Cass, 1ère Civ., 5 nov. 2008, Act. Jur. Fam., 01/2009, obs. S. David.

Divorce - Prestation compensatoire mixte - numéraire - meubles indivis - tierce opposition d'une banque - recevabilité- oui.

Les recours exercés par des tiers à la suite d'un divorce sont de plus en plus nombreux.

L'arreêt présenté sonne comme un coup de gong dans la pratique!

En effet, après un partage et la condamnation de monsieur à verser une prestation compensatoire mixte sous forme d'un capital de 143560, 47 euros, pour partie en numéraire et pour partie sous forme de meubles.

Une banque, à qui l'époux devait de l'argent à formé opposition du jugement de divorce dans sa partie relative à la prestation compensatoire.

Le créancier estimait que le divorce était une fraude à ses droits.

En défense on a soutenu fermement que le divorce était une question purement privée, familliale, touchant à l'intimité des personnes et que, de ce fait tant à l'égard du prononcé du divorce qu'au regard des conséquences financières la tierce opposition n'était pas recevable.

En outre il était prétendu que la preuve de la fraude n'était pas rapportée.

La solution de la première civile est claire et sans ambiguïtés:

"Mais attendu d'une part que si un créancier est irrecevable, faute de qualité, à former tierce opposition à un jugement, en ce qu'il prononce le divorce, aucune disposition légale ne lui interdit, sauf les restrictions apportées par l'article 1104 du code de procédure civile relatives au divorce sur demande conjointe, d'exercer cette voie de recours à l'encontre des dispositions du jugement de divorce portant sur ses conséquences patrimoniales dans les rapports entre époux ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a rejeté la fin de non recevoir opposée par les ex époux ; attendu d'autre part qu'ayant relevé qu ' à la suite de la liquidation judiciaire en septembre 2000 des sociétés dont M. X... était le dirigeant et pour lesquelles il s'était porté caution, les époux X... avaient vendu en 2002, un immeuble pour un prix de 1 431 436 euros dont ils s'étaient partagé le prix, qu'une procédure de divorce avait été intentée par l'épouse, qu'ils avaient demandé au juge d'entériner leur accord sur la prestation compensatoire en faveur de l'épouse, étant observé que M. X... n'avait plus de biens disponibles après paiement de cette prestation, la cour d'appel a par ces constatations souveraines estimé établie la fraude invoquée par la banque ; attendu enfin qu'ayant relevé que la banque bénéficiait d'un titre de créance, la cour d'appel qui a écarté l'argumentation des époux X... tirée d'une éventuelle créance à leur profit, a motivé sa décision".

Commentaire

Superbe application du principe Fraus omnia corrumpit...

Sur l'onde de choc de cette décision: elle est très large.

Lorsque le divorce devient une technique de gestion du patrimoine, il faut prendre garde aux incidences en droit des affaires.

Lorsque des droits de propriété intellectuelle ou industrielle, des parts de sociétés ou autres actifs immatériels sont en cause, les questions sont encore plus "sioux".

Alors les CPI qui ne souhaitent pas "faire" de divorce, s'y mettrons peut être un jour, par force!

---------------------------------------------------------------------------------------

Cour de cassation

chambre civile 1

Audience publique du mercredi 5 novembre 2008

N° de pourvoi: 06-21256

Publié au bulletin Rejet

M. Bargue (président), président

Me Ricard, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Defrenois et Levis, SCP Nicolaý, de Lanouvelle, Hannotin, avocat(s)

