Cour de cassation chambre sociale 29 avril 2009, N° 07-45205.

licenciement sans cause réelle et sérieuse (oui), vol, acte isolé, marchandise de faible valeur.

Monsieur X..., engagé par la société DUCROS en mai 1994 et promu en 1996 au poste de responsable de bureau, a été licencié le 23 juin 2003 pour le vol d'un pantalon qu'il a reconnu avoir conservé pendant quelques temps dans son bureau avant de l'emporter chez lui et de le restituer à bref délai.

L'employé soutenait que s'agissant du pantalon « détourné », il n'est pas démontré qu'il était d'une grande valeur marchande que l'ensemble des constatations conduit à considérer que si le comportement du salarié méritait sanction, le licenciement décidé par l'employeur était disproportionné.

Il soutenait également, pour les mêmes raisons que la mise à pied conservatoire devait être annulée et qu'il y avait donc lieu de considérer le licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L'employeur plaidait

1°/ que pour apprécier la faute grave reprochée à un salarié licencié, le juge doit tenir compte de sa position hiérarchique et du contexte dans lequel il exerçait ses responsabilités ; qu'en l'espèce, M. X... avait été licencié pour vol de marchandise appartenant à un client de l'entreprise, l'employeur soulignant dans la lettre de licenciement que ce comportement était intolérable de la part d'un responsable de service se devant de donner l'exemple à ses subordonnés dans un contexte de disparitions importantes de marchandise spécialement constatées dans l'établissement où le salarié exerçait ses fonctions ; qu'en se bornant à relever l'ancienneté de M. X..., sa compétence professionnelle, l'absence de sanctions antérieures et le caractère isolé du fait reproché, sans à aucun moment s'interroger, comme elle y était pourtant expressément invitée, sur le point de savoir si l'existence de nombreux détournements dans l'établissement n'imposait pas à M. X..., en tant que responsable de service, un devoir particulier d'exemplarité s'opposant à tout détournement quel qu'il soit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-9 et L. 122-14-3 du code du travail ;

2°/ qu'il résultait de l'attestation de M. Y... que s'il existait une pratique consistant à ne pas systématiquement retourner à la clientèle "les colis ou pièces endommagés de faible valeur tels des stylos", l'entreprise déplorait par ailleurs d'importants et réguliers problèmes de vols et de disparitions de colis contre lesquels M. X..., notamment en charge de sécuriser le site, était censé lutter ; qu'en opposant à l'employeur la pratique relatée par M. Y..., sans à aucun moment constater que le vol reproché au salarié aurait concerné une marchandise endommagée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-9 et L. 122-14-3 du code du travail

La Cour d'Appel a condamné l'entreprise pour avoir effectué un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation confirme de façon lapidaire:

"Mais attendu qu'ayant relevé la faible valeur de l'objet soustrait et le caractère isolé des faits reprochés, la cour d'appel a pu décider que ce manquement d'un salarié ayant une ancienneté importante et qui n'avait fait l'objet d'aucune remarque antérieure ne constituait pas une faute grave ; qu'exerçant le pouvoir qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, elle a estimé que ce fait ne constituait pas une cause réelle de licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ".

Bref commentaire:

Qui vole un oeuf, vole un boeuf...

La chambre sociale ne connait pas...

En clair, il est possible pour un responsable de service non seulement de fermer les yeux sur la démarque "inconnue" mais également de "pratiquer ce sport" pour autant que les biens "soustraits" n'aient pas une trop grande valeur!

A bon entendeur!

Il ne peut être question que d'une décision d'espèce.

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Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du mercredi 29 avril 2009

N° de pourvoi: 07-45205

Non publié au bulletin Rejet

M. Chauviré (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 27 septembre 2007), que M. X..., engagé le 9 mai 1994 par la société Ducros Euro Express et depuis 1996 responsable de bureau dans l'établissement de Chamousset, a été licencié pour faute grave le 23 juin 2003 ;

Attendu que la société Ducros Euro Express fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à payer diverses sommes, alors, selon le moyen :

1°/ que pour apprécier la faute grave reprochée à un salarié licencié, le juge doit tenir compte de sa position hiérarchique et du contexte dans lequel il exerçait ses responsabilités ; qu'en l'espèce, M. X... avait été licencié pour vol de marchandise appartenant à un client de l'entreprise, l'employeur soulignant dans la lettre de licenciement que ce comportement était intolérable de la part d'un responsable de service se devant de donner l'exemple à ses subordonnés dans un contexte de disparitions importantes de marchandise spécialement constatées dans l'établissement où le salarié exerçait ses fonctions ; qu'en se bornant à relever l'ancienneté de M. X..., sa compétence professionnelle, l'absence de sanctions antérieures et le caractère isolé du fait reproché, sans à aucun moment s'interroger, comme elle y était pourtant expressément invitée, sur le point de savoir si l'existence de nombreux détournements dans l'établissement n'imposait pas à M. X..., en tant que responsable de service, un devoir particulier d'exemplarité s'opposant à tout détournement quel qu'il soit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-9 et L. 122-14-3 du code du travail ;

2°/ qu'il résultait de l'attestation de M. Y... que s'il existait une pratique consistant à ne pas systématiquement retourner à la clientèle "les colis ou pièces endommagés de faible valeur tels des stylos", l'entreprise déplorait par ailleurs d'importants et réguliers problèmes de vols et de disparitions de colis contre lesquels M. X..., notamment en charge de sécuriser le site, était censé lutter ; qu'en opposant à l'employeur la pratique relatée par M. Y..., sans à aucun moment constater que le vol reproché au salarié aurait concerné une marchandise endommagée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-9 et L. 122-14-3 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé la faible valeur de l'objet soustrait et le caractère isolé des faits reprochés, la cour d'appel a pu décider que ce manquement d'un salarié ayant une ancienneté importante et qui n'avait fait l'objet d'aucune remarque antérieure ne constituait pas une faute grave ; qu'exerçant le pouvoir qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, elle a estimé que ce fait ne constituait pas une cause réelle de licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Ducros Euro Express aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf avril deux mille neuf.