droit qu'elle détient sur son image en application des dispositions du code civil qu'elle invoque, la cession de ses droits voisins valant autorisation d'utilisation de son image et, d'autre part et par voie de conséquence, qu'une réclamation au titre du préjudice patrimonial ne pourrait, en revanche, être admise que sur le fondement des droits de l'artiste interprète.

L'atteinte alléguée au droit à l'image est donc caractérisée.

C'est en vain que le défendeur soutient qu'il aurait la qualité d'hébergeur du site litigieux et ne pourrait, en conséquence, répondre de cette atteinte que dans les conditions instituées par l'article 6 I - 2 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

II sera, de première part, rappelé que, pour établir que son site n'a plus été accessible à compter du 27 septembre 2008, il a produit des éléments provenant d'une société 1&1 dont il admet lui-même dans ses écritures qu'elle assurait, au bénéfice du site, des prestations de fourniture d'hébergement.

Mehdi K. avait seul, en tout état de cause, la qualité d'éditeur du site litigieux, dès lors que, s'il justifie qu'il a constitué le dit site en recourant à la pratique du balisage automatique de contenus importés de sites sources, selon la technique dite des flux RSS, il ne conteste pas qu'il a effectué lui-même le choix du type de contenus à rechercher ou des catégories de sites sur lesquels les rechercher et ne soutient nullement que des tiers, par exemple des internautes agissant dans un cadre interactif, auraient pris l'initiative de mettre en ligne sur le site litigieux des liens vers d'autres sites.

La présence sur le site litigieux des images de Claire K., au milieu de contenus similaires, résulte donc d'un choix éditorial affirmé dès la page d'accueil du site et consistant à mettre en ligne "des vidéos porno de folie", choix éditorial avec lequel elle est en complète cohérence. Mehdi K. doit donc en répondre, en sa qualité de personne physique fournissant ce service de communication au public par voie électronique.

La violation du droit à l'image génère un préjudice dont le principe est acquis du seul fait de l'atteinte mais dont l'importance doit être établie par la demanderesse.

Il ne sera pas fait droit à la demande relative à P indemnisation d'un préjudice professionnel, résultant, selon l'assignation, de ce que le défendeur tire un "profit illégitime" de la notoriété de Claire K., qui "représente une valeur marchande", l'action étant engagée sur le fondement du droit à l'image, qui ne saurait en l'espèce avoir une valeur patrimoniale distincte, les droits patrimoniaux des artistes-interprètes prévus par le code de la propriété intellectuelle incluant, s'agissant d'une comédienne qui est filmée, la reproduction de son image.

Pour l'appréciation du préjudice moral, étant rappelé que le juge des référés ne peut, en application des dispositions de l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile qu'accorder une provision et non l'indemnisation semble-t-il sollicitée à titre définitif, il y a lieu de tenir compte de ce que la mise en ligne a cessé depuis plus d'un mois et demi au moment où nous statuons et que les pièces produites en demande (rapport Celog, pages 6 et 7, aux tenues desquelles le site litigieux est situé entre le 141ème et le 150ème résultat donné par le moteur de recherche Google à l'interrogation "claire K. nue") comme en défense (constat d'huissier du 5 décembre 2008, qui fait état à cette date de deux liens seulement qui renvoyaient vers ce site, mais étaient devenus inaccessibles), rendent la créance de Claire K. sérieusement contestable au delà d'un euro.

La provision allouée au titre du préjudice moral sera, en conséquence, limité à un euro la publication judiciaire sollicitée n'étant pas nécessaire en cet état de référé et étant devenue en tout état de cause sans objet compte tenu de la fermeture du site litigieux.

Mehdi K. sera condamné aux dépens. Il n'y a lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque, ni à faire droit à aucune des condamnations spécifiquement demandées à raison des frais de constat.

La représentation par avocat n'étant pas obligatoire en référé, les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, dont le bénéfice est sollicité en demande, ne sont pas applicables.

DECISION

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

. Rejetons l'exception de nullité de l'assignation ;

. Condamnons Mehdi K. à payer à Claire L. dite Claire K. un euro à titre de dommages et intérêts provisionnels à valoir sur la réparation du préjudice moral résultant de l'atteinte au droit que l'intéressée détient sur son image ;

. Déboutons les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;

. Disons n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque ;

. Condamnons Mehdi K. aux dépens.

Le tribunal : M. Nicolas Bonnal (président)

Avocats : Me Emmanuel Asmar, Me Bruno Cinelli