Cour de cassation, chambre sociale, 30 avril 2009, N° 07-43219

Cassation, respect de la procédure de reclassement après un arrêt maladie: non, preuve du harcèlement par le salarié: oui.

Une entreprise embauche un peintre le 1er octobre 2001.

Le 19 décembre 2003, l'ouvrier dénonce le fait qu'il serait victime de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique.

Une arrêt de travail pour maladie est posé à compter du 19 janvier 2004 jusqu'au 2 février 2004.

Le médecin du travail a conclu à " une inaptitude à tous les postes de l'entreprise, selon l'article R. 241-51-1 du code du travail. Danger pour lui-même et pour les autres. "

Le salarié, de nouveau en arrêt de travail pour maladie à compter du 9 février 2004, a été licencié le 20 février 2004 pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

Le peintre a saisi la juridiction prud'homale, la cour d'appel le déboutera, la cour de cassation fera droit à ses demandes.

Jusqu'où va l'obligation pour l'employeur de reclasser un salarié inapte à tous postes?

Quel est le régime de la preuve d'un harcèlement?

La cour de cassation répond à ces questions avec clarté et peut être avec une certaine humeur...

1°) Vu l'article L. 1226-2 du code du travail:

"Attendu que selon ce texte, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ;

Attendu que pour décider que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter le salarié de ses demandes en paiement d'indemnités, l'arrêt se borne à relever que l'employeur a discuté avec un délégué du personnel du problème de reclassement de M. X... et qu'il n'a pas été trouvé de solution, et que la mise en oeuvre de la procédure de licenciement trois jours après l'avis d'inaptitude ne peut établir que l'employeur n'avait pas tenté de mettre en oeuvre l'obligation de reclassement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, d'une part, le seul entretien avec un délégué du personnel ne suffisait pas à établir que l'employeur se soit conformé à ses obligations susvisées et que, d'autre part, la brièveté du délai écoulé après l'avis d'inaptitude démontrait, à lui seul, qu'il n'y avait eu aucune tentative sérieuse de reclassement, la cour d'appel a violé le texte susvisé."

2°) Vu l'article L. 1154-1 du code du travail, applicable à l'article L. 1152-1 en matière de harcèlement moral:

"Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts à titre de harcèlement moral, la cour d'appel, après avoir relevé que le salarié produit une attestation selon laquelle M. Y... " était constamment sur le dos de M. X... et le harcelait continuellement pour des raisons injustifiées ainsi que nous autres, contrôle permanent des heures d'arrêt et de reprise de travail, ne nous laissant même pas le temps pour se laver les mains ou aller aux toilettes le local sanitaire vestiaires et local déjeuner se trouvant à dix minutes de notre lieu de travail ", et que l'employeur produit l'attestation d'un collègue du salarié aux termes de laquelle celui-ci supportait mal les remarques de M. Y... qui semblaient justifiées et ne constituaient pas un harcèlement et l'attestation d'un délégué du propriétaire de l'immeuble où se déroulaient les travaux n'ayant à aucun moment constaté un comportement de la part de M. Y... s'apparentant à du harcèlement, retient que si les certificats médicaux font mention d'un état dépressif, ils ne précisent cependant pas sa relation avec les conditions de travail et que l'avis du médecin du travail ne contient non plus aucun élément établissant une relation entre l'inaptitude et l'existence d'un harcèlement moral ;

Qu'en statuant ainsi alors que le salarié n'est tenu que d'apporter des éléments qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel qui ne pouvait rejeter la demande du salarié au seul motif de l'absence de relation entre l'état de santé et la dégradation des conditions de travail, a violé les textes susvisés"

Bref commentaire

Cette décision a une portée très large en ces temps de crise et dénote une volonté de protection des salariés.

Cependant, la décision semble ignorer une certaine réalité de l'entreprise.

En effet, lorsqu'un homme est déclaré par la médecine "inapte à tous postes dans l'entreprise" la justice peut - elle d'une certaine façon se substituer à la Faculté pour contraindre l'employeur à reclasser activement un homme qui ne peut plus travailler dans l'entreprise?

D'autre part, la recherche d'un lien de causalité entre un état dépressif et des faits de harcèlement semble légitime en droit commun.

En effet, que devient le pouvoir de direction de l'employeur?

L'entreprise est menacée en sa qualité de structure ordonnée de production au service de ses clients.

La crise actuelle augmente la pression en particulier sur les PME: délais plus courts pour fournir, délais plus longs pour être payé, baisse du crédit, augmentation des charges...

La jurisprudence devrait rechercher triuver un équilibre dans ce balancier entre la défense de l'activité économique et la protection des plus faibles.