--------------------------------------------------------------------------------

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que la BNP PARIBAS, créancière de M. X..., a formé tierce opposition à un jugement rendu le 17 septembre 2002 par un juge aux affaires familiales qui, sur le fondement de l'article 248-1 du code civil, a prononcé aux torts partagés, le divorce des époux X...- Z..., mariés sous le régime de la séparation de biens et dit que conformément à leur accord M. X... versera à Mme Z..., à titre de prestation compensatoire, la moitié de la valeur des meubles acquis en commun et meublant l'ancien domicile conjugal pour un montant de 25 255, 77, des parcelles de terre d'une valeur de 8 384, 70, et un capital de 109 920, soit un total cumulé de 143 560, 47 ; que la société Malmezat-Prat ès qualités de mandataire liquidateur des sociétés dont M. X... était le dirigeant est intervenue volontairement à l'instance ;

Sur le premier moyen pris en ses trois branches des pourvois principal et incident :

Attendu que Mme Z... et M. X... font grief à l'arrêt attaqué (Bordeaux, 26 septembre 2006) d'avoir déclaré recevables la tierce opposition de la banque à l'encontre du jugement du 17 septembre 2002 dans sa partie relative à la fixation d'une prestation compensatoire et l'intervention volontaire du mandataire liquidateur des sociétés Sogico, Sogitra et Sogimat, alors selon les moyens :

1° / que la tierce opposition n'est pas recevable sur le prononcé du divorce, ni sur ses conséquences légales ; que la prestation compensatoire allouée en conséquence du divorce et indivisiblement liée à la rupture du lien conjugal est une conséquence légale du divorce excluant la tierce opposition partielle ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 583 du code de procédure civile ;

2° / qu'en toute hypothèse la rétractation d'un jugement par la voie de la tierce opposition suppose la démonstration par le créancier opposant d'une fraude du débiteur ; en l'espèce, s'étant appuyée sur la seule « affirmation » du banquier « estimant » avoir été victime d'ex-époux « complices », sans constater l'existence d'une fraude, c'est-à-dire en l'occurrence d'une demande en divorce détournée de son objet, relevant d'un droit discrétionnaire au titre de la vie privée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 583 du code de procédure civile ;

3° / qu'en toute hypothèse Mme Z... faisait valoir que la banque, tiers opposante, s'était vue imputer par une décision définitive, un trouble manifestement illicite pour avoir abusivement rompu une ligne de crédit bénéficiant à la société Sogico dirigée par M. X..., cette faute étant de nature à exclure ou limiter la créance invoquée pour justifier son intérêt à la tierce opposition ; qu'en tenant pour « éventuelle » la faute du banquier, sans répondre aux conclusions de Mme Z..., la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu d'une part que si un créancier est irrecevable, faute de qualité, à former tierce opposition à un jugement, en ce qu'il prononce le divorce, aucune disposition légale ne lui interdit, sauf les restrictions apportées par l'article 1104 du code de procédure civile relatives au divorce sur demande conjointe, d'exercer cette voie de recours à l'encontre des dispositions du jugement de divorce portant sur ses conséquences patrimoniales dans les rapports entre époux ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a rejeté la fin de non recevoir opposée par les ex époux ; attendu d'autre part qu'ayant relevé qu ' à la suite de la liquidation judiciaire en septembre 2000 des sociétés dont M. X... était le dirigeant et pour lesquelles il s'était porté caution, les époux X... avaient vendu en 2002, un immeuble pour un prix de 1 431 436 euros dont ils s'étaient partagé le prix, qu'une procédure de divorce avait été intentée par l'épouse, qu'ils avaient demandé au juge d'entériner leur accord sur la prestation compensatoire en faveur de l'épouse, étant observé que M. X... n'avait plus de biens disponibles après paiement de cette prestation, la cour d'appel a par ces constatations souveraines estimé établie la fraude invoquée par la banque ; attendu enfin qu'ayant relevé que la banque bénéficiait d'un titre de créance, la cour d'appel qui a écarté l'argumentation des époux X... tirée d'une éventuelle créance à leur profit, a motivé sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen ci-après annexé, examiné par la chambre commerciale :

Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le troisième moyen ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE les pourvois ;

Fait masse des dépens et les laisse pour moitié à la charge de Mme Z... et pour moitié à celle de M. X... ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille huit.